Caleb venait d'une époque où tout roulait encore à peu près bien. À savoir un monde qui ne menaçait pas de se faire exploser la gueule toutes les cinq minutes avec des tarés à tous les coins de rue. Pourtant, c'est aussi à cette époque que la plupart ont vu le jour. Caleb a cru une majorité de sa vie qu'il était du bon côté de la ligne, il avait tout faux. À force de jouer avec des éléments qui le dépassaient, il a fini par se faire avoir. Pourtant, on l'avait prévenu du danger que représentait l'appât de la cupidité, d'en vouloir toujours plus. Mais il s'est cru au-dessus des règles. Comme toujours. C'est en se brûlant les ailes qu'on apprend de ses erreurs, mais il est souvent trop tard pour s'en rendre compte. Il n'était pas le premier à perdre à ce jeu, ni le dernier non plus. Finalement, il était un joueur parmi les autres. C'était peut-être ça le plus vexant dans l'histoire quand on est pétri de fierté. Mais c'est en quittant la partie qu'il a pu en comprendre les ficelles, se sentant comme une marionnette entre les mains du destin.
Il remit ses lunettes en place, histoire de pouvoir voir le monde de nouveau, adossé dans son fauteuil, il avait suffisamment patienté pour remettre les pieds dans l'arène.
X754-X769Caleb venait d'une famille aisée, pour ne pas dire de la petite noblesse. Fort de plusieurs générations à servir la couronne, le garçon fut très tôt bercé d'exploits chevaleresques à accomplir et surtout, toujours être un homme bon et vertueux. Comme tout bon héros en somme. Alors, faire partie de l'armée était une obligation, un vœu qu'il rêvait d'accomplir, monter les échelons et graver son nom dans l'histoire. Pour un gamin d'une dizaine d'année, c'était ça la perfection. En plus, il ne se passait pas un jour dans sa vie où il ne s'entraînait pas pour accomplir son rêve. C'était normal non ? Un chemin tout tracé, bien besoin de se poser de question. C'était tellement plus simple de suivre le courant et de se laisser porter. Caleb avait été élevé pour être un parfait guerrier, pourquoi changer ? Entrer à l'Académie avait été d'une facilité déconcertante, finalement, il était fait pour ça, se battre. Plus c'était dangereux, plus il fonçait dans le tas, fougueux. Pourtant, l'idée de défier l'ordre lui était impossible. Hérésie que de désobéir au règlement, il fallait être respectable après tout. Alors, quand il put intégrer l'armée, il put être gradé Caporal, chose tout à fait admirable. Mais ce n'était pas suffisant pour lui, Caleb avait l'ambition d'aller plus loin, de ne pas s'arrêter en si bon chemin, il veut se tenir au-dessus de tous. Commandant ... Est-ce que c'est une bonne situation ? Et puis, la situation du pays n'était pas si mal que ça ... Le problème de magie serait résolu par Faust, Caleb avait toute confiance en son roi. C'était normal, il était leur guide.
Ce fut aussi à cette époque que Caleb rencontra d'autres personnes qui changèrent la face d'Edoras à jamais, parmi eux Skyadrum et Weisslogia. En ce temps-là, ils étaient simplement camarades. Rien aux yeux du blond n'aurait pu le laisser imaginer de la suite ni dans l'horreur dans laquelle ils allaient être plongés pour les décennies à venir.
X770-X780La vie de Caleb a complètement changé en une dizaine d'années. N'hésitant pas à gravir les échelons pour se retrouver au sommet de la pyramide, l'orgueil de se croire au-dessus du lot et d'être le meilleur. Après tout, il avait été biberonné toute sa vie au fait qu'il ferait de grandes choses, et il n'était pas mauvais dans son boulot, il avait fini par prendre un peu le melon. Heureusement, le Destin eut la gentillesse de le remettre à sa place.
Avec un grand coup de pied dans sa gueule.
Elle avait les cheveux blonds bouclés, un regard vert à faire déplacer des montagnes et une fougue du tonnerre. Le genre de personne a refusé de se laisser marcher dessus. Quand Cal la vit pour la première fois, il fut sous le charme. Comment ne pas l'être ? Elle avait un rire magnifique. Ils s'étaient rencontrés dans un bar alors que le jeune homme était en permission. Ses camarades l'avaient chambré parce qu'il n'était pas foutu de parler à une femme sans bafouiller. Ça s'est fini sur un pari, si Cal arrivait à lui parler et à choper un nouveau rendez-vous avec la belle, il était exempté de payer des coups pendant un mois ... Dans le cas contraire, il payait toutes les consommations de la soirée, et les militaires étaient des puits sans fond en matière d'alcool. Et Cal n'avait pas envie que ses camarades vident les réserves de vin de la ville pour un pari perdu. Cal prit son courage à deux mains et discuta avec la belle.
Adriane ...
Il fallut d'un sourire pour qu'il soit à elle pour toujours. Il la courtisa avec une persévérance hors du commun. Comment ne pas être séduit par une déesse de la guerre ? Adriane était de ces personnes qui avaient le don pour se battre, inspirante et capable de renverser le cours d'une bataille à elle seule. Cal fut un temps jaloux du talent de sa compagne, la prenant pour sa rivale pour le titre de commandant. Mais la blonde n'avait pas cette ambition. Alors quand enfin, il mit son orgueil de côté pour lui demander sa main, il comprit qu'il avait changé, qu'il y avait autre chose s'il regardait sur le côté. Adriane tomba rapidement enceinte et décida de quitter l'armée pour élever leur fille nouveau-née : Olivia. Cal fut promu commandant peu de temps après. Le comble du bonheur. Alors qu'il serrait sa fille dans ses bras, il remercia les dieux de lui avoir offert tant de chance.
Mais tout se paye en ce bas monde, même le bonheur.
Car les temps étaient en train de changer. La magie se faisait de plus en plus rare et malgré les conquêtes militaires de Faust, il n'était pas satisfait, il lui en fallait toujours plus. Alors dans l'esprit malade du roi, une idée terrible lui vint en tête : le sérum. Faire des soldats de la chair à canon, Caleb se battit corps et âme pour ralentir la progression des recherches, craignant ses dérives et des effets secondaires sur le long terme pour les malheureux. L'idée d'envoyer en première ligne des berserkers ne lui plu absolument pas. C'était de la folie tout simplement. Il accepta d'être le premier à prendre une dose de sérum, faisant jurer au roi que si c'était un échec, il fallait tout arrêter. Il devait protéger ses hommes après tout. C'était son rôle.
Ce fut un échec terrible. On lui injecta et la douleur fut telle qui se mit à hurler à s'en briser les tympans. Il resta plusieurs jours dans le coma, quand il se réveilla enfin, il était quasiment aveugle et des douleurs lancinantes qui refusèrent de le quitter. Lui, qui était au sommet n'était quasiment plus capable de rien. Ce fut le début de la descente aux enfers.
X781-X783Alors que Cal se remit péniblement des effets du sérum, ce ne fut rien quant à l'horreur d'apprendre que les essais avaient continué, notamment sur des adolescents à peine pubères. Alors qu'il clopinait pour demander une audience en urgence au roi, il essaya tant bien que mal de plaider sa cause et de supplier sa Majesté d'arrêter ce massacre. Pourquoi continuer à injecter le sérum ? Faust avait conquis la majorité d'Edoras, rien ni personne ne pouvait le défier désormais. Il restait bien évidemment des guildes de magies devenues clandestine, mais ce n'était qu'une épine dans le pied, rien de bien insurmontable. Il n'y avait pas besoin de transformer des soldats parfaitement capables en machine de guerre. Caleb fut renvoyé dans les choux, il n'avait pas à discuter des ordres, surtout de son souverain. Ce fut la première fois où la loyauté de Cal commença à flancher, il s'était des années durant pour apporter la paix à son monde et une fois la guerre achevée, il pourrait profiter de cet âge d'or de la paix. Pourquoi continuer à entretenir la flamme de la guerre ? Ça n'allait pas avec les valeurs de Caleb. Et surtout, il pensait que son opinion aurait un poids dans la balance. À son grand effarement, il n'était qu'un pion sur l'échiquier. Il n'eut que ses yeux pour pleurer. Il serra les dents. Priant pour que ce carnage s'arrête le plus rapidement possible. Alors que les médecins travaillèrent à palier sa cécité, Caleb se décida à s'occuper de la jeune génération qui avait été sacrifiée sur l'autel des ambitions de Faust.
S'il ne pouvait pas confronter le soldat, il ferait en sorte que ceux qui soient envoyés à la 2e Division soient à minima protégé et qu'ils se serrent les coudes tous ensemble. Le loup solitaire meurt mais la meute survit. La force de Caleb avait largement été diminuée, obligeant d'entraîner ses autres sens pour ne pas perdre la main. Et rien de mieux que de se servir des recrues pour s'améliorer. Et parmi elles, il y avait une blonde. Cal n'eut pas besoin de croiser son regard pour savoir qu'elle serait une combattante hors pair .... Et une source d'ennui. Pourtant, Caleb se prit d'affection pour elle. Il joua les darons avec elle, non sans plaisir en vérité, se rendant compte que jouer le Papa de la bande, ça lui plaisait. Et ça lui permettait aussi de créer de vrais liens. Il espérait sincèrement que toute cette joyeuse bande pourrait survivre alors que la chasse aux mages se faisait de plus en plus intense. Pourtant, pas le choix que de les envoyer sur le terrain.
Et parmi ces recrues, il y eut une autre personne qui toucha l'âme de Caleb, autre que Daria, il eut cette petite rouquine, haute comme trois pommes. Elle brillait comme son épouse, une vraie déesse de la guerre en devenir. Non, même plus grande. Il sut qu'elle serait un jour sa remplaçante. Il forma personnellement Erza Knightwalker à prendre sa suite. Il la poussa plus loin que les autres sans ménagements. Elle continuait de monter tandis que lui se sentait diminué chaque jour qui passait, c'était frustrant, terriblement frustrant. Il avait perdu de sa superbe à cause du sérum alors qu'il était en pleine force de l'âge. Il avait de plus en plus de mal à supporter les douleurs lancinantes qui couraient le long de son corps, il fut réduit à prendre des anti-douleurs pour continuer les missions. Et de plus en plus souvent, il montra son hostilité envers sa Majesté, refusant plusieurs fois de partir en mission ou en faisant en sorte qu'elle échoue.
Rien de tel pour s'attirer l'ire du souverain. Caleb n'était pas au-dessus des lois et avec un commandant dissident, la sentence devait tomber un jour. Le roi ne put supporter une nouvelle remontrance de Caleb, après tout, ce n'était qu'un commandant, c'était remplaçable. Surtout quand il y avait une remplaçante plus que capable pour prendre la relève, beaucoup plus docile et beaucoup plus acharnée à accomplir sa mission. Cal avait fait en sorte d'en faire une personne humaine mais en vérité, Knightwalker était devenue une machine de guerre, une de plus dans l'arsenal de Faust.
Et un soir, après une énième dispute, plus violente encore que celle qu'il y avait eu avec le roi, Caleb donna sa démission. Pensant enfin se libérer de ce fléau qu'était devenue l'armée d'Edoras. Mais ce fut la descente en enfer. Car quand il rentra chez lui, il ne trouva qu'en lieu et place un tas de ruines fumantes. Sa femme et sa fille se trouvant à l'intérieur. Nul besoin de chercher qui avait commandité l'incendie. Cal avait désobéi au roi, avait fait preuve de crime de lèse-majesté et il devait les conséquences d'avoir osé ouvert sa gueule. Lui qui avait dédié sa vie au souverain venait de tout perdre, absolument tout.
X784-X791Et sans un regard en arrière, le blond quitta la Cité Royale, amer. Lui qui avait dédié sa vie pour autrui avait tout perdu, ne restait qu'un goût de cendre dans sa bouche. Il comprit que les bons sentiments n'avaient pas leur place en ce bas monde. Non bien au contraire. Il fallait être le plus vil possible pour survivre. Il avait eu une âme chevaleresque et cela ne lui avait rapporté que des ennuis. Lui qui avait voulu que ses soldats réfléchissent de la portée de leur acte étaient en train de massacrer les derniers mages natifs d'Edoras. C'était devenu des vraies machines de guerre, ne cherchant pas à comprendre. Alors Caleb décida de se concentrer sur lui. Il n'avait plus rien en poche alors autant construire une entreprise et s'en mettre plein les poches. Autant finir sa vie à se saouler avec un bon pinard...
Il se rendit à Crystal, histoire de ne plus être sous la juridiction de Faust et commença de manière banale. À vendre des armes prohibées par le gouvernement. Puis faire traverser à prix d'or des mages en quête de tranquillité. En ces temps sombres, qui se soucierait de ses magouilles ? Avec les années et surtout le bordel causé par les mages d'Earthland, ce fut le jackpot pour lui. Il prit un malin plaisir à regarder la déchéance de son ancien souverain se faire détruire par son ambition dévorante. L'armée se disloqua, éclatant en un tas de morceaux. Les anciens de l'armée préférant prendre la poudre d'escampette. Avec l'arrivée et prise d'otage des mages d'Earthland, un nouveau marché juteux se mit en place, Cal se frotta les mains. Observant de loin la montée des guildes noires et de tout ce joyeux monde se mettant sur la gueule. Edoras était devenue une arène géante et lui était dans les tribunes pour observer tout ça, profitant de l'offre et de la demande pour monter en puissance et avoir un compte bancaire bien rempli. Il apprécia d'être spectateur, lui qui avait si longtemps combattu. Maintenant, il pouvait voir à quel point Faust avait plongé le monde dans le chaos et que la génération actuelle était sacrifiée pour une guerre qui n'était pas la leur à l'origine. Pourtant ... Quelque chose le dérangeait.
Le dernier incident de Troïa ? Sûrement. Le fait de voir le visage de son ancienne élève perdre une énième fois. Knightwalker n'était-elle pas finalement son héritage ? Le dernier qui lui restait. Il savait qu'il devait la laisser là où elle était. Pourquoi se battait-elle encore ? Est-ce qu'elle restait parce qu'il l'avait désignée comme étant la guerrière de sa génération ? Il fut incapable de répondre. Où alors était-ce de la compassion ? Après tout, cela faisait désormais une année que les résistants se battaient pour des miettes. La nostalgie d'un temps révolu ? Sûrement.
Alors, pour en avoir le cœur net, il se rendit à la Cité Royale. L'idée de se faire arrêter à la seconde où il posa le pied-à-terre fut surprenante. Il fut emmené en cellule, se demandant pour quel chef d'accusation il avait été jugé. Il y en avait tellement en même temps ... Pourtant, à la vue d'une chevelure rouge, il sut qu'il avait sauté à pieds joints dans l'arène. Il avait la possibilité d'être un joueur à nouveau, il ne perdrait pas cette fois-ci. Pourtant, il était attaché et à la merci de sa lance ... Il ne put s'empêcher d'avoir un sourire étincelant, comme un enfant qui avait perdu son jouet le plus précieux et qu'il venait de le retrouver.
"Erza Knightwalker ... Que me vaut cette immense honneur de ta visite ? Tu dois être terriblement occupée, je suis touché par ta présence."
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