« Peut-on vraiment faire confiance à des espions de Blood Moon ? » L’interrogation est posée, neutre. Installée dans son fauteuil, Mademoiselle croise ses jambes et garde un air détaché, presque ennuyé. Les Lunes possèdent certes les meilleurs espions mais ils n’en sont pas fiables pour autant. L’alliance est fragile, volage. Tous savent qu’elle finira par éclater en morceaux dès lors qu’un des camps trahira l’autre pour prendre le pouvoir sur Baram. La véritable question est de savoir à quel moment un poignard sera planté dans le dos de quelqu’un. Fine stratège, Minerva garde toujours cette éventualité en tête. Et, malgré ses réticences, elle reste persuadée que ce n’est pas encore le moment opportun. Pour autant, il ne fait pas de mal de rappeler à ses alliés un peu trop naïfs que cela finira par arriver, et que ce n’est qu’une question de temps. Tout comme il est de bon ton pour la traitresse de les faire se méfier de chaque camp. On ne peut être parfait sur tous les fronts et multiplier l’éventail de possibilités augmente le risque d’erreurs, tout en la mettant dans les bonnes grâces de ceux qui croient en ses mises en gardes -car la plupart restent avérés.

Trahir l’alliance, ce n’est pas seulement se confronter à une mort certaine, les Lunes l’avaient d’ailleurs bien illustré récemment. Il faut être totalement inconscient pour le faire sans protéger ses arrières au préalable, ce qui nourrit les doutes de l’ex-tigresse. Le traitre aurait cela dit presque réussi à passer entre les mailles du filet si Blood Moon n’avait pas réussi à prendre connaissance du message envoyé au gouvernement. « Ne prenons pas de risques. » C’est la parole la plus sage qu’elle ait pu entendre de cette petite réunion. Et, ironiquement, c’est prendre un gros risque que de confier cette tâche à l’Orland, qu’elle soit accompagnée de l’espion de Blood Moon en question ou non. Weisslogia lui a accordé sa confiance beaucoup trop facilement. Mais cela ne doit pas dire qu’elle doit baisser sa garde pour autant, bien au contraire. Plus ce petit jeu continuera, plus elle devra redoubler de vigilance. La véritable question étant de savoir jusque quand ce petit jeu pourra encore durer. Mine blasée, elle se redresse et quitte la pièce non sans cacher un profond agacement à demi feinté. A demi car elle n’est pas enjouée à l’idée de coopérer avec un homme de Skyadrum, et ne s’en cache pas.

Ce n’est pas parce qu’ils se rendent ensemble dans la forêt au nord du continent de Mideel qu’ils doivent faire la conversation, Mademoiselle ne se gêne pas pour le lui faire comprendre en le regardant de haut sans lui répondre lorsqu’il tente de lui adresser la parole. Elle passe son chemin et libre à lui de la suivre ou non -bien entendu la cause commune le force tout de même à le faire. « Séparons-nous. » Ne tarde-t-elle pas à imposer lorsqu’ils arrivent dans ladite forêt. Ne pas connaitre l’emplacement exact de rendez-vous a ses avantages (principalement celui de se débarrasser de la pipelette au monologue incessant). Elle s’enfonce plus au nord, tandis que la lune inspecte la zone dans laquelle ils se trouvaient avant de se séparer.

Lorsqu’elle s’arrête, ce n’est pas face à un traitre de l’alliance qu’elle fait face, le regard curieux et légèrement surpris, mais plus probablement à la personne qu’il devait rencontrer. « Ethan. » Elle-même ne saurait dire s’il s’agit de salutations ou juste de la surprise. « Que fais-tu ici ? » Elle est déjà certaine de connaitre la réponse à cette question. Malgré tout dans une situation comme celle-ci mieux vaut jouer les innocentes ignorantes, juste au cas où. Et maintenant, elle n’a plus qu’à réfléchir à une façon de gérer une situation beaucoup plus complexe qu’elle n’aurait dû l’être. Une chance que le membre de Blood Moon ne soit pas dans les parages…Pour le moment. Minerva va devoir d’ailleurs s’assurer qu’il n’est pas tombé sur l’informateur avant elle, ce qui n’est pas si simple avec Cavendish dans les parages.

« Oh ! Minerva. » La surprise de cette rencontre se dissipe bien vite face à tout ce qu’elle pourrait impliquer, pour l’un comme pour l’autre. Les iris d’un bleu perçant de son interlocuteur ramènent Minerva à une époque bien différente, celle ou l’alliance Baram avait pris Migar pour cible. Les tigres étaient alors encore dirigés par son père, décédé lors de la bataille de la Cité Royale, et Mademoiselle n’avait pas disparu de la circulation pour des raisons aussi obscures qu’incomprises. Elle avait sorti bien des victimes des décombres, ce jour-là, bien es gens pour qui il était déjà trop tard même s’ils respiraient encore sur le moment. Ethan avait eu la chance, somme toute relative, de faire parti des survivants de ce drame. Triste réalité que de se dire que malgré ses séquelles, il était loin d’être celui qui avait perdu le plus ce jour-là. Nombre de tigres avaient reporté à Mademoiselle des histoires à remonter le militaire au rang des plus préservés de cette tragédie. Ce jour là une fois de plus ils avaient fait face à leur impuissance. Une ville avait été soufflée en un instant et tout cela n’était qu’un avertissement. Capitulation. Elle se souvient de la rage née de sa propre faiblesse. La situation n’avait guère changé depuis. Si ce n’était qu’elle agissait à présent de l’autre côté de la ligne, avec cette certitude que cela la rendait bien moins impuissante. Ce serait-ce que parce qu’en agissant directement du côté des agresseurs, elle était capable d’avoir une vision sur les horreurs qu’elle permettait d’avorter avant même qu’ils ne soient mis en œuvre, sous couvert d’éviter une stratégie qui pourrait parfois couter très cher.

Enrobés dans le calme de la nuit, Ethan n’a nul besoin de réfléchir à ce qui pourrait être une réponse acceptable dans cette situation : il n’en existe d’ailleurs probablement aucune. « Eh bien, le temps est idéal pour une balade en forêt. Rien de mieux pour se vider la tête. » L’excuse est assurément assez foireuse pour être assumée de la sorte. Il n’existe, en réalité, aucune véritable raison de se trouver dans cette forêt perdue au milieu de la nuit si ce n’est celle qui les a probablement réunis tous les deux ici. « Toi aussi, t’es venue te changer les idées en solitaire ? » « Existe-t-il d’endroit plus adapté à cela ? » Mademoiselle entre dans son jeu, elle n’en dévoilera pas plus que lui ne pourra le faire. Leur seule présence est déjà un aveu silencieux à lui seul. Mais les véritables intentions de l’ex-tigresse peuvent restés floues, tandis qu’on ne peut douter de ce qui amène un membre du gouvernement à cet endroit précis, à cet instant précis. « T’es au courant qu’il y a un nombre indécent de personnes qui passent leur temps à te chercher depuis plusieurs mois ? » Cette information n’a sans doute échappé à personne, au vu de la discrétion inexistante du nouveau maitre de guilde dans les recherches de sa camarade perdue. Têtu comme il l’a toujours été, elle sait déjà que leur dernière entrevue n’a pas ébranlé son idée de ramener Minerva à la guilde. Elle a pourtant été claire sur le sujet : Elle ne reviendrait pas. Ajouter une limite à cette décision ne ferait qu’accroitre la détermination des tigres, déjà bien trop contraignante à son gout. « Que de ressources perdues, alors qu’il suffisait simplement de venir se promener ici. » Il ne se fatigue même pas à cacher son ironie. Face à l’audace, haussant un sourcil, Minerva lui accorde une vérité. Une toute petite vérité cachée. « Ils ne devraient pas se donner tout ce mal. Je ne rentrerai pas avant de l’avoir décidé. »

« Je peux te demander la raison pour laquelle tu joues à cache-cache ses derniers mois ? » Ce serait facile de répondre, d’exposer ses idées et ses raisons. Mais ce serait également audacieux, et terriblement dangereux à la fois pour elle et pour lui. Elle soutien son regard de saphir sans lui accorder de réponse satisfaisante, sans lui accorder aucune réponse. Ce qui, contrairement aux apparences, est bien davantage qu’un je ne te dois rien qu’elle aurait pu offrir, froide et tranchante. Cela ne l’empêche pas de garder son regard dans le sien, comme s’il aurait été capable d’attendre, d’exiger une réponse jusqu’au matin si une tierce personne n’avait pas choisi cet instant pour les interrompre. Concentrée sur son interlocuteur, elle n’a pas aperçu le mouvement mais en a perçu le son. « Décidément, tout le monde s’est donné le mot pour une ballade aujourd’hui. » Son regard suit la direction qu’Ethan désigne du doigt. « Une connaissance à toi ? » Dans la pénombre, elle ne distingue qu’une ombre. Soit l’informateur n’ose pas se montrer tant qu’elle sera dans les parages, soit l’espion de Blood Moon a trouvé plus utile de surveiller soit elle soit Ethan plutôt que de chercher l’objet de leur mission. Aucun des deux cas ne l’arrange réellement, en réalité. « Nous le découvrirons bien vite. » Mademoiselle disparait dans un portail propre à sa magie pour réapparaitre à l’endroit duquel ils étaient observés. Profitant de l’avantage de la surprise, elle l’attrape par le vêtement, au niveau de la nuque, au milieu de son sursaut de surprise. Il n’a pas le temps de faire un pas pour s’éloigner d’elle. C’est exactement par le même procédé de portail qu’elle réapparait devant Ethan pour lâcher le malheureux devant elle. Dans son mouvement de fuite avortée, il trébuche et tombe sur le ventre devant le militaire. « Une des tiennes, peut-être ? » Le type au sol n’est pas le membre de Blood Moon avec lequel elle s’est rendue ici, ce qui fait potentiellement de lui l’informateur, dont elle connait le nom mais qu’elle n’a personnellement jamais rencontré. Il ressemble en tout cas à la description que le son compagnon de mésaventure lui a fait…Mais il n’est pas nouveau qu’elle ne fait guère confiance aux lunes. Il se redresse légèrement, lève la tête vers Cavendish. « Vous avez eu mon message ? » Demande-t-il, la voix pleine d’espoir. Il devient cependant livide lorsqu’il tourne la tête vers Minerva, quand bien même elle ne se trouve aucunement menaçante envers lui. Croisant les bras sur sa poitrine, elle se contente de soutenir son regard avant qu’il se tourne de nouveau vers Ethan. « Elle…Elle est avec vous ? » La disparition de Minerva laisse encore, pour le moment, des incertitudes derrière elles. Que ce soit d'un côté ou de l'autre. Il n'est de fait pas étonnant que même certains de ses nouveaux alliés ne sachent pas quand quel camp elle se trouve. Après tout, Mademoiselle ne tient pas compagnie à n'importe qui et la plupart des membres de Lux lui sont encore inconnus...Et inversement.

L’informateur est autant un inconnu pour Ethan que pour elle. Cependant, il ne fait aucun doute que c’est bien lui qu’il est venu retrouver ici. Ni Cavendish ni l’Orland n’était véritablement dupe sur les raisons de la présence de l’autre en ces lieux reculés au beau milieu de la nuit, et les baratins sans queue ni tête ayant été servis à l’autre ne laissaient que peu de place au doute. Le fou doit déjà se penser en sécurité pour dévoiler ainsi son identité si vite. L’agacement d’Ethan est partagé par la mage, pour qui les choses seraient restées plus simples s’il avait choisi un autre moment pour se montrer ou se dévoiler. Mademoiselle croise les bras en regardant l’imbécile qui ne sait plus sur quel pied danser. Qu’il s’interroge sur son allégeance, ça ne l’arrange pas. Il est avantageux pour elle que le doute continu de planer sur ses ambitions ou sur son allégeance du côté de ses anciens alliés. « Ça, mon ami, c’est la question à un million de jewels. » Son regard glisse sur lui, de nouveau les regards s’accrochent en laissant un nouveau silence peser entre eux. Comme elle ne daigne pas donner de réponse, la question silencieuse trouve des mots pour s’exprimer. « Est-ce que j’ai besoin de le protéger de toi ? » Haussement d’épaules. A-t-elle vraiment besoin de répondre à cette question alors qu’elle l’a déjà indirectement fait de par ses actes ? Si elle voulait s’en prendre à lui ou disparaitre en l’emportant avec elle, elle ne serait jamais réapparue avec lui devant le militaire, le jetant à ses pieds sans considération aucune. « Penses-tu que ce soit le cas ? » Minerva a cette mauvaise habitude, après des années à entrainer des tigres et à les pousser vers le haut, de ne jamais donner de réponses claires. De simplement les aiguiller vers des réponses qu’ils doivent trouver par eux-mêmes. Yukino en fût l’exemple le plus flagrant, et également une des tigresses dont elle était la plus fière de l’évolution.

Bien qu’il ait toujours les yeux posés sur elle, Minerva quitte Ethan des yeux pour contempler l’ex-membre de l’alliance qui ne semble pas avoir la force nécessaire pour se relever de lui-même, bien trop perdu ou intimidé par ce qui se passe autour de lui. Il faut que le Commandant s’approche, quittant alors enfin l’Orland des yeux, et qu’il lui tende sa main pour qu’il trouve enfin en lui la force de se redresser. « Merci. Commandant, j’ai des inf… » « Je serais toi, je n’en dirais pas plus. Analyse la situation. » Ethan est bien plus malin et observateur qu’il ne le laisse paraitre, Minerva le lui reconnait silencieusement. Toute cette situation aurait été bien plus aisément gérable s’ils ne se trouvaient que tous les trois, mais l’espion des Lunes complique encore plus la scène qui se joue ici. Une nouvelle fois, elle disparait lorsqu’elle le sent dans son dos, alors qu’il lance une attaque sur le traitre pour le faire taire à jamais. Lorsqu’elle réapparait, un peu plus loin de ses deux interlocuteurs, la cible a été balancée derrière le commandant pour qui l’envoi de deux simples poignards ne constitue pas une réelle menace. « Gravité Verticale. » Les lames se plantent dans le sol, à ses pieds. Voilà la victime sauve, pour le moment. Et à dire vrai, si une attaque si simple aurait réellement suffi à faire taire l’informateur, cela n’augurerait rien de bon pour l’avenir de Baram…Elle jette un coup d’œil furtif dans sa direction. Il a l’air effrayé. Mademoiselle soupire silencieusement. C’est un mystère de savoir comment il a pu survivre au sein de l’alliance tout ce temps et c’est une surprise, vu son courage inexistant, qu’il se soit décidé à la trahir et à balancer ce qu’il sait au gouvernement. Cela dit, vu son niveau, ce serait un comble qu’il possède véritablement des infos dignes de ce nom.

La voilà dans une situation fort peu confortable. Quoi que l’on puisse en dire ou quoi qu’elle puisse laisser paraitre dans ces temps troubles, Minerva a des principes auxquels elle n’a jamais tourné le dos. Et, aujourd’hui encore, malgré les risques que cela pourrait lui faire courir, elle n’a pas l’intention de sacrifier qui que soit pour sauver les apparences. Tant qu’elle reste à Baram, loin des tigres, elle sera la seule à devoir assumer ses erreurs de parcours. La situation ne lui laisse malheureusement pas le luxe de réfléchir à ses options et aux conséquences qu’elles pourraient avoir. Une nouvelle salve de lames file droit sur la cible précédente. Bien plus nombreuses, les lames viennent cette fois de toutes directions. La Lune a sans doute l’espoir que le périmètre de la magie du commandant ne puisse pas entourer toute cette zone. Mademoiselle ignore bien si cela entre dans les capacités d’Ethan ou non. Cela a peu d’importance car sa décision est prise. « I Raagd. » Incante-t-elle. La seconde suivante, l’homme qui était pris pour cible se retrouve piégé dans une sphère de territoire, puis disparait dans la dimension avec laquelle Minerva communique par sa magie. Ce qui ressemble à un kidnapping est en réalité une mise en sécurité, d’autant que la Lune reste encore persuadée que Minerva est une alliée…Du moins, autant que peuvent l’être deux membres de guildes différentes au sein d’une alliance fragile.

Il aurait été simple pour elle de protéger Ethan de l’attaque mais elle doit garder les apparences de son côté, au moins encore un tout petit peu. Peut-être aurait-elle revu son jugement si elle n’était pas persuadée qu’en tant que commandant il s’en sortirait très bien face à une attaque tellement sommaire qu’on pourrait le prendre comme une insulte à ses capacités -mais il n’était pas la cible principale. Passant une nouvelle fois par une porte dimensionnelle, elle réapparait près de lui, attrapant au passage le poignard qui passe à côté d’elle avant qu’il s’approche du blanc d’un peu trop près et le gardant en main. C’est une aubaine que son partenaire soit un lâche qui préfère rester cacher pour attaquer. Cela lui permet d’échanger encore quelques mots qu’il ne pourra pas entendre d’où il se trouve. Son regard se plonge dans celui d’Ethan, avec tout le sérieux du monde. « Je suis prête à t’aider à le mettre hors d’état de nuire et à te laisser repartir avec les deux. A la condition que tu considères ne jamais m’avoir vue ici, et sans poser de questions supplémentaires. » La voilà, la décision de Minerva, son option la moins risquée, celle de faire confiance à un homme du gouvernement à qui elle a sauvé la vie par le passé.

Instant de flottement. La proposition de Mademoiselle n’est pas idéale, mais dans la situation dans laquelle elle se trouve, cela lui semble encore être la moins risquée de toute. Décider de faire confiance à un commandant à qui elle a jadis sauvé la vie sur sa discrétion est tout ce qu’elle a trouvé de mieux pour ne pas se compromettre. Quels autres choix avait-elle ? S’en prendre à lui pour protéger sa couverture n’était pas une option viable, elle compromettrait alors toute chance de retour un jour –alors qu’elle se trouve déjà consciente que les chances sont minces. « Deal. » Son impassibilité laisse croire qu’elle n’a jamais douté un seul instant de la réponse du militaire ; c’est une façade. Jusqu’à la dernière seconde elle réfléchissait encore aux retours possibles et à ses options pour réagir en conséquence. Lui non plus ne laisse d’ailleurs rien paraitre sur son visage, alors qu’il doit se poser une multitude de questions qui devront rester dans l’oubli, selon les termes de l’accord qu’il vient d’accepter. C’est un choix difficile, un pari sur l’avenir pour les deux. Cette étroite collaboration peut se briser de tellement de façons qu’elle cesse de s’interroger sur les tenants et les aboutissants d’une trahison, d’une gaffe, ou de tout ce qui pourrait conduire à un échec de cette alliance fragile.

« Attaque-moi. » L’Orland le regarde avec une pointe de curiosité. Inutile pour elle de préciser qu’il était dans ses projets de faire ainsi croire à la Lune tapie dans l’ombre que leur mission se déroule pour le mieux. « Quand ton binôme se montrera, offre-moi une ouverture et je m’occuperai de lui. » Son visage montre une pointe d’agacement totalement feinte. Elle se sait observée et la comédie fait partie de ses nombreux talents. L’attaque surprise qui viendra par la suite n’en semblera que plus légitime. « Fais de ton mieux » Un sourire s’étire sur les lèvres de la tigresse, en réponse à la provocation du commandant. « Je tâcherai de ne pas trop t’abîmer. » Dans les faits, elle serait curieuse de voir comment se déroulerait un combat entre eux –sans jamais douter cependant de sa victoire finale. Un jour, peut-être, pourrait-elle lui proposer un échange de coups courtois, un entrainement comme celui qu’elle offrait jadis aux tigres. Si jamais elle se sort assez finement de cette situation dans laquelle elle s’est engouffrée d’elle-même. Minerva a toujours été dure, mais ce n’était que pour pousser les membres de sa guilde à toujours donner le meilleur d’eux même. Une méthode qui, d’ailleurs, semblait avoir toujours payé puisque la guilde n’a toujours pas été détrônée de sa place au sommet, même une fois les tigres livrés à eux même. Trop de tendresse ne prépare pas aux horreurs que l’on affronte dans le monde réel. De son point de vue, l’armée n’est pas assez stricte avec l’entrainement de ses soldats, contrairement à ce qu’elle avait pu être autrefois. C’est un fait douloureux qu’est celui de constater que les anciens commandants possèdent aujourd’hui une force inégalée. Et Minerva n’est pas sans reconnaitre les capacités plus qu’honorables de Knightwalker et de sa division, qui est la moins tendre du lot.

Le coup porté avec le poignard qu’elle vient d’attraper est vif, net et rapide. Elle laisse à peine le temps au Cavendish d’esquiver, laissant une entaille très superficielle de façon calculée au niveau de son épaule. Pour donner l’illusion qu’il n’a pas le temps de répliquer –alors que ce n’est, à priori, pas dans ses intentions- elle enchaîne les attaques. D’abord le poignard dont elle se débarrassant en l’envoyant sur la cible qui a dû émettre un mouvement de recul pour esquiver l’attaque précédente –attaque vaine, Ethan a déjà prouvé que les projectiles physiques ne pourraient pas l’atteindre et, sans surprises, la lame vient finalement se planter dans le sol, à ses pieds. Fait voulu ou incapacité de faire de même avec les sphères de territoire de Mademoiselle, les attaques magiques envoyées atteignent cette fois leur cible, avec bien moins de puissance que ce qu’elle est capable de faire, et bien moins de puissance que ce que le souffle naissant de l’impact pourrait laisser penser. « C’est tout ? C’est si décevant. » Cette fois, sa voix porte volontairement plus loin qu’à la simple attention d’Ethan. « Finissons-en et rentrons. J’ai mieux à faire. » Elle croise ses bras sur sa poitrine et dirige son regard vers les bois jusqu’à ce que son acolyte apparaisse enfin à côté d’elle. Un simple haussement d’épaule vient en retour d’une remarque qu’il fait sur le niveau des commandants, qui n’est plus ce qu’il était. Il se fourvoie totalement, bonne affaire. Elle reste dans son dos lorsqu’il s’approche du commandant à l’air plus mal en point qu’il ne l’est réellement. Il lève sa lame pour porter un dernier coup, un coup qu'il voudra fatal. Mademoiselle attend le tout dernier instant pour intervertir sa place avec celle d’Ethan, qui se retrouve alors dans le dos du Blood Moon. Sa sphère de défense pare le coup et elle s’empare de l’arme. « Qu... ?! » Il faut une bonne seconde au mage pour comprendre ce qui se passe. C’est assez pour laisser le temps au militaire de frapper.

Les événements s'enchaînent rapidement. Le commandant ne laisse pas le temps au mage noir de comprendre ce qu’il se passe, il reçoit un violent coup dans la tempe qui le met à terre. Dans le feu de l’action, Cavendish est prêt à poursuivre l’agression mais l’adversaire est déjà sonné. « Qui c’est qu’a pas le niveau ? » Question rhétorique puisqu’elle est posée à un être inconscient gisant au sol. Son égo a visiblement été légèrement mis à mal lors de la remarque précédente. Mais bon question égo c’est pas Minerva qui va juger hein. Elle ne bouge pas d’un pouce lorsqu’il cherche un système pour entraver la cible et s’arranger pour qu’elle ne bouge plus. A situation désespérée, mesure désespérée, c’est sa veste à gravité augmenter qui fera temporairement l’affaire. « Ça devrait le faire pour l’instant. » Le commandant jette un petit coup d'œil à la blessure née de leur petite tromperie. « C’était vraiment nécessaire ? » Nul reproche dans cette interrogation qui restera sans réponse, seulement un regard amusé qu’il lui adresse et qui fait s’étirer les lèvres de l’Orland en un très léger sourire, tandis qu’il s’assoit à côté du mage inconscient. « C’est le moment où tu me rends l’autre et que tu t’éclipses ? » Ethan pose beaucoup de questions pour une personne qui n’est pas censée en poser, même si elles sont sans réel intérêt. « Comme convenu, oui. » Daigne-t-elle tout de même lui répondre. Elle n’a aucune animosité envers lui. C’est peut-être même l’inverse. « Chose promise, chose due. Je ne t’ai jamais vu, le cas Minerva Orland reste un total mystère. Personne ne saura qu’il suffit d’une balade en forêt au clair de lune pour te croiser. » Il reste le cas des mages noirs, mais elle ne doute pas qu’il trouvera une solution à ce problème. De plus, si l’un d’eux mentionne la présence de l’Orland dans cette forêt mais que le commandant réfute l’information...Sa parole aura probablement bien plus de poids et de crédibilité auprès de ces collègues. Elle a beau tourner le problème dans tous les sens, même si des risques existent, cette solution reste la plus viable de toutes.

« On se revoit bientôt. » Ce n’est pas une interrogation cette fois mais une affirmation adressée d’un air assuré. Elle ne peut pas continuer à agir seule de son côté et elle ne peut pas impliquer un tigre, c’est chose certaine. Mais savoir si elle a l’intention de travailler avec Ethan de façon plus régulière, c’est encore une autre question. « Ne te prend pas pour un de mes tigres. » Ses tigres. Car oui elle considère malgré tout encore les tigres comme étant sa famille, qu’importe combien elle est attachée à montrer l’inverse, à tenter de prouver le contraire. « Ne me cherche pas. » Le ton est assez sec pour éviter toute protestation. Elle a bien assez à faire avec un Sting sur le dos, elle n’a pas besoin d’en avoir un autre qui cherche à tout prix à la trouver pour la ramener, ou pour avoir des réponses. « Au revoir, Ethan. » Souffle-t-elle. Elle tourne les talons et disparait dans sa dimension comme elle a pu le faire plus tôt. Dans le même temps, un second portail s’ouvre sur un traitre perdu qui n’est pas bien certain d’avoir compris ce qui s’est passé, ni même s’il est en sécurité. Il lui faut quelques secondes pour réaliser qu’il semble hors de danger. Persuadé qu’il ne doit son salut qu’à l’intervention du Cavendish, il explose le record de nombre de remerciement à la minute. Minerva, pour sa part, réapparait bien plus loin dans la forêt, assez loin pour ne plus être à portée de vu du trio improbable. Ses mains se glissent dans les poches de son manteau et elle reprend la direction de la guilde. Il lui reste encore à peaufiner la merveilleuse histoire qu’elle racontera en guise de rapport afin qu’on ne se méfie pas plus d’elle qu’on ne pourrait déjà le faire -elle n’est pas dupe sur la méfiance légitime de certains. Le tout est de maintenir ses relations avec Baram en l’état, au moins pour le moment.