La première phase de son plan, menée par Lucius, s’était parfaitement déroulée. Avec la tour militaire Numenorienne sous leur contrôle, la ville qui y était rattachée se trouvait à leur merci. Il ne restait plus qu’à tendre la main pour saisir ce qui leur revenait. Cette opération-là ne pouvait être dirigée que par Nyx elle-même, future maîtresse des lieux. Avant cela, il était grand temps d’acquérir d’un transport qui leur soit digne et qui rendrait les trajets moins longs. Numenor se situait si loin de leur guilde !

Nyx voulait un héliport pour le voyage (et ce que Nyx veut, elle a…). Pour leur première conquête, ne fallait-il pas arriver en grandes pompes ? Comme la maîtresse Reaper était accompagnée d’excellents éléments, et qu’elle était de la partie, le plan d’attaque serait d’une simplicité enfantine. Il nécessitait toutefois la forme de Linoa, le somnifère de la méfiance. La reine s’habilla ainsi des traits de la jeune femme qu’elle aurait pu être, à la chevelure ébène, d’onyx. Son faciès, habituellement si distant, neutre, portait une expression chaleureuse ainsi que des yeux chocolat au regard bienveillant, pétillant. Un gant de velours abritant une main de fer.

L’autre atout à sa couverture, c’était Lizbeth, une mage de sa garde personnelle dont le double édorasien était soldat, très fortuitement. Cette amie de longue date, à ses côtés, portait l’uniforme de l’armée pour parfaire la tromperie. Les deux femmes attendaient à l’hélistation située au pied du mont Uriel, seules en apparence, mais en réalité accompagnées d’autres membres de la Garde, dont le commandant. Les maîtres d’illusion présents, incluant Malik, maintenaient tous ces visages redoutés dans l’invisibilité la plus totale.

Un transport volant, le malchanceux du jour, perça d’entre les nuages et les yeux de la reine se plissèrent tandis qu’elle envoya un regard malicieux à son bras droit. L’héliport se posa devant eux, sur la piste. Dès que l’escalier se déploya, Linoa sourit joyeusement et attrapa le bras de Lizbeth pour s'avancer avec elle. Sa sujette n’avait pas eu d’autre choix que s’habituer aux manières amicales de sa reine sous cette forme. Sur le pont, le maître des reapers se fit accoster. « Hé Linoa ! Bonjour ! » Linoa tourna un regard curieux vers la personne qui venait de l’interpeller. Un grand sourire éclaira son visage et elle rendit le salut de main en inclinant adorablement la tête. « Bonjour Célès ! Tu vas bien ? » bavarda t-elle tandis que sa Garde, toujours masquée par le sort d’illusion, la devança et quitta le pont, se dirigeant vers la salle de contrôle. Deux exceptions restèrent évidemment près d’elle. La reine ne pouvait pas être dénuée de protection, après tout !  

Il y avait bien peu de personnes à bord; ses soldats pourraient se frayer un chemin facilement. Après avoir échangé quelques politesses, Linoa s’éclipsa à son tour du pont. Elle entra à l’intérieur du navire volant et monta les marches sur sa droite, menant vers l’avant. Le passage avait été nettoyé du personnel d’équipage. La porte de la salle de contrôle était entrouverte. Elle entra. Entre autres inconscients, le pilote et son co-pilote gisaient proche de leur siège. Un Reaper s'installa aux commandes pour assurer le remplacement. Linoa s’approcha de lui. « Tu sais conduire ce type de transport ? » Des bipeurs s’alarmèrent et l’engin subit une forte secousse. Linoa évita la chute en appuyant rapidement les mains sur le tableau de bord. Un petit rire taquin s’échappa de ses lèvres. « Piètre réponse que voilà… » s'amusa la jolie brune. Elle se tourna vers ses autres camarades. « Lequel des deux est vivant ? » Ne jamais éliminer tout le monde quand on en avait potentiellement encore besoin, ses sujets le savaient bien. On lui indiqua le pilote et Linoa se pencha vers le visage de celui-ci. « Debout. » L’homme se réveilla et paniqua en croisant le regard de la reine. Celle-ci le commanda mentalement au calme, avant de prendre la parole d’un ton doucereux. « Mes amis ont besoin que vous leur expliquiez le fonctionnement de l'héliport » Obligé par le Commandeur, l’homme se plaça à la gauche du nouveau pilote et lui expliqua ce qu'il y avait à savoir. Linoa se dirigea vers le siège du copilote pour sa part, elle s’y assit et le fit pivoter, faisant ainsi dos au trajet, mais face à sa Garde.

« C’est quelque chose que nous aurions dû faire bien avant » déplora t-elle à leur intention avec une pointe d’amusement dans la voix. La jeune femme battit des cils avant de tourner le minois vers leur otage, qui avait fini de bafouiller ses explications. « Il y a une commande qui permet la localisation de ce transport par les autorités, n’est-ce pas ? » Vérité, commanda t-elle. L’homme hocha la tête. La reine lui ordonna donc de la désactiver. Il fallait mettre cet engin hors des radars de l’armée.

Une fois que la situation fut réglée et l’héliport stabilisé dans les airs. Le corps de Linoa se dissipa, laissant place à une silhouette un peu plus grande, vêtue d’une longue robe de cérémonie écarlate au décolleté vertigineux. Une fourrure noire, riche, couvrait ses épaules et son dos. L’onyx s’allongea pour devenir une longue chevelure d’argent épousant délicatement le corps de la reine. La fente du tissu révélait entièrement ses longues jambes de nacre, parées d’arabesques tribales, lorsqu’elle les croisa voluptueusement. La vulgaire humaine avait laissé place à l’impératrice aux prunelles de miel et aux lèvres carmines.

Son menton se redressa et elle leva son regard ambré vers Malik. Loin du roucoulement fluet de Linoa, la voix de Nyx fut profonde, affirmée, lorsqu'elle parla. « Toutes les personnes à bord sont des témoins ». C’était une manière détournée, délicate, d’ordonner le meurtre de la totalité des passagers.

La déesse à la chevelure d’argent ne verrait jamais son prophète prêcher la bonne parole aux mécréants, mais elle n’était pas sans ignorer qu’il faisait cela toujours bien. Son siège pivota et elle refit face à l’avant, où s’étendait une grisaille à perte de vue. Très mauvais temps pour un jour de conquête, mais l’héliport passerait au moins inaperçu. « Es-tu bien sûr qu’il n’y a plus âme qui vive dehors ? » s’assura la reine lorsqu’elle entendit son bras droit revenir. Elle ne se tourna pas vers lui et esquissait un petit sourire qu’il ne pouvait voir. Ce genre de question, qui servait de pression, obligerait bien des gens à douter, à aller revérifier pour être certain de ne pas se tromper devant la reine. Mais Malik ne doutait jamais de rien. Cela avait bien failli le tuer par le passé.

Malgré l’avantage de la discrétion offerte par la météo, ils se posèrent à plusieurs kilomètres de Numenor, car il fallait bénéficier de l’effet de surprise et élaborer un plan de conquête sur leur nouveau lieu stratégique : la tour militaire. Nyx quitta son siège et sortit de la salle des commandes pour retrouver le pont, tandis qu’on lui avait abaissé l’escalier. Elle enjamba un corps sur son passage et le tissu de sa longue robe frôlant le cadavre offrit une douce bénédiction à celui-ci.

La tour était visible depuis leur position, mais encore assez petite. Bien sûr que non, Nyx n’allait pas marcher toute cette distance. Vous la prenez pour qui, Knightwalker ? À son tendre Gardien, elle réclama la Gourmandise, qui aurait l’immense privilège de servir de monture à la déesse. Et cette silhouette longiligne, assez vigoureuse pour faire des bonds de dix mètres d’un simple fléchissement de genoux, ne se donna pas la peine de se hisser sur le lion elle-même. Nyx laissa le soin à Malik de la porter. Elle le remercia d’un petit air satisfait avant de se désintéresser de lui et se concentrer sur le paysage. Plutôt joli, pour un endroit délaissé. Le bruit de la mer s’écrasant contre les falaises était agréable à son oreille; elle préférait toutefois la brise glaciale des monts.

Perchée sur une roche qui avait été polie, la tour militaire s’avéra être un ancien phare dont on avait totalement délaissé la fonction maritime. Plus aucun bateau ne passait par là. Le sud de Solest était une terre crainte. Il fallait donc se figurer que les habitants de Numenor étaient des gens d’une certaine fierté pour continuer d'y résider. Ou alors d’une certaine stupidité.  

Arrivés à destination, à nouveau, elle observa son cher Gardien pour qu’il l’aide à quitter élégamment sa monture. Ce n’était guère une tâche ingrate pour lui ; Linoa pouvait être tactile avec quelques personnes, surtout Lizbeth ; mais paradoxalement, dans sa forme originelle, Nyx ne supportait pas qu’on la touche. Seul Malik pouvait le faire, à quelques occasions réclamées comme celle-ci, sans qu’elle n’en soit agacée. Ils passèrent les hautes portes et gravirent les escaliers metalliques jusqu’à atteindre le sommet. La vue était à 360 degrés. D’un côté, la mer, de l’autre, à plus d'un kilomètre, une ville de taille si raisonnable qu’elle s’étonna qu’on ne lui laisse qu’une misérable tour pour protection. Cela dit, Mystogan avait tellement fourni les trois capitales qu’il en restait trop peu pour le reste du monde. Edoras n’apprenait pas de ses erreurs passées.

Nyx toisa Numenor un long moment, le menton levée, le visage glacial, si impériale qu’elle l’aurait écrasé de sa prestance même en se tenant tout en bas de la falaise. « Vois-tu Malik, les moyens misérables qui ont été mis à disposition pour eux ? C’est le problème d’une population trop vaste. On ne peut pas la contrôler, ni la protéger. Et combien de personne en vaudrait la peine de toute façon ? » Oui, c’était une question rhétorique. Elle exprimait là son désir profond d’exterminer ces inférieurs, ces insectes. Malik aussi devait être démangé par ses pulsions sanguinaires. Hélas, Nyx savait être raisonnable. Son bras droit lui, devait être canalisé. « Cependant… » Elle marqua une légère pause, avant de reconnaître à regret : « Il s’agit d’une main d’œuvre qui nous est nécessaire. »

Elle demeura pensive, réfléchissant à quelque moyen de mettre tout ce beau monde à genoux sans trop faire de dégâts. « Idéalement, j'aurais conservé tous ces citadins, mais cela me semble impossible. » On ne pouvait pas asservir une ville sans verser de sang. Ils avaient toujours procédé ainsi, quand ils jugeaient que la diplomatie ne pouvait pas suffire, comme ici. Impérieuse, Nyx se tourna gracieusement vers Malik et leva les yeux vers lui. L’or transperça le rubis. « Serais-tu capable de m'aider à établir une stratégie qui limiterait au mieux les pertes ? » C’était une interrogation qu’elle aurait lancée Lucius, et qu’elle pensait ne jamais avoir à poser à Malik… pour des raisons évidentes. Un discret sourire amusé naquit sur ses lèvres pourpres. « Te demander ça à toi… amusant, n'est-ce pas ? »

« Plus judicieux… » répéta la reine dans un murmure. Dans ses yeux d’or s’installa une tendresse narquoise tandis qu’elle observa son bras droit. Remettre en question une décision de la reine, il ne fallait bien que Malik pour se permettre une telle chose. « Tu insinues que je manque de jugeote, Malik ? Tu penses que Lucius me conseille car je ne peux pas prendre les bonnes décisions par moi-même, et que tu te bats pour moi… car je ne sais pas le faire ? » demanda t-elle d’une voix douce. Le ton était lent, caressant, tandis qu’un discret sourire sournois s’esquissait sur ses lèvres carmines. Est-ce que les privilèges de son cher commandant lui étaient montés à la tête à un point tel qu’il s’imaginait que la reine faisait les choses hasardeusement? Est-ce qu’il s’imaginait qu’il était là parce qu’elle avait besoin de lui, et non qu’il était là parce qu’il le devait ? La reine avait crée la guilde de Soul Reaper comme un gouvernement, avec un conseiller, une armée et ses gradés. L’existence de partisans était une nécessité mais, personne n’était une petite pépite précieuse indispensable et irremplaçable dans son rôle. Elle seule était irremplaçable. La voix veloutée s’effaça derrière une intonation plus ferme, plus froide : « Je t’écoute. »

Le Quatrième cercle se présenta. Le visage de Nyx demeura impassible, ne trahissant en rien son scepticisme de voir une de ses âmes meurtrières. Si le Commandant doutait de lui-même, il serai plutôt légitime qu’elle doute de lui aussi ; son silence fut donc magnanime, car elle lui laissait une chance. Malik devait bien avoir une explication et, il la donna. La déesse n’avait aucun pouvoir sur les morts, ne pouvait les ramener à la vie, encore moins si leur âme était passée dans le système digestif du quatrième cercle. Néanmoins, il y avait une alternative à laquelle elle ne pensa qu’après. « Tu dis que le voleur d’âme est capable de rendre ce qu’il a pris… » Ce n’est évidemment pas une chose qu’elle aurait pu savoir, cela n’avait jamais été fait à sa connaissance. Tout comme elle, Malik ne regrettait pas les morts qu’il avait causé, encore moins au point de revenir sur une décision. Il était normal qu’il connaisse l’étendu de la magie de ses âmes mais pour Nyx, ce fut toutefois une découverte.

Elle se tourna de nouveau vers la baie donnant sur la ville, car son esprit s’était comme coupée en deux. Réfléchissant d’une part à la situation présente, d’autre part à la seconde utilité qu’un tel pouvoir aurait peut-être sur elle, et son avenir. « Si un mal saisit la ville, on accourra à cette tour pour demander une aide extérieure, l’aide de Mystogan, mais les soldats présents diront que le gouvernement ne peut rien pour eux, que tous les moyens sont déjà déployés ailleurs, qu’il faut attendre... »  Certains quitteront peut-être la ville pour tenter de s’adresser à d’autres bases millitaires localisées plus au nord, mais leur route sera barrée par de monstrueux obstacles les obligeant à rentrer chez eux sagement… « Ils comprendront que leur roi de pacotille les a abandonné. Mais qu’ils ne perdent pas espoir. Il existe une déesse qui pourra les sauver. »

Pour Nyx, on pouvait atteindre une ou deux personnes haut placées dans la ville mais pas plus. Le Maire devait d’ailleurs rester intact, afin qu’il ploie devant elle ! Pour amener une réelle situation de crise, leur cible devait d’ailleurs comprendre des enfants issues de famille nombreuses, les plus aisées et appréciées, ce qui amènerait un désespoir étouffant dont la déesse les libérerait. Cette stratégie prendrait vraisemblablement plusieurs jours. Patience serait de mise. La reine parla de tout cela.

Il y avait cependant un autre sujet qui occupait désormais son esprit, bien plus que cette ville de fourmis travailleuses. Si le Quatrième Cercle posait une règle à une personne, celle de ne pas mourir durant les cinq prochaines années, or que la personne mourrait… est-ce que l’âme lui reviendrait automatiquement ? Est-ce que Malik serait dans la capacité de la rendre à son corps ? Nyx ignorait si l’on pouvait poser une telle règle mais si ce fut le cas, alors elle mettrait fin à cette crainte qui lui rongeait secrètement les entrailles.

« Malik. » Son visage impassible ne trahissait en rien ses doutes lorsqu’elle l'amena de nouveau vers le Commandant. Son regard de miel ainsi que le silence qui suivit parurent simplement songeurs. Elle ne pouvait pas lui poser ces questions, ni devant la garde, ni devant lui seul. Cela reviendrait à se trahir, à reconnaître une faiblesse, à admettre qu’il puisse tenir son âme entre ses mains, qu’il puisse décider de son sort. Elle pouvait lui faire confiance mais, il était hors de question que quiconque la voit comme une reine vulnérable, une simple mortelle, même lui.

Il est dit qu’une personne commence à sentir qu’elle va mourir une semaine avant la date fatidique. Nyx le savait depuis que cette medium le lui avait dit. Et malgré toute sa puissance, toute son armée, elle le savait encore. Jamais elle ne pourrait partager ce savoir. Ce monde se devait de la voir telle que ce qu’elle méritait d’être, ce qu’elle était, une déesse. « Y a t-il un détail qu’il te semble important d’ajouter ? »

Le plan se mit en marche dès la sortie de la Malik, qui envoya le Dévoreur d’âme poser ses premières règles à quelques personnes ciblées, dont une particulièrement précieuse, un des fils du maire ; le commandant ayant découvert qu’il avait deux enfants. Au deuxième jour, comme prévu, la reine approcha de la ville, accompagnée d’un maître d’illusion dissimulant leur deux présences. Une inquiétude était déjà palpable dans l'agglomération, causée par les agissement de l'âme que son subalterne avait envoyé. Nyx trouva les villageois que Malik lui désigna et murmura l’ordre de « Désobéissance » à chacun d’eux, avant de retourner à la tour. Un salon fut aménagé pour elle au sommet, destiné à ce qu’elle patiente dans le confort. Le lendemain, l'opération fut répétée selon le plan de son chevalier blond.

Ses Reapers se partagèrent des périmètres cerclant la ville, empêchant toute fuite, obligeant les Numenoréens à rentrer chez eux au risque d’y perdre la ville. Des villageois se rendirent aussi au pied de la tour pour réclamer de l’aide aux faux soldats, ses Reapers, contre le démon qui sévissait parmi eux. On leur promit de contacter Mystogan. Au troisième jour, rien n’avait été fait pour eux, le démon avait fauché une dizaine de vie et déclarait aux villageois en avoir dix autres sous son joug, dont le deuxième fils du maire, qui se retrouverait bientôt sans enfant. Des villageois furieux contestaient au pied de la tour de contrôle et les faux soldats annoncèrent que le roi n’avait pas répondu à leur appel. Cependant, ils n’avaient pas chômé et proposèrent de contacter la reine Nyx, la faiseuse de miracles, qui pourrait relever la situation du village. On disait d’elle qu’elle était la protectrice des terres du Sud, que le roi ne pouvait pas -ou ne voulait pas- gouverner. Un mensonge. Après quelques échanges entre le maire et les soldats, une rencontre fut organisée le lendemain avec la fameuse dame.

Le maire voulait rencontrer Nyx en privé mais, la divinité ne lui avait pas laissé d’autres choix que de l’accueillir en grandes pompes.  Sur la place principale du village, une longue table avait été disposée avec le maire au centre et ses quatre conseillers encore vivants de part et d’autre. Des Reapers de la Garde se tenaient déjà sur place afin de guetter la foule qui commençait à se rassembler. Il ne fallait pas que leur déesse fût importunée. Celle-ci arriva avec du retard, un Reaper de rang S à sa gauche, et Malik à sa droite. Habillée d’une longue robe de velours rouge fendue, parée de ses plus beaux bijoux, et d'une imposante coiffe noire en épis posée sur sa tête, Nyx marcha le long de l'allée principale vers les hauts représentants de la ville.

« Veuillez accueillir sa Majesté Nyx, Reine de Soul Reaper, protectrice des terres du Sud, future reine d’Edoras. » Des murmures s’élevèrent. Les villageois se regardaient entre eux, certains s’inclinèrent ou hochèrent la tête. Ils ne connaissaient pas de souverain autre que Mystogan à Edoras. Cette Nyx ressemblait toutefois bien à une reine, avec sa beauté surnaturelle, ses long cheveux d’argent, ses yeux d’or au regard si perçant, cette grâce hors du commun et surtout cette prestance, cette aura impériale qu’elle dégageait. Sa Garde personnelle étaient constituées de soldats robustes, à l’air sévère, grave, en qui l’on avait envie de placer sa confiance pour ne plus subir de malheur.

« Êtes–vous en mesure d’arrêter ce fléau ? » demanda le Maire.
« Je le suis. Posez un genou devant moi, prêtez-moi allégeance et j’étendrais ma protection à votre ville »
« Sa Majesté est également en mesure de rendre les vies volées par  la créature des enfers » intervint Malik.

Les murmures devinrent des exclamations d’espoir et de choc. Les conseillers demandèrent le calme avant de reprendre l'échange. « C’est contre-nature. Il y a toujours une contrepartie abominable à ce genre de marché. Vous dites que vous pouvez redonner la vie, comment serait cette vie ? » demanda un des conseillers. « Exactement comme si elle n’avait jamais été perdue. » Le maire se leva de son siège, les mains tremblantes. « P-prouvez vos dires… rendez-moi mon fils et je me soumettrai. » La reine inclina gracieusement la tête sur le côté en esquissant un petit sourire cordial, teinté d'énigmes. « Je ne donne pas de miracle aux hommes pour qu’ils croient en moi. Je donne des miracles aux hommes pour les récompenser d’avoir cru. »

Après un court silence, le Reaper à la gauche de la reine intervint en son nom. « Qu'attendez-vous ? Soumettez-vous ou souffrez des conséquences d’avoir dérangé sa Majesté ! »  Les plaintes de mères et de pères ayant perdu leurs enfants pressèrent le maire. Un des conseillers, qui avait perdu son neveu, empressa également son supérieur d’un chuchotis. Qu'à cela ne tienne, celui-ci était déjà convaincu. Le maire contourna la table du petit conseil. Mystogan les avait abandonné, il n’avait plus grand chose à perdre. Accepter la protection de cette femme ne lui coutait rien, et pourrait peut-être lui rendre son fils, et ceux de ses confrères. « Rendez-nous nos enfants, ramenez la paix ici, et nous vous servirons. » Plusieurs villageois avaient également posé un genou à terre et certains, les plus fiers ou stupides, s’étaient seulement accroupis pour qu’on ne les repérât pas, ni ne les réprimandèrent. Nyx accepta cette soumission. Et si les Numenoréens revenaient dessus un jour, ils mourraient.

« Malik. Trouve le démon et tue-le. » ordonna la reine. Quand le commandant s'éclipsa, la déesse expliqua le principe de sa magie. Ce que je dis, est. La déesse à la chevelure d'or ordonna la résurrection des victimes du démon. Elle réclama ensuite un peu de patience et annonça que, dans la nuit, ce que les Numenoréens avaient perdu leur serait rendu. Un membre de la Garde demanda un logement suffisamment digne pour la reine et, une des familles aisées, reconnaissante de l'aide de Nyx, proposèrent leur demeure. Au lendemain, les "morts" étaient retournés auprès des leurs, le démon était vaincue, et Nyx fut acclamée.