Chapitre 1
Une petite main. Pleine de sang. Un ourson taché. Un regard haineux, un sentiment d'incompréhension. Je me regarde dans le miroir sans vraiment me voir, j'ai la sensation d'être totalement extérieure à la scène, comme un spectateur invisible. Quel âge ai-je ? 5 ? 6 ans ? Je ne suis pas bien grande en tout cas mais un sentiment m'envahit, celui de la honte. Mon si petit corps ne comprend pas cette émotion, il veut la faire dégager, la faire valser, détruire. Une rage insondable. La scène me choque. Une mare de sang, rien de bien joyeux, je n'ai pas envie de faire péter le champagne. Une main immobile baignant au milieu, génial, sortons le briquet et le bidon d'essence. Un visage connu, un visage aimé, adoré. Les yeux clos, une poitrine qui jamais plus ne se soulèvera.
Une mère morte, l'envie de hurler me prend mais aucun son ne sort. Juste une colère de se sentir abandonner, livrée au monde sans aucun bouclier. Les créanciers tapant à la porte, réclamant l'argent qui n'existe pas. L'avarice les rend sourds à la douleur d'une orpheline tachée du sang de sa mère. Personne ne prend vraiment le temps de s'attarder à moi, après tout, l'hiver est bientôt là, "elle rejoindra bientôt sa génitrice en mourant dans la neige". Les mots résonnent encore et toujours dans ma tête, me rappelant à quel point l'appât du gain a détruit l'humanité qui subsistait au fond d'eux.
J'ai survécu, recueillie dans un orphelinat comme tant d'autres. L'envie de survivre après l'hiver devenant une obsession cruelle et infâme, survivre pour vivre. Quitte à dormir dans la crasse et à voir le pire de l'humanité. J'ai bientôt 10 ans et ma vision des choses est pour le moins froid et direct : l'humain ne crée que du sale, il ne mérite pas de vivre aussi longtemps. Je ramasse la pinte au sol, poussant un énième soupire, devenir serveuse dans un bar miteux pour gagner quelques pièces et des paris quant à l'avenir de ma poitrine n'a rien de folichon, mais au moins j'apprends. De mes 30 kilos, j'ai la force d'un canard boiteux qui a pris une méchante cuite, autant dire que je ne vaux rien. Du moins sur le plan physique. Mais dans ce monde de fous, il y a une variable à ne pas prendre la légère ; la magie. Avec beaucoup d'entraînement, on peut devenir mage. Heureusement pour moi, il semblerait que mon père, inconnu au bataillon, soit un mage. Au moins, il aura servi à quelque chose, enfin, je crois. Je suppose. En fait, j'en sais rien, je m'en fou.
J'ai travaillé comme une dingue, parce que de toute façon, c'était la seule gratifiante à faire avec l'art d'affûter un couteau. Et de planter le dit couteau dans quelque chose de bruyant, comme un humain. Mais sur le plan éthique, ça semble poser problème, comme quoi, c'est pas très très bien de transformer Jojo l'ivrogne en Jojo Bob l'éponge. Les gens n'ont aucun humour, je vous jure. À croire que quelqu'un viendra me juger en me rappelant que c'est mal, comme si quelqu'un dans ce monde allait s'intéresser à moi, une pauvre gamine en manque d'éducation et qui a oublié ce que cela signifiait d'être une enfant. La seule chose qui m'obsède, c'est de changer l'humain, ne plus voir cette noirceur qui le caractérise trop bien, il y a peut-être tapi au fond, un peu de lumière, si seulement je pouvais y goûter !
J'ai appris la Magie des 7 péchés dans l'espoir de la voir, mais je me suis enfoncée dans plus de ténèbres, devenant aveugle à toute sympathie. S'entraîner sur des malheureux qui ont cédé à leurs propres démons pour essayer de les sauver, de leur tendre la main. Mais il faut payer le prix, j'ai accueilli en moi leurs ténèbres, me noyant totalement. La colère, l'orgueil, la paresse, la gourmandise, l'avarice, la jalousie et surtout la luxure, bon dieu, j'ai dû me laver les yeux à l'eau bénite à cause de leurs lubies ! Je pense utiliser du gros sel pour me décaper les paupières, au cas où.
Quand je me regarde dans le miroir, je ne vois qu'une gosse ignorante qui a vu que du sale toute sa misérable vie, une paysanne qui voudrait sortir de sa condition avec une magie qui lui ruine son moral un peu plus chaque jour.
Par contre, la dépression, ça ne fait pas partie de mon jargon, j'ai déjà une vie bien pourrave, ce n'est pas pour pleurer dessus comme une malheureuse, de toute façon, Jojo l'ivrogne n'est plus en mesure de m'écouter, il doit cuver toute sa bibine avalée. Note pour moi-même, l'alcool, c'est mal.
L'envie de changer d'air m'a toujours épris, mais ne sachant pas vraiment où aller, ça complique la tâche. Ayant eu une éducation plus que limitée en matière de culture et d'endroit où se prélasser, j'ai cherché ici et là.
"Que fait une enfant toute seule ? As-tu besoin d'aide ?"
Un ange ... ? Un ange qui n'a pas fait de régime depuis plusieurs siècles, qui a oublié de s'habiller aussi. Quoique ... ça s'habille un ange ? J'ai toujours pensé que ça courait nu dans les champs, une lyre à la main ... Oublions ça, je viens d'avoir des images ignobles en tête, je vais devoir encore me laver les yeux. Et Ange qui a perdu ses cheveux soyeux, laissant place à un crâne brillant reflétant la lumière avec classe. Je ne peux pas m'empêcher de sourire, pourquoi est-ce que j'attire tous les fous du continent ? Je sais que je ne suis pas le genre de nana bien fréquentable avec mes vêtements sales, ma tête de folle furieuse se remettant mal d'un effet secondaire de luxure et d'orgueil. Pourtant ... Il est aussi lumineux et propre que je suis sombre et crasseuse. L'envie de l'envoyer sur les roses est tentante. Depuis combien d'années ai-je arrêté de compter sur les autres ? Depuis combien d'années ai-je regardé un humain dont aucun mal ne ressort de lui ? Juste une profonde bienveillance pour son prochain ?
Je me suis mise à pleurer, des années de larmes coincées au fond de ma gorge, hurlant comme une enfant qui peut enfin soulager un peu sa peine. La honte m'a envahie, pleurer devant plein de monde. La décence m'a contacté, elle m'a demandé ce que je foutais. Mais devant cet hurluberlu, je n'arrive pas à me calmer. Il continue de me regarder, le regard plein de tendresse, comme un parent regardant son enfant. J'ignore combien de temps je suis restée plantée là, miséreuse, pitoyable à chialer comme ça. Il n'a pas bougé, il m'a tendu la main.
"Viens."
J'ai atterri à Blue Pegasus parce que le Maître a eu pitié de moi, parce qu'il a vu à travers la crasse une gamine qui pouvait devenir autre chose qu'une bonne à rien. Quand je suis entrée dans leur QG, j'ai vu la classe pour la première, j'ai vu tant de lumière briller autour de moi. Comment un être comme moi peut se tenir dans la lumière ? Comment ? Pour la première fois de ma vie, j'ai pris un bain. Enlever toute cette saleté pour découvrir une peau rose et lisse, comme celle d'un bébé, on dirait une sorte de renaissance. Me vêtir de vêtements neufs sentant bon. Une robe courte laissant apparaître des longues jambes et un superbe tatouage de guilde sur la cuisse. J'ai vécu mes premiers jours à la guilde comme une gamine découvrant le monde. J'ai pris une résolution, plus jamais je ne vivrais comme j'ai vécu, je resterai dans la lumière, je deviendrai une star pour briller comme une étoile. Pour prouver qu'en partant du bas de l'échelle, on peut monter au sommet. Une rage de faire mes preuves et de toujours atteindre la perfection, dommage que la montée d'orgueil est suivi mais on n'a pas toujours ce que l'on veut. En 5 ans à Blue Pegasus, j'ai appris et je suis devenue respectable, même si je n'ai pas encore la popularité de Jenny, ça viendra.
Les choses ont pris une étrange tournure un jour d'hiver. Fairy Tail a organisé son examen de Rang S ... Sans que je comprenne vraiment, nous avons été projeté à Edoras sans moyen de se retourner. Cela fait 5 ans que nous sommes ici. Les débuts ont été durs, mais c'est finalement à Edoras que j'ai grandi. J'ai rejoint Blue Pegasus avant ce cataclysme. Ma vie sur Earthland était froide et terrible. Sur Edoras, la vie est compliquée mais au moins, je suis heureuse.
J'aurais presque envie de soulever un sourcil pour demander pourquoi le ciel a décidé de venir nous emmerder de nouveau, pourtant, voyons le bon côté des choses, dans un monde où la terre "flotte", les pégases peuvent voler librement.
Je pose la main sur le mur, souriant depuis une éternité, quel étrange monde ! L'envie de l'explorer m'étreint.
"Bouge ta vieille carcasse Sel, il est temps d'aller s'amuser un peu."Se parler à soi-même, c'est le début de la démence, mais tant pis, je suis déjà trop atteinte psychologiquement. Je n'ai rien à craindre, dans cette guilde, je ne risque rien car ils sont ma famille, complétement barge, mais la meilleure du monde.
Enfin, c'était avant le festival.Censé nous rapprocher avec les Edorasiens si je me souviens bien. En vrai, j'ai jamais fait bien gaffe. En fait, je m'en fous. Seulement, les guildes noires nous ont attaqué et Blue Pegasus ... a perdu beaucoup de ses membres. Nous n'avons jamais été une guilde de cogneur comme Saber ou Fairy Tail. Plus des mages de soutien. Je serre les poings. Mes amis sont morts. Il est fini le temps de l'innocence. Je vais rappeler ce que signifie le péché de l'orgueil et de la colère à ces bouffons d'en face. Oui, ma famille a été attaquée, je dois la protéger.