C'était mal parti
Quoi de mieux pour démarrer sa vie que d’être l’enfant non désiré d’une prostituée et de son client ? Il fallait bien payer le loyer de leur maison miteuse dans les quartiers populaires, accolée au mur de la Cité Royale. À cette époque, pas encore de restriction, mais la magie coûtait chère. Sa mère n’avait rien de plus qu’un couteau basique pour se défendre contre la clientèle mauvaise, c'était dangereux. Il n’y a pas que des bons samaritains parmi les gens qui se paient des putes, pour ne rien vous cacher. Neila Pierce nourrit comme elle peut son enfant maigrichon avec ses revenus misérables du marché noir. Quand on regardait le binôme qu’ils formaient dans leur taudis, on ne leur donnait pas longtemps à vivre. Trois années pour le petit, qui décéderait de famine et de faiblesse avant d’avoir atteint l’adolescence. Cinq ans pour elle, qui décèderait d’une MST ou de la main d’un client. River avait huit ans quand on la retrouva morte dans une ruelle. Les services sociaux contactèrent son oncle, Marlon, dont River ignorait la totale existence. Au début il pensait que c'était parce que le job de sa mère devait rendre les conversations à table très embarrassantes, il découvrit en fait que le plus grand problème des deux, c'était l'oncle. «
River, il y a deux types de personnes dans ce monde. Ceux qui baisent et ceux qui se font baiser » disait Marlon au petit. «
L'avenir nous dira si t'es comme moi ou si t'es comme ta mère ».
Comme un héritage familial, River trempa dans la pègre ; les décrets restrictifs en remplissaient allègrement le vin. Cela lui permit de partir à quinze ans de chez l'oncle, qui l'avait formé au banditisme, et s'installer avec deux camarades partageant ses activités douteuses, Andrew et Lara. Les autorités ne tardèrent pas à découvrir que ce trio était problématique. La véritable épreuve fut de les attraper. Et quand il les eurent attrapé, l'autre problème qui se posa, ce fut de les battre. Ça ne s'était pas fait du premier coup. On ne décidait pas du jour au lendemain d'être excellent trafiquant d'armes magiques, il fallait savoir se battre, se protéger, neutraliser les personnes en face quand elles essayaient de nous escroquer. Oncle Marlon lui avait bien appris ça. L'armée eut du mal ... mais elle réussit quand même à les foutre derrière les barreaux.
Ça n'allait pas s'améliorer
Pour River, c'était quinze ans de trou. Quinze putains d'ans, qui furent rallongées à dix-sept ans pour mauvaise conduite et langage fleurie à l’intention de ses geôliers. Il aurait quel âge en sortant ? Trente-sept ? River menait une vie pourrie avant mais au moins il la menait libre. On lui disait qu'il avait eu de la chance. Faust, c'était pas trop un roi à prisonniers, il avait déjà un certain goût pour l'extermination en ce temps là. Cependant, il fallait des prisonniers. Ça, River apprit plus tard pourquoi, le jour où la chance lui sourit. Pour restituer : les premiers sérums avaient été injectés et ça avait été la grosse, grosse merde. Le produit devait être retravaillé et il fallait tester ça sur du bon bétail. Quoi de mieux que des prisonniers ?
Deux types avaient déambulé dans leur cachots, avec promesses de liberté rapide en échange de collaboration en tant que cobaye. Leur histoire empestait le fumier à des kilomètres si bien que les prisonniers qui n'avaient que deux ans à tirer demandèrent à les faire. River, lui... ça ne pouvait que l'intéresser. «
Je veux le faire. » On l'avait regardé de façon sceptique. Les années à l'entrainement et la pègre lui avait donné du muscle mais la prison l'avait fait maigrir. Et il était de petite taille. Le premier gradé haussa un sourcil tandis que le second trouva un réel intérêt à tester le nouveau sérum sur cette personne. Il se pencha vers l’autre et lui murmura : «
Si ça marche sur lui, ça marchera sur n’importe qui »
J’ai entendu, enfoiré.Menotté, River fut amené en
haut, où il retrouva sans étonnement ses deux camarades, Andrew et Lara. Eux aussi voulaient leur liberté. «
Vous avez une sale gueule » leur dit-il. «
Tu t'es vu ? » River sourit à cette réponse. La lumière naturelle lui faisait un putain de bien. Les amis furent séparés à nouveau, chacun devant recevoir sa dose potentiellement mortelle. Le caporal-chef qui était resté avec River s'appelait Rodolphe, d'après ce que le jeune homme avait entendu. Il tourna le visage vers lui peu avant le moment fatidique. «
Je sais bien que vous vous attendez à ce que je crève, mais si je survis, vous allez me relâcher comme ça ? » «
Certainement pas. La fabrication des sérums coûte une fortune. Si ça marche, tu intègreras l’armée » L'air du type indiquait qu'il ne croyait vraiment pas en la survie de Pierce, contrairement à ce dernier, qui n'avait pas d'autre choix que d'y croire. Pour pas se chier dessus. «
Quoi ? Vous me feriez confiance ? » «
Non, c'est pourquoi je t'aurais constamment à l'oeil. » River pouvait faire une croix sur sa liberté mais il était soulagé de voir que l'autre se faisait à l'idée qu'il allait peut-être vivre. Ça ne lui donnait que plus d'espoir. «
Je vais être la p'tite pute d'un type qu'a un nom de caribou, putain c'est bien ma veine » persiffla t-il. Sa cage serait tout de même plus confortable. Oncle Marlon avait en tout cas sa réponse. River tenait de sa mère. L'injection lui envoya des sueurs froides et une gerbe qui dura quelques jours mais il s'en sortit... Andrew avait eu le même genre de crasse que lui, son cœur avait lâché un moment mais était reparti au défibrillateur. Lara n'avait rien eu de tout ça, si ce n'est une légère nausée l'heure d'après, c'était tout. Le trio venait de se sortir de prison en risquant la peau de leur cul.
C’est ainsi que River démarra, avec eux, sa carrière de soldat à l’âge de 20 ans, tout en bas de l’échelle. Il y resta pas mal d'années d'ailleurs. On n'avait pas totalement oublié ses prouesses en combat quand il passait entre les mailles du filet, durant sa période de malfrat, on l'assigna donc à la deuxième division. Ses premiers temps à l’armée se firent à reculons, surtout durant la chasse aux guildes. Une extermination mise en place. Chaque fois que l’on venait dans leurs rangs désigner des soldats pour ce genre de mission, River était le stéréotype du mauvais élève qui ne regarde pas le prof dans les yeux quand celui-ci pose une question, dans l'espoir de ne pas être interrogé. Il ne voulait pas de cette vie. Le garçon songeait à la désertion sans en avoir les couilles. Cette fois, s'il se faisait attraper, ce serait vraiment le trou jusqu'à la fin ou la mort, il n'y aurait pas de troisième chance. La surveillance de River passa de Rodolphe à Erza, une femme plus jeune que lui, mais plus prometteuse et plus détestable. River avait fait exprès de la provoquer une fois, ça lui avait causé deux bras en miettes et trois semaines de trou. C'était nul mais mieux que de se retrouver au beau milieu d'un massacre de civils où c'est lui qui tient l'arme.
Tandis que certains craignaient la disparition de la magie, lui était dégoûté des sacrifices qu’on faisait pour elle. Il était bien placé pour savoir qu’on pouvait survivre sans, même si, ironiquement, de sa quinzaine à sa vingtaine, il n’avait vécu que par elle. Malgré quelques autres magouilles de son crû, comme se péter une jambe en entrainement, River participa à des raids meurtriers, parce qu'il en était à son deuxième avertissement et qu'à son troisième, il risquait purement et simplement d'être destitué de sa fonction de soldat. Remis au rang de criminel. À son soulagement, Knightwalker reprit peu après l'entièreté de la tâche ingrate, s'octroyant le sobriquet de chasseuse de fée. Un beau jour, Faust dû répondre de ses erreurs quand les fées d'Earthland débarquèrent via l'anima, balancées par le prince Mystogan pour sauver leurs premiers camarades kidnappés. River participa à l'assaut sur Legyon contre les exceeds, sa monture prit pour son grade et ils s'écrasèrent. Le garçon était en état de se lever mais il n'en fit rien. Il resta allongé à regarder le ciel et à attendre que ça passe. Malheureux qu'il faille être dans cet état pour se sentir un peu libre. Faust fit un tel bordel avec son arme fatal que River l'entendit depuis sa position.
Et puis il les vit. Les îles flottantes qui tombèrent comme des mouches. River se redressa subitement. On aurait dit la fin du monde. Il rentra à la Cité, qui était un peu devenu sa maison ces dernières années, la seule qu'il connaissait, celle qu'il partageait avec Lara et Andrew. Ils se retrouvèrent sur un des toits de la base militaire. Espèce de lieu où ils avaient l'habitude de se réunir. River eut un petit sourire en les voyant. Lar' et Andy appartenaient tous les deux à la première division. Ils étaient donc souvent ensemble. Cependant, quand tout se cassait la gueule, leur réflexe avait été de vouloir le retrouver. «
C'est quoi tout ce bordel ? » Lara lui expliqua que la magie était parti. Elle avait vu Mystogan prendre le pouvoir, soulever l'approbation du peuple en vainquant le méchant roi démoniaque à main nu. River la regarda longuement pour être sûr qu'elle ne se foutait pas de sa gueule. Apparemment pas. «
Je suppose que ça veut dire qu'on est libre...» dit Andrew «
Ouais... » «
On fait quoi alors ? » demanda Lara. «
Je ne sais pas. » «
C'est probablement notre seule chance pour nous barrer... » «
Ils n'en ont peut-être rien à foutre de vous à la Première mais moi je vais manquer à Knightwalker. À son crochet du droit, plutôt... Remarque... rien ne dit qu'elle va garder son poste. Elle a affronté le prince » se remémora Pierce. «
Attendons de voir. On t'a obligé à faire le sale boulot à la Deuxième River, mais les choses vont sûrement changer. »
Avant que les choses changent, leur choix se corsa. Les commandants gardèrent leur poste, Faust fut banni et pas mal de désertions suivirent, dont celle de Skyadrum. Lara et River s'entendaient bien avec lui, ils se concertèrent avec Andrew longuement. Personne n'était chaud pour se barrer parce que ce serait de la désertion, une autre vie de fuite. C'était pourri de devoir se cacher. En plus, River découvrait une nouvelle Erza, il commençait à l'apprécier. Et il y avait Lizbeth, une camarade plus jeune avec laquelle il s'était lié d'amitié, et d'autres potes en fait, qui lui donnaient envie de rester. Ils restèrent.
Ça va mal finir
La vraie merde débuta ensuite. D'abord l'assaut de Lux Requiem, nom de l'organisation des partisans de Weiss, qui subtilisa l'anima et ramena ensuite la magie, avec les mages d'Earthland parmi eux. Le trio le sentit, ils étaient porteurs du sérum. Niveau démographie, ce fut le bordel à trouver des logements à tout ce monde, à mettre en place une meilleure sécurité. Il fallut refaire une petite propagande de l'armée pour inviter les gens à s’enrôler. On avait besoin de plus de mains. Lara et Andrew furent affectés à Midgard, River à Lestallum. Quand les guildes trouvèrent leur domicile et organisation, ce fut un peu plus simple mais pas pour longtemps. L'idée du roi à renvoyer ces mages chez eux avait fuité jusqu'aux guildes noires. River apprit la destruction de Midgard, une annonce crachée dans les hauts parleurs du port militaire. Au sein des forces spéciales, Pierce fut dépêché sur place avec d'autres soldats de son régiment. Il était trop tard. Il ne restait rien de la ville. River trouva les corps morts d'Andrew et Lara et récupéra leur plaque en pleurant. Sa vie de soldat sembla prendre un tournant à ce moment. L'on dirait dans son jargon qu'il se sortit les doigts du cul, le désir de vengeance avait cet effet là sur lui.
Le jour où les mages noirs débarquèrent à la Cité Royale, River fut parmi les premiers à foncer. Il se jeta à corps perdu au combat qu'il attendait depuis des mois. Le Clean Maniac finit couvert de sang, majoritairement celui des autres. Dégueulasse. D'autres camarades étaient tombés et lui ne s'était pas vraiment vengé. Son comportement un peu plus exemplaire et sa bravoure lui valurent un enchainement de promotions, Erza ne manquant pas de lui faire savoir qu'il les obtenait parce qu'il y avait des places de libres. Pierce n'en fut guère vexé. C'était assez honnête. La crise suivante fut d'apprendre la fuite de la magie, non, plus que ça, les conséquence de cela : les guildes noires avaient grandi et développaient des laboratoires. Des mages d'earthland y étaient tenus captifs, pompés de leur aethernanos. Les interventions du gouvernement permirent la libération de quelques-uns, y compris même d'une mage sacrée. La violence s'accélérait, montant crescendo. Peu après, Lestallum tomba. La situation était telle que l'armée songea à déblayer le nord comme s'il s'agit d'une échappatoire. River n'était pas à la Troisième division, ni suffisamment haut placé pour savoir tout ce qui se tramait, mais il savait reconnaître l'odeur de la merde.
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Et pareil, j'aime bien le choix du court/efficace en compétences (je trouve que le strict minimum en magie est badass).
Merci mon amour 
)