Escorte de civils

Depuis son retour, River ne s'était pas octroyé plus d'un jour de repos, vu les dégâts causées par son enlèvement. Des stratégies bancales, des soldats en perdition, parfois aussi inutiles qu'un miroir pour aveugle, son absence avait causé une vraie glissade vers le désastre, les forces spéciales avaient pris le bobsleigh. Cette grande débandade eut le mérite de lui faire savoir que Knightwalker avait retourné ciel et terre pour le chercher, d'où son manque de temps pour s'occuper de la Deuxième Division. Cela lui avait réchauffé le cœur. Cela lui en avait fait pousser des ailes, au point qu'il avait fait le chemin jusqu'à son point de rencontre en usant de sa vitesse d'éclair, avec le caporal-chef Clifford. Un moyen facile de se faufiler dans la nature en coup de vent, sans être repéré. Une fois sur place, Clifford posa pour lui un champ runique d'invisibilité, puisque Riv n'était toujours pas foutu d'en faire. En effet, l'homme avait fait tout ce chemin avec son supérieur juste pour ça. Riv était une bille en protection et le temps qu'il regarde un tuto sur le net pour s'aider, il y aurait bien eu quelqu'un passant par là pour le repérer.

Une fois le champ du subordonné établi, River le congédia d'un signe de tête. Clifford fit le salut militaire et décampa, il avait une autre mission à remplir. Le sergent-chef étant en avance, il fit passer le temps en lisant les rapports qu'ils avaient manqués durant son absence, les faisant défiler sur son PHS. Lorsque l'heure approcha, il leva machinalement la tête, la baissa à nouveau, puis la releva prestement, les yeux écarquillés. Ouais, il n'avait pas rêvé. Au bout de la plaine, deux putains de bœufs tiraient une charrette. Il n'y avait qu'un earthlandais pour ne pas accepter l'idée du moteur, Riv' en mettrait sa main à couper. Ils étaient là depuis six ans, ces branleurs, ils pouvaient pas faire un effort d'adaptation ? Skyadrum ferait bientôt ses déplacements en voiture volantes que ces mecs n'en serait qu'à la découverte de la trottinette. Pour arriver au point de rendez-vous à l'heure, ces gens avaient dû partir aux aurores !

Il restait encore cinq cent mètres. Le truc était si lent que Pierce aurait eu le temps d'aller chier, prendre une douche, puis un déjeuner. A la place, il se leva du rocher où il était perché, sortit du champ d'invisibilité et alla à leur rencontre. Il ignorait tout de la magie de son interlocuteur du jour, il en ignorait jusqu'à son appartenance en termes de guilde. Il ne connaissait que son nom. L'homme avait bien voulu donner en réclamant l'aide de l'armée. « River, je présume. » Bras croisé, visage hermétique, River donna un bref hochement de tête. « Ouais. » « J’espère que tu seras à la hauteur de la tâche. » Pierce avait tellement pris l'habitude d'être connu de réputation, qu'il crut que le type savait déjà ce qu'il valait, et qu'il venait d'essayer de faire une blague en référence à sa taille. Il le vivait très bien, trop habitué à surprendre les gens qui s'attendaient à un mastodonte type Laxus Draer, quand on leur parlait d'un soldat prodigue. « Normalement on est pas suivi, mais j’ai un doute. » « Aucun sort de dissimulation. Couverture : chariot de marchandise daté de l'an sept cent avant Mystogan. T'es en droit d'avoir un doute, avec ce plan qui casse pas trois doigts à un connard. », répondit Pierce de ce ton traînant de flegme. Sa face blasée entra en contraste directe avec un des passagers brun, qui se leva pour se détacher du lot. « Sergent-chef ! Content de vous voir ! » déclara-t-il chaleureusement, persuadé désormais qu'ils arriveraient à destination sans problème. River ne serait pas aussi sûr, à sa place. Outre sa poisse d'enfer, il hésita d'ailleurs à appeler l'armée, afin de réclamer un transport plus approprié, mais il se ravisa dans un soupir. L'armée avait envoyé un seul homme pour de l'économie humaine et matériel. C'était pas pour qu'il fasse chier. Il marmonna un « Salut » à celui qui s'était adressé à lui, grimpa, et posa son cul à côté de Vald.

Au bout de quelques mètres à peine, où River songea qu'il aurait été plus rapide à la marche, il s'impatienta. « Plus on reste sur ces terres, plus on laisse à l'ennemi une chance de nous en mettre plein la gueule. » River posa les coudes sur ses genoux en avisant les parages. Un kilomètre plus loin, à la bordure de la forêt, sur l'est, une bande de bicornes brouttaient l'herbe. River s'en désintéressa et scanna le reste. Son regard tomba sur deux Zirgams, qui s'envoyaient des coups de bec. Ces bestioles ailées aux longues pattes ne pouvaient pas voler. Elle avaient une grande force et tapaient d'excellent sprints. Elles étaient dangereuses, oui, mais elle pouvait se rendre utiles. Une idée germa dans l'esprit de River. « Arrête le transport. Détache les bœufs. Je reviens tout de suite. » Il s'éjecta d'un bond et fonça vers ses cibles. Son poing arriva dans la gueule du premier piaf, et son pied dans la gueule du second, les assommant tous les deux avec autant de facilité que s'il s'agissait de poulets. Il les attrapa par le cou et piqua une course de retour vers son allié. « Aide-moi à les attacher. Ils vont nous tirer de là beaucoup plus rapidement. Gare à leur souffle, cette merde est toxique. S'ils se dévissent le cou pour essayer d'asperger nos passagers, faudra leur remettre la tête droite d'une patate. » expliqua t-il tout en nouant avec lui les harnais. Une fois bien noués, il activa sa lacrima soin sur les bestioles. Une se réveilla en secouant son plumage, prenant connaissance avec son environnement. L'autre fit mine de rester endormie. River poussa doucement sa tête du pied. La gueule du Zirgam s'ouvrit soudainement pour lui cracher sa merde. Le sergent-chef esquiva rapidement d'un salto arrière agrémenté d'un « Putain de merde ! » Un peu plus et il aurait assommé cette sale bête à nouveau. Mais non, il avait un plan à suivre. Les piafs, réconciliés par ce même adversaire, foncèrent vers lui. Riv usa de sa condition d'appât pour guider tout ce beau monde au pas de course. « Accrochez-vous bien, on passe la cinquième ! »

Escorte de civils

« Ça reste suffisamment discret ainsi. »  Le mec disait ça avec deux bêtes mastocs à cornes devant lui. Le jour où River proposerait à Knightwalker de faire une mission d'infiltration avec un tank en disant que ça devrait le faire, il pouvait être à peu près certain que le highkick qu'elle lui foutrait dans la gueule lui ferait voir du pays. « Ouais... » Le ton était si traînant qu'il étala le fond de sa pensée sans avoir besoin de la dire.

Dans la cavale, River jeta un coup d'œil derrière son épaule afin de vérifier que Vald veillait bien sur les habitants, vu les deux bestiaux qui servaient d'animaux de traie. Sauf que le mec avait totalement disparu. Le civil qui s'était adressé à Pierce était aux commandes. De bonne volonté, il adressa un salut militaire pour signifier que tout allait bien de son côté, à un Pierce qui le regardait  avec un air pas mauvais, certes, mais plutôt exaspéré. Il abandonna son statut d'appât d'un bond arrière, passant au-dessus des deux bestioles. Elle se dévissèrent le cou lorsque ses pieds se posèrent sur l'attelage si bien qu'il dut leur envoyer des coups de grappins dans la gueule pour leur remettre la tête droite. Le conducteur les fouetta des rênes pour les pousser de l'avant. C'est là que River le vit. Vald, étalé à l'arrière comme une larve.

« Mais qu'est-ce que tu branles ?! C'est pas le moment de pioncer ! » A côté de lui, une jeune femme lui faisait du vent avec un bout de tissu. Festival de la conneries, confettis de clowns. L'homme pouvait s'estimer heureux de ne pas appartenir à l'armée. Si c'était un soldat ne serait-ce qu'un grade en dessous, Pierce l'aurait  déjà traité de grosse merde. Vald ne pouvait pas en juger, mais son comparse se montrait en réalité tout à fait courtois avec lui, depuis leur rencontre. « Vous êtes un chasseur de dragon ? » demanda un des mages à bords. Merde. River les avait oublié ceux-là. On lui avait raconté, qu'à une époque, Sting Eucliffe avait  gerbé par-dessus bord sur le Legion d'Erza, et que pour mieux survivre au voyage, il avait appelé la bestiole Guizmo. Ces gens-là étaient totalement inutiles à bord d'un transport. « Il manquait plus que ça... » grinça River entre ces dents, alors que la charrette était toujours bringuebalées. Il vérifia leur position depuis son PHS. Ils en avaient encore pour un moment avant d'atteindre une zone de protection !

Quatre ou cinq hommes, Vald notifia. Ils n'étaient pas assez proches toutefois. River devait garder un œil sur leurs passagers ainsi que les deux volailles et ce, tout seul, apparemment. Il attendit que l'ennemi se fasse suffisamment proche. Ennemi très désavantagé face un soldat tel que Pierce, avec une telle vue dégagée. C'était bien cinq personnes. Il attendit encore qu'elles approchent. Au dernier moment, River s'éjecta du chariot, une gorge tranchée, il posa le pied une première fois, une autre gorge tranchée, dérapage, encore une autre. Les deux derniers y passèrent d'un même assaut. Le vent siffla. Le sang gicla. Il usa de la vitesse du sérum pour rejoindre le chariot qui s'éloignait toujours à fond la caisse, rompant les derniers mètres en usant du grappin pour se hisser à la tête du transport. Le civil arrivait à maîtriser les deux bestiaux qui, désormais, s’affairaient à accélérer dans l'espoir d'échapper aux coups de lasso qu'ils prenaient au cul. River veilla au grain. Une autre vague d'ennemis leur tomba dessus. Le brun leur réserva le même sort. Il appela son chef et fit un état des lieux, pour l'instant maîtrisé, mais qui risquait de virer au drame, sachant qu'il était seul pour gérer le bordel. « Bonne nouvelle. » dit-il en suite à Vald. « Mon escouade a mis en place des runes qui ouvrent un portail de téléportation menant aux portes de la Cité Royale. On devrait l'atteindre d'ici trois kilomètres, il l'activeront au dernier moment. Le problème, c'est qu'il faut au moins dix minutes pour défaire le sort. On sera obligé de défendre le portail pour veiller à ce que rien ne rentre. T'as pigé ? »