Une fois les premières installations effectuées dans le tumulte des attaques sauvages, il faut peu de temps pour le campement de fortune s’étoffe et prenne vie. Message radio pour signaler l’attente des troupes et les premiers rapports ont commencé à affluer. Cartographie des lieux, détails de la faune rencontrée et des possibles ressources croisées au hasard des déambulations, les rapports se font légion alors que tous viennent rechercher le confort de quelques minutes abritées du froid mordant. La tente principale est théâtre d’un défilé incessant de soldats qui viennent s’enquérir de leur nouvelle affectation pour mener à bien cette conquête. L’ambiance militaire s’alourdit quelque peu lorsque la commandante écarlate fait son apparition, accompagnée de Pierce. Pas de futilité avant de demander son avis à Ethan concernant la nouvelle recrue l’ayant accompagné dans la mise en place du camp. « Toujours en un seul morceau. » Ce qui est loin d’être un résultat évidant face à l’hostilité du territoire sur lequel l’armée essaye de mettre la main. « Elle a répondu présent quand il le fallait. » Autrement dit, elle ne s’est pas démontée quand il lui a refilé toute la responsabilité d’un plan douteux pour se débarrasser de la première menace leur étant tombée dessus. « Nielham s’est échappée. Ordre d’arrestation si tu la croises. » Les mots viennent rendre réel le statut de la brune. Il n’offre qu’un hochement de tête en réponse à l’information avant de quitter les lieux. « Bon courage pour la suite. » Les mots s’adressent principalement à la blonde, les deux autres n’ayant pas vraiment besoin d’encouragements pour mener à bien leur mission.

Malgré le froid qui vient rapidement l’agresser de nouveau, l’esprit se perd dans la réflexion. Les nouvelles concernant Liz commencent à tourner en boucle, souvenirs de la discussion dans les rues de Midgar qui prennent une autre dimension. Il voudrait accorder le bénéfice du doute, mais dans le contexte actuel, pas certain qu’il puisse se le permettre. La traîtrise voudrait dire qu’elle l’a berné avec une facilité déconcertante, peut être même qu’elle était responsable des derniers événements ayant secoués la citadelle. Les pensées s’assombrissent rapidement jusqu’à ce qu’une voix familière vienne le ramener à la réalité. « Salut, toi ! » Svetlana se dessine dans le coin de sa vision, rejoignant le commandant avant de s’appuyer sur son épaule, non sans une pointe de taquinerie sur la situation actuelle. « Moi qui pensais que tout le monde serait heureux de changer un peu de paysage et de troquer Baram contre de vulgaires monstres pendant quelque temps. » Il lui rend la malice de son sourire. « Tant d’efforts pour tellement peu de reconnaissance. » Aucun doute qu’une bonne majorité des soldats doivent le maudire d’avoir soutenu une telle entreprise quand le gouvernement galère déjà à maintenir sa position sur son propre territoire. « Les félicitations sont de mise. » Fausse grimace en réponse au clin d’œil. « Attends un peu de voir si je suis toujours en place à la fin de cette expédition. » Ou même de voir s’ils arriveront à revenir des terres du Nord en un seul morceau.

« Allons-y. » Pas de tergiversations, c’est ce qu’il a toujours apprécié chez Svetlana. Ils sont affectés ensemble pour la prochaine partie de la mission, consistant à l’exploration d’une cité marquée sur les vieilles cartes d’Eulmore. « Si on s’en tire bien, je t’offrirai peut-être un verre pour fêter ta promotion ! » « Je note, compte sur moi pour te le rappeler. » Il lui emboîte le pas jusqu’au Legion qu’ils empruntent pour se rendre aux coordonnées ciblées… Pour au final se retrouver face à rien. « Les coordonnées ne sont pas les bonnes ? » Peut-être que les informations à disposition de l’armée ne sont plus bonnes, ce qui ne serait pas étonnant vu le temps écoulé depuis la dernière présence edorasienne sur ces terres. « C’est le manque de montagnes qui te joue des tours ? » qu’il la provoque en affichant un grand sourire. Ils finissent toutefois par poser pied à terre pour tenter de comprendre l’absence de la ville qui devrait se dresser devant leurs yeux. Quelques pas pour s’approcher avant que Svet ne s’arrête net, comme stoppée par une barrière invisible. « Les coordonnées semblent exactes, après tout… » Il s’approche à son niveau pour imiter le geste et toucher ce qui se masque à leurs regards. L’étendue de glace ne semble offrir aucun indice à première vue. « Ça commence bien. » qu’il balance en se grattant le crâne. La main retourne se plaquer contre l’invisible alors qu’Ethan commence à se déplacer, pas lent pour sonder, quelques mètres à avancer avant de s’arrêter de manière abrupte lorsque le contact disparaît. Le regard se veut insistant pour tenter de déceler le moindre détail, mais droit devant ne se distingue toujours que l’horizon. Le commandant se penche sur le sol pour récupérer un peu de neige qu’il malaxe rapidement sous forme de boule avant de la balancer droit devant. Le projectile avance sans encombre pour venir s’écraser au sol un peu plus loin. « Je dirais qu’on a trouvé une entrée. » Reste à savoir ce qui les attend un peu plus loin. « Un labyrinthe invisible… Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? » Sourire qui étire les lèvres et pointe de malice dans la voix, il s’avance dans l’espace imperceptible.

L’énumération lui arrache un soupir rieur, vu de cette manière, n’importe qui se demanderait logiquement la raison pour venir foutre les pieds dans un tel endroit, comme si les problèmes du quotidien sous la menace constante de l’alliance n’étaient pas suffisants. « Franchement, ça fait longtemps que je n’ai pas fait une balade aussi tranquille. Okay, la faune locale est légèrement agressive, mais sinon, c’est pas si mal. » Le paysage reste appréciable, après tout, c’est la seule chose qu’ils peuvent observer pour le moment, les contours de la ville à explorer se cachant de leurs regards. « Sympa pour une résidence secondaire, histoire de se ressourcer, coupé du monde. » Regard intrigué quand la capitaine s’en va ramasser un bout de bois, pas le temps d’un commentaire avant de comprendre l’utilité du branchage, moyen de fortune pour s’offre un repère visuel de ce qu’ils ne peuvent pas encore voir. Le mur invisible leur barrant la route est symbolisé d’un trait dans la neige qui le borde. « Si la ville s’étend jusqu’à la rivière et la chaîne de montagne…Elle doit être immense. » Rien à redire, le faux désert qui s’offre à eux appuis le commentaire, sûrement une ancienne ville à l’importance conséquente. Ils n’ont que des vieux documents et d’encore plus vieilles légendes comme connaissances de l’endroit, de quoi se donner une idée très sommaire d’à quoi pourrait ressembler la jungle de pierre, mais rien de suffisant pour pouvoir y circuler facilement dans les conditions actuelles.

Deuxième boule-de-neige qui vient leur faire gagner quelques mètres à l’initiative de Svetlana. « L’exploration risque de prendre du temps si on ne trouve pas le dispositif de sécurité pour le désactiver. » Certain qu’à coup de boules-de-neige pour se frayer un chemin, les deux militaires risquent bien de mourir de tout un tas de choses différentes avant de pouvoir élucider le mystère qui garde ces murs. Silence rare du commandant, plus perdu dans ses pensées qu’autre chose. Souvenirs d’enfance de ces comptes qu’on balance aux gamins pour leur mettre des étoiles dans les yeux et nourrir leur imagination, l’un d’eux porte sur une cité mystérieuse cachée à la vue de tous par un dispositif, lui permettant d’éviter tous les dangers pouvant l’entourer. Une légende transmise à travers les générations, mais toutes les histoires possèdent une base de vérité, peut-être qu’ils viennent juste de mettre les pieds sur son origine. Comme elle le précise, réussir à s’octroyer le moyen de camouflage de cette ville transformerait à lui seul cette exploration en une réussite, technologie avancée qui pourrait jouer en leur faveur dans la guerre entre Baram et le gouvernement. En plus de son utilisation, des recherches pourraient aussi débloquer d’autres avancées. Mais il y a aussi ce problème : cette civilisation avancée avait tout de même besoin de se cacher, sûrement pour éviter des menaces qu’eux-mêmes devaient être incapable d’affronter, ce qu’ils vont finir par trouver risque de ne pas leur plaire.

Le bâton continu son tracé pour marquer le chemin déjà emprunté, effectivement, la méthode est bien trop lente pour permettre de s’en contenter. « J’ai une idée. » Ça ressemble au début d’une phrase qui va leur apporter bien plus d’emmerdes que de solutions. « Changement de méthode, viens. » Demi-tour sans même attendre de réponse, suivant les traits tracés sur le sol pour revenir sur leurs pas et quitter le labyrinthe invisible. Sifflet insistant qui ramène le Legion sur leur position. Le commandant se saisit d’une sacoche qu’il remplit de neige, l’avantage du climat actuel, c’est que celle-ci ne fondra pas avant d’être utilisée. « Enfin, on ne change pas vraiment la méthode, c’est plus une optimisation. » Ils prennent place sur leur moyen de transport avant de partir en direction de la ville camouflée. L’animal vol à une hauteur choisie au jugé, suffisante pour éviter de se prendre un bâtiment en pleine face. « La ville se cache sous un mirage qui la protège des regards avides et malintentionnés, protégée par la tour qui, trônant en son centre, veille à maintenir l’illusion de l’absence. » Qu’il récite comme s’il lisait lui-même l’histoire à des enfants. « Toi aussi, t’y as eu le droit à celle-là ? » Ethan se saisit à nouveau de la sacoche utilisée avant le décollage une fois qu’ils arrivent proche de ce qu’il estime être le centre de la ville, l’ouvrant et balançant la neige dans un large arc de cercle devant lui. D’un coup de magie, il propulse la poudre vers l’avant. À la manière des précédentes boules de neige, une partie avance sans encombre, mais le reste se retrouve stoppé par un mur que leurs yeux ne peuvent discerner autrement. « Trouvé. » Sourire fier sur les lèvres, comme un gamin qui viendrait de gagner une partie de cache-cache. Le Legion s’approche près de l’édifice deviné, assez pour que le Cavendish puisse poser sa main dessus, avant d’amorcer une descente des plus lentes pour rejoindre le sol en adaptant la trajectoire au moindre obstacle. « Reste plus qu’a trouver comment rentrer là-dedans… Ou juste l’entrée, pour commencer. » La terre ferme de nouveau sous leurs pieds, il leur faut trouver un moyen de rejoindre le mécanisme.

La scène a les allures d’un spectacle de mime, les mouvements entravés par les obstacles qu’ils ne savent pas encore voir, perdus dans rien avec une cible qu’ils tentent de détailler tant bien que mal. La taquinerie de sa partenaire le fait rire. « Tu sais, l’exploration est encore loin d’être terminée. On n’est pas à l’abri d’une folie ou deux. » Grand sourire, comme un gamin impatient de mettre son prochain plan à exécution. Pas besoin de forcer l’objectivité pour se dire que leur avancée est pour le moment bien trop calme par rapport aux diverses situations infligées par ce nouveau continent aux forces tentant de l’apprivoiser. La cité dans laquelle les deux militaires se trouvent est morte depuis des siècles, pas d’odeur, pas de bruit, le toucher reste le seul sens leur permettant de se débrouiller pour percer le mystère de l’invisible. « Là. » Pour marquer la déduction d’une entrée dans le bâtiment cible de leur intérêt et forcer la porte récalcitrante. Svetlana vient de trouver l’accès, avant de disparaître à son tour en y pénétrant, le commandant lui emboîte le pas. Passer l’encadrement de la porte donne l’impression de traverser un portail magique, l’immensité de vide s’offrant à eux étant troquée contre un intérieur abandonné en l’espace d’une demie seconde.

Ne reste plus qu’à grimper les marches qui s’étirent à perte de vue jusqu’au sommet. Plusieurs minutes pendant lesquelles leurs pas résonnent en écho contre les pierres de l’édifice et qu’ils s’imaginent tout le potentiel et les avantages qu’un tel dispositif pourrait octroyer au gouvernement. Impossible de faire autrement, les assauts de l’alliance sont de plus en plus répétés, de plus en plus violent, la moindre nouveauté pour tenter d’améliorer les défenses serait accueillie avec enthousiasme. « Au pire, amener les scientifiques jusqu’ici si le système se trouve être trop délicat pour qu’on puisse le ramener jusqu’à la Cité. » L’opportunité de récupérer une telle technologie est trop belle pour la laisser passer même si l’engin ne peut pas quitter sa place actuelle, ce qui reste une possibilité pour un système qui n’a pas été entretenu depuis des lustres. « Masquer les endroits dans lesquels on regroupe la population en cas d’attaque, nos bâtiments les plus sensibles ou simplement toute une ville. Ça peut paraître assez compliqué, mais si les forces militaires apprennent les plans de la ville sur le bout des doigts, il y a moyen de faire des choses… Des accès divers à travers la ville pour se déplacer sous couvert du dispositif pendant que l’ennemi est forcé d’avancer au ralenti. » Les idées fusent au fur et à mesure que les marches défilent. « Une version portative pour camoufler les troupes jusqu’à la dernière minute lors d’une attaque. » Des possibilités qui semblent infinies sur le papier. « Enfin, essayons déjà de voir à quoi ça ressemble avant de tirer des plans sur la comète. »

L’escalier en colimaçon arrive à sa fin pour dévoiler le sommet de la tour. « A quel moment t’as la technologie pour masquer une cité entière sans le moindre défaut, mais t’es incapable d’avoir un système pour monter en haut d’une tour sans utiliser les escaliers ? » Même au niveau pratique, s’il fallait intervenir rapidement sur le système, le temps d’avaler toutes les marches était contre productif, à moins de garder quelqu’un en permanence là-haut. Ils peuvent maintenant poser les yeux sur le dispositif camouflant leur terrain d’exploration, rien que l’apparence n’invite pas à venir bidouiller la machine de manière aléatoire. Un tas de connexions qui partent dans tous les sens, mais qui viennent toutes prendre origine dans une console au centre. Le commandant s’en approche pour mieux la détailler. Des symboles ornent les divers boutons, dans un dialecte incompréhensible, rien ne donne d’indication sur comment manœuvrer correctement le système, mais il y en a bien un au centre qui clignote d’une lueur bleue. Quelques secondes de réflexion, ou plutôt d’hésitation, avant de finalement appuyer dessus. Léger grincement avant de voir le pied de la console s’ouvrir pour dévoiler une lacrima. « Ok, tout se passe comme prévu. » Qu’il claque en affichant un grand sourire à Svetlana. « C’est le moment où on va découvrir ce qui pouvait bien valoir une telle protection. » Ethan s’accroupit pour se mettre au niveau de la lacrima nouvellement dévoilée et la déconnecter pour couper l’occultation de la cité.

« Tu fais aussi psychologue sur le côté ? » Ignorant les remontrances face au geste effectué sans la moindre concertation. « Tu dois avoir un taf monumental. » Vu l’état dans lequel se trouvent le royaume et les rangs de l’armée, pour sûr qu’une majorité de soldats feraient bien d’aller rendre visite à une personne compétente pour s’occuper de leur psyché. « Simplement une possibilité ? Franchement, de ce qu’on a déjà pu découvrir sur ce continent, je serais presque déçu que ça ne soit pas le cas. » Impossible de découvrir la moindre parcelle de neige sans se retrouver sur le territoire d’une bête mortelle, ça résume bien l’exploration jusqu’à l’arrivée dans cette ville aussi invisible que déserte. Les chances de tomber sur une parcelle de terre aussi vaste sans croiser la route d’une chose prête à attenter à leurs vies semble plus tenir de la fantaisie. En attendant, leur attention est fixée sur le mécanisme présent devant leurs yeux, à la complexité bien trop élevée pour qu’un d’eux puisse en comprendre quoi que ce soit. Tas de câble accompagné de symboles incompréhensible, de quoi titiller les scientifiques qui seront désignés pour l’évaluation de l’engin. Alors que son acolyte s’affaire à l’observation des alentours, le commandant reste encore quelques minutes à observer la technologie servant à camoufler la ville des observateurs trop curieux, comme si, d’un coup, la solution allait apparaître pour l’aider à élucider ne serait-ce qu’un fragment du mystère.

Il faut l’invitation de Svetlana pour le détacher du mécanisme et venir observer les alentours à travers la vue parfaite offerte par la tour. « Est-ce que tu mettrais en place autant de protections juste pour contrer les risques qu’un autre royaume vienne s’en prendre au tien ? En sachant que t’as la puissance offensive nécessaire pour le contrer ? » La réponse à une potentielle menace extérieure semble disproportionnée, mais encore une fois, les connaissances sur Norest se cantonnent à des archives que plus personne ne peut corroborer et aux histoires déformées par le nombre de fois où elles ont été racontées. « Ou alors il y a bien plus que des ressources planquées dans cette ville, et là, un système de défense poussé serait justifié. » La seule façon de savoir pour sûr les secrets de cette cité, reste de l’explorer, comme le suggère la capitaine. Dernier coup d’œil sur les alentours pour garder une idée de l’implantation des bâtiments avant de quitter les lieux et de reprendre l’exploration.

Machine arrière pour redescendre les interminables escaliers péniblement gravis quelques minutes auparavant, quelques marches derrière la militaire, leur marche en avant se retrouve stoppée par une présence inattendue. Moment de flottement quand leurs yeux se posent sur une gamine emmitouflée dans des guenilles bien trop grandes pour sa carrure. Elle a les yeux qui s’emplissent de terreur face à cette rencontre qu’elle non plus ne semble pas avoir anticipé, au point de prendre la fuite sans la moindre somation. La surprise instaure une latence suffisante pour que la gamine puisse s’échapper, et ce n’est pas la seule chose à disparaître. À peine les limites de la tour franchies qu’à nouveau, l’entièreté de la cité s’efface pour ne laisser que la vide à perte de vue. « J’ai pas halluciné, c’était bien une enfant ? » Où la dernière chose qu’il aurait imaginé croisée dans un continent dont on dit qu’il est désert depuis des siècles, au point d’avoir besoin d’une confirmation. « On va peut-être en apprendre plus qu’espérer. » Pas moyen qu’une gamine aussi jeune puisse survivre seule dans cet endroit, aussi bien protégé soit-il. Et même si elle vient de leur fausser compagnie, les pas laissés dans la neige trahissent son cheminement, seul avantage du climat de la région. « Avec un peu de chance, ils ont de quoi se réchauffer un minimum. » Le commandant s’avance en suivant les traces jusqu’à la disparition de celles-ci. Main en avant pour déterminer ce qu’il ne peut voir, devinant une porte contre laquelle il tape quelques coups pour annoncer leur présence. « Je dirais que si l’endroit était gardé par quelques soldats que ce soit, ils nous seraient tombés dessus depuis longtemps, et le fait qu’il n’y avait aucune autre trace de pas à notre arrivée laisse penser que s’il reste des personnes ici, elles ne doivent pas être nombreuses. Tu penses qu’il y a combien de chance pour qu’ils baragouinent un langage incompréhensible ? »

Poursuivre une gamine sortant de nulle part et la perdre de vue en l’espace d’un instant, c’est bien la dernière chose qu’il imaginait arriver en posant les pieds dans cette cité invisible. Aucune réponse ne se dégage de leur exploration, bien au contraire, ce sont plutôt les questions qui s’empilent. Encore plus en découvrant l’abri dans lequel leur cible semble s’être réfugiée. Bunker fortifié qui a traversé les âges, autant de poussière que de béton, mais l’édifice offre l’avantage d’une température moins drastique que celle régnant à l’extérieur. Svetlana referme directement la porte pour éviter que le froid mordant ne suive leurs pas. « Pas de chocolat chaud, mais pas de garde qui nous tombe dessus non plus. Bon compromis. » Leur problème reste le même, l’absence de tout empêche de comprendre quoi que ce soit sur la ville et son continent, tomber sur un garde aurait pu ne pas s’avérer une si mauvaise situation, au final. « Franchement, je n’aurais pas dit non à un chocolat chaud, même accompagné d’un garde hostile. » Le commandant ne peut que confirmer l’observation suivante, la disposition est similaire aux bâtiments construits par le gouvernement pour protéger les civils lors d’attaques, première chose logique observée depuis l’arrivée dans le nord. Ils avancent, lentement, pour explorer ce nouveau lieu, croisant des remises stockant quelques denrées déshydratées et quelques salles vides. Ils n’ont qu’une seule chose pour s’orienter, les traces de neige fondue parsemant le sol et révélant le chemin emprunté la gamine leur ayant faussée compagnie. « S’il reste vraiment des civils ici, je n’ose pas imaginer quelles ont été leurs conditions de vie pendant toutes ces années… » Horrible, sans le moindre doute. Il ne doit même pas être question de vie, mais plutôt de survie, les textes racontent la chute de Norest datant d’il y a plusieurs siècles, ce qui signifierait qu’un bon nombre de générations se seraient retrouvées à vivre d’un bunker aux lumières artificielles, avec comme seule promenade, une ville invisible au froid létal, sans parler de la faune locale. « Rien qu’à l’état d’abandon du bunker, et plus généralement, l’état du continent, j’ai du mal à croire qu’on trouve des civils dans une forme acceptable. » L’isolement n’a jamais réussi à personne, encore moins dans des conditions aussi drastiques.

Chaque pas vient se répercuter en écho alors que leur progression se poursuit, éclairée par les néons à la leur fluctuante. Les traces de leur cible se font de plus en plus discrètes, à peine discernables maintenant que les deux militaires ont bien avancé. « Il y a un monde où on se fait entourlouper et où on fonce droit dans un piège, tu ne penses pas ? » Si leurs suppositions sont bonnes, et qu’il s’agit bien d’un lieu pour protéger les civils, les habitants doivent en connaître les moindre recoins, mais surtout, doivent avoir préparé de quoi accueillir les visiteurs indésirables. Les couloirs se ressemblent tous, mais leur marche en avant se retrouve instantanément mise en défaut au détour suivant. Des lances pour les menacer, une dizaine d’hommes bloquant le chemin et baragouinant dans un dialecte qui ne fait aucune sens aux oreilles du commandant. Instantanément, le blanc se prépare à répondre au moindre mouvement, mais rien ne vient. À y regarder de plus près, ce n’est pas de la détermination qu’il peut lire sur les visages des autochtones, mais bien de la peur. « On a notre réponse. » L’attention se détourne l’espace d’un instant pour se reporter sur sa camarade. « On est loin d’être face à des soldats, ou même des êtres en bonne santé. » A cet instant, impossible de dire si la fragilité que se dégage des habitants provient d’un âge avancé ou simplement de conditions de vie bien trop dures pour le corps humain. La position se relâche face à l’absence de menace alors qu’ils continuent de balancer des paroles incompréhensibles, mais toujours à la même sonorité, laissant comprendre qu’ils répètent sans cesse la même chose. « Tu penses qu’ils demandent une reddition, ou simplement qu’on se casse ? » La deuxième option semble plus réaliste, eux-mêmes doivent se rendre compte qu’ils ne feraient pas le poids dans un affrontement contre les deux militaires. « Je tente un truc, ne t’inquiète pas, ça va bien se passer. » Ou pas, c’est sûrement les pires mots qu’il pourrait prononcer pour que Svetlana s’imagine un nouveau plan douteux. Un pas en avant, les lances s’agitent instantanément, mais une fois encore, la menace est d’un niveau ridicule, donnant plus l’impression de vieux essayant de chasser des moustiques. Le commandant lève les mains de manière à signifier qu’il n’a aucune intention de s’en prendre aux lanciers. « Bonjour. » Ethan à les paroles de la capitaine en tête, le fait que les habitants de Norest devaient connaître la langue d’Edoras. Peut-être que c’est toujours le cas, qu’un d’entre eux en possède encore au moins les rouages pour échanger un semblant d’information. « Nous ne sommes pas là pour vous attaquer. Nous cherchons juste à comprendre ce qu’il se passe dans cette ville. » Silence pendant quelques secondes, les hommes armés s’échange des regards interloqués, mais utilisent toujours des mots que le blanc ne peut pas traduire.

Leurs pas résonnent dans le bunker d’un autre temps à mesure de qu’ils avancent, sans avoir la moindre idée de leur destination. La seule certitude, partagée, réside dans le fait que leur pérégrination ne résultera pas de la découverte d’une civilisation avancée. L’état d’abandon du lieu qu’ils parcourent invite plutôt à penser qu’il s’agit, au mieux, d’un repaire de fortune, au pire, d’un tombeau oublié depuis bien avant l’époque actuelle. L’expédition de ce nouveau continent n’offre que des surprises. Pas aussi avantageuses qu’imaginées sur le papier, alors ils s’enfoncent de plus en plus loin, dans l’espoir de pouvoir trouver de quoi leur donner un avantage dans la lutte contre l’Alliance. Aucune indication ne leur indique un chemin à suivre dans les couloirs désertés, seul leur instinct les guide pour choisir une direction plutôt qu’une autre. « Je te préviens, s’il n’y a pas de chocolat chaud au bout du tunnel, je considèrerai que tu m’en dois un quand on rentrera à la base. » Ne restent que leurs tentatives de détendre l’atmosphère pesante dans laquelle ils évoluent, car le peu qu’ils ont pu observer de Norest laisse entendre que rien de joyeux ne les attends bien sagement. Leur marche en avant dure plusieurs minutes, avant de s’arrêter net après une énième intersection, lorsqu’il se retrouve face à un petit groupe d’hommes pointant des lances dans la direction des deux soldats. Il y a un instant d’observation, afin de déterminer la nature de la menace qu’ils viennent de trouver. Mais un simple coup d’œil suffit à comprendre que celle-ci est minime. La possibilité évoquée se transforme en réalité, et les type leur barrant la route sont loin de paraître en bonne santé. Chétifs, le regard sans la moindre confiance, plus effrayés qu’autre chose. « Tu penses qu’ils vont nous sortir un collier à fleur ? Ou n’importe quel équivalent pour nous souhaiter la bienvenue ? » Face au manque de danger, la méfiance laisse rapidement place à la légèreté puis au questionnement quand les autochtones leur adresse des mots dans un dialecte qu’aucun des deux soldats ne maîtrisent. C’est bien leur chance, même en tendant l’oreille, impossible de reconnaître la moindre similarité avec le langage commun. « Ou alors, ils savent que tu nous as enfermé ici pour éviter d’avoir trop froid, pas besoin de couvrir l’arrière. » Il taquine gratuitement, le peu d’assurance des locaux suffisant à se dire qu’ils n’ont pas la moindre stratégie face aux deux envahisseurs et surtout, qu’ils n’ont pas la constitution pour tenter de les capturer. Ils se retrouvent dans une impasse, sans pouvoir communiquer avec la première forme de vie rencontrée sur le continent oublié, enfin, première qui ne tente pas de les transformer instantanément en diner. Alors, le commandant essaye de forcer la situation, s’avançant les mains en l’air, cherchant à être le moins menaçant possible, de prouver qu’ils ne sont pas un danger. Il a un infime espoir que, si Svetlana et lui ne les comprennent pas, la situation ne soit pas réciproque. Sa tentative ne rencontre pas le succès escompté. Le contact provoque quelques secondes de silence, avant un conciliabule toujours aussi incompréhensible.

Svet rejoint sa position, lui confessant l’échec de son plan alors qu’Ethan baisse finalement les mains. « J’crois que t’as raison. » Avoué dans une fausse grimace. « Partir. » Avant que les prochaines paroles balancées dans leur direction attirent subitement l’attention. « Mais y’a du mieux. » Enfin un mot qu’ils comprennent, même si le but est de les inviter à quitter les lieux. Le langage ressemble à de vieux souvenirs d’un être que le temps n’a pas épargné. Mais qu’importe, la soldate ne manque pas de s’accrocher au peu qu’on leur offre pour, à son tour, tenter de faire avancer les choses. Sa logique a du sens, pour eux qui connaissent les autres alternatives et le traitement que l’Alliance pourrait infliger aux autochtones. Mais les habitants du bunker, eux, n’ont aucune conscience des forces ayant désigné leur continent comme zone d’intérêt dans la lutte des pouvoirs. Ainsi, la réponse ne change pas d’un pouce. « …Partir. » Difficile de trouver une solution au problème, au point de penser à rebrousser chemin à la recherche d’une autre possibilité, ou peut-être d’une découverte qui leur permettra de réduire le fossé entre leurs deux civilisations. Mais, avant qu’ils ne décident de tourner les talons, une voix fluette vient s’élever, provenant de l’enfant qu’ils ont précédemment pisté jusqu’au bunker. Avec plus de détermination que tous les types ayant une lance à la main, elle vient prendre place devant ses congénères, baragouine des mots qui semblent causer une certaine agitation parmi les siens. La petite fait fi des remontrances, répète une seconde, puis une troisième fois en tendant les mains en direction des deux soldats. Ethan observe la scène, intrigué, avant de poser son regard sur Svetlana. Il sourit, laisse même s’échapper un souffle amusé quand cette dernière lui emprunte sa réplique avant de lui confier son arme. « Je suppose que j’ai pas le choix. » Il réceptionne l’épée et reste immobile en observant sa comparse suivre la gamine, passant les lanciers qui s’écartent face à la détermination. Il n’a pas une vue optimale sur la scène, mais arrive à capter suffisamment d’informations pour comprendre l’hostilité des natifs à leur encontre, voulant protéger l’une des leurs. Svetlana s’affaire à soigner la blessée, les quelques minutes nécessaires à l’exercice témoignent de la gravité des blessures. Lorsque la guérison est achevée, la tension baisse d’un cran, les lances sont toujours pointées, mais plus par automatisme que par réelle volonté d’impressionner. Des chuchotements toujours aussi incompréhensibles animent la pièce. « Je m’occuperai de ta prochaine blessure, t’en fais pas. » Il s’avance à son tour, lentement, l’épée en direction du sol, pour rejoindre la capitaine alors que toute l’attention est tournée vers la convalescente. « En attendant, j’suis plus intéressé par savoir ce qui l’a mis dans cet état. » La magie de Svetlana leur a permis de gagner quelques bons points, mais trouver la source du problème pourrait convaincre définitivement de leur bonne volonté. « Voyons voir si ta nouvelle copine peut nous aider. » Le commandant dépose l’épée au sol, avant de fouiller au niveau de sa ceinture et de sortir un stylo magique. Placé à côté de la gamine, il lui montre l’objet avant d’entreprendre un dessin sur le sol. Ses talents d’artiste sont presque inexistants, son œuvre se trouvant être une représentation très approximative de Svetlana et lui en mode fil de fer accompagné de quelques détails. Pour se faire comprendre, il pointe successivement le dessin et les personnes qu’il représente avant de tendre le stylo à l’enfant. Pointant alors la victime de l’attaque à l’endroit où se trouvaient ses blessures avant de mimer un monstre.