La gloire, d'une certaine façon, ils en avaient déjà un peu trop. Elle avait toutefois bien perçu l'ironie. Était-il déjà fatigué par les groupies ? Les débuts de ce nouveau palier furent vacillants pour l’un comme pour l’autre. Si le sérum les préservait de bon nombre de maux, leur ouïe était aussi sensible que quiconque et, peut-être même davantage encore, dans l’éventualité où elle fut rendue plus performante (cette théorie scientifique ne fut jamais vérifiée). C’est pourquoi ils s’élancèrent avec fébrilité sur ceux qui, selon eux, seraient plus susceptibles de leur nuire. Même si les ghouls visées par River se relevèrent, leur incapacité à l’ouvrir permit à Knightwalker de se concentrer sur l’autre gros morceau de l'arène, qui lui donnait l’envie de faire une sieste entre deux paliers. Étant donné la toxicité qui l’entourait, toute attaque magique pouvait s’avérer réduite. Erza ne connaissait pas toutes les capacités d’un Morbol. Elle constatait simplement que sa chair répugnante semblait se trancher aisément. La commandante fit cela vite et bien. Elle s'élança. À l’allée, elle creva la totalité de ses yeux, au retour, lui asséna une entaille profonde à la tête. Cette dernière était si gigantesque que plusieurs autres lignes droites furent nécessaires afin qu’il n’en reste de la bouillis. La rapidité de la commandante la faisait échapper aux pluies de flammes jetées par les dragonneau voletant autour d'eux. Certains descendaient en piqué, de temps à autres, dans l’espoir de l’avoir par les griffes, en vain. Le rang S étant anéanti, ne restaient que les petits éléments perturbateurs.

« Il nous faut un plan d'attaque.
— J'ai un plan, on attaque ! »

Ashes on the fire

Ils tâtonnèrent, s'adaptèrent à leurs nouveaux ennemis. Ça bombardait de partout au lance-flamme côté dragonneaux. River acheva les morceaux de volaille mal butés, aux ailes défoncés, la sensation de fatigue se dissipait progressivement. La commandante se focalisa sur le rang S tandis que le sergent s'occupa de taillader le reste qui essayait de les cramer au troisième degré. Le monstre de rang S s'effondra, ne ressemblant plus en rien à un morbol. On n'en reconnaissait que la bouche édenté sur le sable, ouverte vers le ciel, sans le reste, tel un sourire de chat de Cheshire disparu. L'instant d'après, River achevait un autre dragonneau. Un petit piège quant au tournoi, c'est qu'aussi grande fut l'arène, il était désormais presque impossible de s'y déplacer sans marcher sur un monstre mort. Les bêtes volantes n'y voyaient pas de différence. Quant aux autres, elles subissaient le même handicap. « T'es au courant que ça ne compte que pour un ? » dit River en donnant un signe de tête vers le peu qu'il restait du morbol. Au cas où la première référence au seigneur des anneaux ne vous avait pas assez convaincu. Pas plus de tergiversions à faire, il restait encore trois monstres à abattre, les deux ghouls muette et un dragonneau dont il évita le jet de flamme d'un bond arrière.

Il sembla que River n'avait pas tout à fait oublié leur pari des débuts. Tandis que la commandante focalisa ses efforts sur le Rang S, il profita des quelques secondes accordées à cette grosse part pour s'occuper de la volaille gênante. Erza récolta l'enthousiasme du public pour la chute du Morbol mais, River récolta les points du défi ! C'est ce qu'il ne manqua pas de remarquer. Knightwalker tenta de corriger le tir, voulant abattre avant lui le dragonneau qu'il visait. Surpasser River en rapidité s'avérait déjà compliqué et, avec l'avance de celui-ci, en l’occurrence, ce fut impossible. L'ennemi tomba sous la lame du rival. La commandante ne se laissa pas décourager pour un sous et, elle se précipita vers la prochaine cible, celle qui fut le plus à sa portée. Un dragonneau de feu tomba, tranché par Silfarion. Quant à la goule qui voulut jeter les cordes lui servant de bras dans sa direction, quand la commandante remit pied au sol, elle connut le même sort. Encore un niveau où Knightwalker devait se démêler des trajectoires de River et lutter ne serait-ce que pour atteindre ses cibles. Le sergent ne démordait pas. Il avait feint l'indifférence au lancement du gage mais, il plaçait une volonté et une ruse farouches à ne pas perdre.

« Il nous faut un plan d'attaque.
— J'ai un plan, on attaque ! »

Ashes on the fire

River compléta le niveau et avisa Erza d’un regard en coin. Malgré tout ce qu’ils avaient bouffé depuis un moment, elle non plus n’avait pas oublié leur fameux pari des débuts. Normal, c’est elle qui l’avait lancé. Pas le temps de se reprocher son manque d’attention qui l’exposait à une arnaque finale de la rouquine (qui savait bluffer), la cloche sonna le prochain round. « Bordel de merde !  »Les organisateurs se foutaient de leur gueule (ou toi, le MJ). Ils avaient bien repéré ce qui les avait fait chier et se chargeaient de tripler les couches. Pierce gardait un souvenir encore frais des précédents torrents de sable qu’ils avaient bouffé dans la gueule. Aux loups des sables s’ajoutèrent des urzas. River ne perdit pas une seule seconde. Malheureusement, les premiers grains commençaient déjà à se lever quand il rentra dans le tas. Sa lame trancha les loups à l’affilée, sélectionnant ceux qu’il avait de plus proches de sa route afin de gagner du temps. Trois victimes. Le brun recommença à avoir la gorge qui piquait (il espérait que Erza le surpasse en rythme, sinon ils risquaient de finir noyer). Il repartit dans l’autre sens, découpant un loup sur son passage. Ses yeux brûlants évacuaient les grains en lâchant des larmes en continue. Il était peut-être temps de faire une pause, mais sa commandante était totalement sortie de sa vue. « Erza ? »

« Performance très inégale, River... » provoqua la pète-sec, la mine sévère.

Le sergent alternait entre belles prouesse et point mort et, il n'était pas dans son droit de lui renvoyer la remarque. Aucun d'eux n'était  encore proie à la fatigue. Une dizaine de paliers supplémentaires ne les feraient pas flancher mais, une chance pour eux, il n'en restait que deux. Les organisateurs se montrèrent taquin en rappuyant sur leurs difficultés d'avant, accroissant le niveau à l'exponentiel comme s'ils nourrissait l'intention d'ensevelir les deux soldats. Les lèvres pincées d'agacement, Erza fonça immédiatement sur l'Urza se dressant devant elle, l'enchainant au Silfarion tandis que les premiers jets de sable brûlaient déjà ses yeux, son nez, sa gorge, lors même qu'elle retenait sa respiration. En quelques enchainements, le rang S dégringola et redevint poussière. Dans le tumulte et le brouillard mordoré, River l'avait perdu de vue. Erza n'entendit pas sa voix mais, elle le trouva par nécessité, fonçant vers lui à grande vitesse.

« Une pause ! » ordonna t-elle en saisissant son bras.

D'un bond, elle les envoya tous les deux dans les airs où River pourrait les suspendre, afin de reprendre de l'air convenable.

« Il nous faut un plan d'attaque.
— J'ai un plan, on attaque ! »

Ashes on the fire

Ouais, ouais, il avait un peu fait de la merde. En sa défense, il fallait tenir sur la longueur, or River s'économisait ! Ne comptez pas sur lui pour balancer cette excuse de merde, peu importe combien elle fut vraie. Erza, autant que lui, détestait les excuses. D'entre le bordel, et les tornades de sables, la commandante le trouva et les éjecta ensemble vers le ciel. Suivant l'ordre, River y fixa la toile d'Arachnée. De là-haut, il constata qu'un ennemi de taille manquait, un rang S. Toujours aussi efficace, Knightwalker ! Ils reprirent leurs esprits, vidèrent leurs poumons. « On y retourne ? » Son regard se fixa sur la masse imposante du rang S restant. S'il voulait rester dans le game, River devait miser sur toutes les petites bêtes autour en priorité, afin d'amasser le bon nombre dans cette course au pari. Alors, il les repéra. Une, deux, trois, quatre... Une fois l'estimation faite, il largua Erza d'abord, lui filant une trajectoire à la con afin de s'octroyer de l'avance. De son côté, il rebalança le grappin vers le sol et s'y attira afin de la surpasser en vitesse. Les loups des sables tombèrent un à un, à l'affilée comme des mouches. En une poignée de seconde, le sergent se propulsait vers le rang S, un chemin de cadavres derrière lui.  Il frappa la gorge, ou ce qui y ressemblait, et enchaina cette roche sur patte à rapidité de l'éclair. Ses morceaux s'effondrèrent à grand fracas tandis que le sable retombait doucement. Onze contre un, sur ce palier.

À la façon dont il l’envoya vers l’arène, ou ses environs pour ainsi dire, Erza eut la certitude que le sergent avait fait exprès de viser comme un bleu. Il ne fut pas question d’en émettre la moindre plainte. Elle tenta de rectifier le tir, de rattraper le retard, mais le schéma d'autrefois se répéta : River la devança à chaque étape.

« Tu montres donc ton vrai visage » déclara la commandante en esquissant un mince sourire moqueur.

Il était temps qu’elle montre le sien également, lors de la dernière étape. Armée de Silfarion, elle se tint prête à montrer le potentiel qu’elle avait gardé, faute de nécessité et, afin de se préserver en endurance. Tintement de cloche, dernier palier. La commandante disparût instantanément. Une tornade de lacérations s’abattit sur tous les êtres de l’arène. Elle commença par les plus ennuyants, ces impertinents dragonneaux de feu voletant autour d’eux comme des mouches. Sa rapidité la garda de toute brûlure, malgré les jets intempestifs surgissant furieusement de toute part. Vint ensuite le tour des rangs S, qui avaient tout l’air d’être un total de vingt-deux ! Est-ce que cela lui causa le moindre tracas ? Point du tout. Elle fit l’honneur aux Urzas, qui faisaient tout un bazar pour seulement deux. La commandante avait tellement pris de vitesse qu’elle ne s’était pas laissée déborder par les tourbillons de sable cette fois. Ils furent réduit en bouillis en quelques fracas. Illusion ou non, les Chimères ne souffrirent d’aucune discrimination. Erza fut si prompte qu'on ne remarqua pas combien elle s’attarda sur chacune, le temps de n’en laisser que des rondelles de viande, de tête de dragon, de pattes, de serres et, elle repartait. Elle ressentit sous sa lame seulement deux véritables cadavres. Suite à cette performance à en faire verdir Scarlet, elle s’immobilisa sur un amoncèlement de pierres fracassés qui constituaient autrefois un Urza, l'air aussi sérieux et impassible que si elle n'eut fourni aucun effort.

« Je plains le personnel de nettoyage » déclara t-elle d’un ton important.

« Il nous faut un plan d'attaque.
— J'ai un plan, on attaque ! »

Ashes on the fire

À peu de choses près, il avait juste cligné des yeux et Erza avait déjà tout explosé. C’était pas faute de tentatives infructueuses sur de l’air, vues que les illusions l’avaient paumé. Blasé, il regarda devant lui le champ de bataille monstrueux où il n’y avait plus d’espace pour marcher (il dut quitter l’arène par des bonds d’escalades). La commandante avait raison. L’équipe de nettoyage allait douiller. Il y avait des chances qu’il eut gagné le pari malgré tout, car seul le nombre comptait, et non la performance en elle-même. Mais inutile de chipoter devant tant de classe. « Je reconnais ma défaite » lâcha t-il de son ton monocorde. Sur le chemin de retour, un sentiment de fatigue le saisissait, ainsi que le début d’une migraine. Ça le ramena quelques temps en arrière, aux cris des ghouls, tels les réminiscence d’un éclatage de cerveau. Mais quand il se mit à tousser ses  tripes dans son coudes, il comprit qu’un autre mal que des tympans en moins venait de le saisir. Il connaissait ce mal étrange de l’époque où il était un enfant encore maigrelet, mal nourri, et qu’il tombait souvent malade. Malade, c’était ça. Même le sérum n’avait rien pu contre lui. Son corps se mettait à le lâcher. Il avait trop forcé. River arriva à la Capitale blanc comme un cul, en sueur, avec une mine si épouvantable que la commandante le congédia pour le reste de la journée. Et il n’en fit que dormir.

Au beau milieu de la nuit, alors qu’il partait pisser, il eut l’impression étrange que quelque chose se trouvait là. Dans la salle de bains, Riv, jeta de nombreux regards insistant vers la porte, y compris quand il se dirigea vers le lavabo pour se laver les mains. Le robinet ne coula pas. Il se pencha en insistant un peu, la tête plus lourde que jamais. Son regard bifurqua vers la porte et, en le ramenant devant, vers le miroir, il crut voir une tête dégueulasse juste derrière lui. Une ghoul ou un mort, il ne saurait dire. Et des gouttes de sang semblèrent s’échapper du robinet. Malgré sa certitude d’avoir affaire à une hallucination causée par la fièvre carabinée qu’il se collait, le brun ne fit pas le malin et se hâta d’aller se recoucher. Demain serait un autre jour, espérons.