Lux Requiem. Une armée de charognards, de loups solitaires unis sous la banière de la destruction, et celle de la peur. Quand les exigences étaient trop hautes, les objectifs trop mortels, rares se demandaient si on avait fait le bon choix de suivre Weisslogia. Le trahir serait en tout cas le mauvais. On ne le voulait pas. L'ancien général faisait des ravages quand son humeur était bonne, quelles conséquences verrait-on si celle-ci fut mauvaise ? Il venait de rappeler une fois encore la puissance et l'inéluctabilité des siens en une destruction éclair d'une guilde pourtant prisée. Blue Pegasus. Ces mages que l'on croyait forts car rescapés, miraculés des assauts à répétition de Baram. Forts, le furent-ils peut-être, mais face à l'Alliance Baram et ses maîtres, les plus grands des héros restaient faibles. Après un massacre rapide et un repli qui le fut tout autant, Weisslogia rentrait chez lui de la même façon qu'il était parti, sans porter sur ses épaules l'effort que la soirée avait demandé. Il se coucha pourtant peu après telle la fin de journée de travail d'un prolétaire. Puis les jours se succédèrent. Lux Requiem planifiait une autre attaque, visant une autre ville, pour un autre but. L'heure était à l'espionnage, la préparation. Les fers de lance de la guilde noire vaquaient à leurs méfaits en attendant les premières tombées stratégiques dont ils ne s'occupaient pas. Pour la plupart, ça ne les intéressait pas. Ils attendaient qu'on pose l'index sur une carte et ils s'élançaient.

Ce jour, Weisslogia croisa Daria à la guilde. Une base à demi-enterrée dans les sables du désert Corel. La jeune femme devait s'ennuyer durant ces délais d'accalmie. Elle lui ressemblait. Ils étaient tous deux assoiffés de combat, porteurs de la pulvérisation, destriers de la désolation. Elle le fut même avant lui. C'est elle qui portait le surnom de « Nihayat », la fin, ainsi par ce simple nom la salua t-il. L'interpella t-il aussi. Elle eut le privilège d'un mince sourire poli tandis qu'il s'arrêta face à elle. C'était toujours un plaisir de croiser cette combattante d'exception. « Ce quotidien me semble parfois indigent. Nous vivons cachés. Nous dormons sous terre. Mais l'ennemi aussi vit entre des murs. Qui est le plus libre selon toi ? » Ceux qui n'avaient pas peur de sortir. Il la scruta un court moment avant d'établir que sa pensée nécessitait preuve. « J'avais envie de prendre l'air, je serais ravi que tu partages ce moment avec moi. » Le ton anodin ressemblait fortement à ce qu'un citoyen dirait s'il voulait se balader à cheval près d'une rivière en temps de paix. Il n'existait pas de simple balade quand on était l'ennemi public numéro Un. Celui-ci tenait d'ailleurs son katana dans sa main. Weiss la dépassa. « Connais-tu un lieu sympathique dans la région de Midgar ? Cela nous rappellera de bons souvenirs. »


▲ C'EST LA FIN

« Tsita » Un amusement cruel naquit dans ses yeux émeraudes tandis que les pupilles félines de l’ex-général s’étrécirent. Daria avait cet attrait touchant d’une âme perdue. Une existence dénuée de sens tapie derrière un visage figé dans l’ennui. Weisslogia raffolait de ces soldats aux allures morts de l’intérieur, qui ressuscitaient dans le chaos et la destruction. Lux Requiem n’avait pas pour objectif la grandeur. Les ambitieux suivaient Skyadrum. Les égarés le suivaient, lui. Pour faire un monde, il fallait de tout. Pour faire vivre un homme, il fallait un but. Weisslogia en proposait deux, présentant celui qui convenait mieux à chacun. Destruction. Ou domination par elle. Les notions de châtiment et de fatalité étaient aussi très présentes dans ses desseins de cruauté divine. On mourrait tous un jour. La plupart de la population méritait que cela arrive le plus tôt possible. « Ça me plait » répondit-il comme s’il venait de découvrir la ville au travers de la description qu'en avait faite Daria. C’était, en quelques sortes, le cas. Il avait connu cet endroit dans un passé lointain, presque oublié, qu’elle ramenait à sa mémoire. Ils entrèrent ensemble dans le cadre qu'elle créa, passerelle menant à une ruelle que l’on qualifierait de paisible. La ville festive dont parlait Daria n'était plus. L'humeur était au calme et à la prudence. Les deux limiers de l'enfer s'avancèrent vers le coeur de Tsita, d'où pulsaient jadis les activités et rires animant l'endroit. Dans le calme de la place s'égrenaient le bruits des pas des habitants, qui n'étaient pas d'humeur au jeu, et semblaient amenés là par une volonté de se sustenter quelque part ou d'acheter du matériel de première nécessité, les armes s'étant ajoutés à cette catégorie. Au son s'ajouta la vision lorsqu'ils débouchèrent dans ce qui ressemblait à un vaste lieu de passage, composé davantage de militaires que de civils.

Une organisation de patrouille se trouvait au centre, des soldats qui discutaillaient brièvement, prêt à se séparer à nouveau en petits groupes, à arpenter la ville et ses environs. Les gens qui ne portaient pas l'uniforme restaient à distance d’eux comme s’ils craignaient d'être soupçonnés d'un méfait, ou importunés par un contrôle de routine. Aux premiers visages tournés vers eux, Weisslogia semblaient avoir disparu pour venir frapper directement dans ce nerf armé, usant de la surprise pour des morts rapides. Le maître des Lux avait déjà suffisamment fait ses preuves pour s'encombrer de quelconque sens de l'honneur au combat. L'effet de surprise était un gain de temps. Des corps tombèrent dès les premiers coups de lame. L'argenté eut tout de même le droit à une légère résistance de la part des plus réactifs, mais rien de suffisant pour permettre à qui que ce soit de d'échapper, Daria n'aurait pas laissé une telle chose arriver de toute façon. En un rien de temps, le calme ambiant avait été remplacé par un silence funeste. Une lacrima de feu fut envoyée vers la demeure qui avait le malheur de se trouver la plus proche de Weisslogia. « Cette ville dispose d'un charme nouveau grâce à nous, tu ne trouves pas ? » se félicita t-il tandis que le feu commençait à dévorer lentement et sûrement le bâtiment. « Mais où sont les renforts ? » ajouta t-il avec un brin de sollicitude ironique, comme s'il s'inquiétait que l'ennui et le manque d'action ne viennent troubler leur croisade.



▲ C'EST LA FIN

« Ils finissent sûrement de compter les cadavres des pégases. » Les punchlines de Daria avaient valeur d’or. Ses lèvres fines l’honorèrent d’un rictus amusé. Son alliée déplora la lenteur de l'action et l'argenté suivit des yeux le fil de sa disparition et réapparition en hauteur. Au problème, elle cherchait sa solution. Assoiffée, insatiable. Weisslogia oublia son environnement pour se concentrer, avec elle, sur la prochaine cible qu'elle choisirait. Les malheureux furent désignés, l'un fut abattu sans délai, l'autre emporté sur la place principale, près du chef des Lux. Ce dernier observa l'échange avec intrigue. Daria réclama la foule, plus de fous pour plus rire. Gain de cause fut obtenu. Une courte attente survint tout de même. «  Vingt minutes, et une armée sera formée en face. Eliminons ce qui vient d'ici là. » À sa victime, Daria offrit une mort rapide en exemple aux arrivants, que Weisslogia avait attendu avec patience. Là était un autre point de divergence avec son supérieur. Lui, il aurait menti et aurait laissé le soldat agoniser et baigner dans son sang. Chacun ses principes, Weisslogia était capable de respecter cela par moments, pour mieux prendre plaisir à provoquer transgressions à d'autres.

« Les renforts demandés maître. Le spectacle peut commencer ! » La rescousse arriva par vague dans un premier temps, par dizaines. « Que le sang pleuve, Daria. » Weisslogia respecta à la lettre son propre commandement. Les corps volèrent, portés par de puissant coups de lame, et retombaient avec leur flot de sang. Parfois le maître noir s'élevait d'un battement d'aile, découpant la chair en tranche depuis le ciel, créant des cascade de chair et d'écarlate. C'était barbare, c'était ignoble. Selon lui, un sol couvert de cendre, de sang séché, de membres découpés, de corps en début de putréfaction, c'était de l'art, une oeuvre qu'il aimait laisser derrière lui et que peu de gens savaient apprécier à sa juste valeur. Le calme retomba. Un silence annonciateur de quelque chose de plus grand. Ingérable. Regroupement ennemis, appel des mages de guildes, contrecoup de leur spectacle. La curiosité et la folie du maître le firent hésiter sur la suite, quand Skyadrum aurait déjà pris la fuite. « As-tu croisé des connaissances jusque là ? » C’était le cas pour sa part. Des visages crispés de peur, tous insignifiants sans exception, mais dont les traits faisaient écho à un passé révolu. Cela lui donna envie d’en voir d’autres s’éteindre, moins insignifiants. Il aimerait bien revoir cette chère Erza, dont le retard ne présageait rien de bon. L’argenté ne devait pas perdre de vue que la volonté de se divertir l’avait conduit là. Or il n’avait pas son armée avec lui pour se divertir des difficultés. Le délai qu'il avait donné venait de s'écouler. Les montagnes dressées derrière les flammes firent naître en son esprit des projets plus raccord avec sa lubie du moment. « Allons voir du côté de Svetlana » proposa t-il à son alliée. Ce fut l'ordre d'un autre portail.


▲ C'EST LA FIN

« Personne ne valant le coup d’être mentionné. » Il en allait de même pour lui. L’ex-général n’était même pas certain d’avoir reconnu le moindre visage. « Maculé de pourpre, tout le monde se ressemble… » approuva t-il, sinistre. Svetlana ne fut pas une cible sélectionnée hasardeusement.  Weisslogia connaissait un certain attachement de Skyadrum envers elle, or ce traitre était trop intelligent pour que ce lien ne fût justifié que par le charme. C’est une arme qu’il manipulait avec trop d’aisance pour ne pas savoir s’en défendre, l’ex-général devinait plutôt l’intérêt. Le capitaine avait dû lui montrer une brèche dans laquelle le mage noir souhaitait s’engouffrer dans l’espoir de corrompre. Weisslogia, plus familier à la destruction qu’à la manipulation, la préférait six pieds sous terre en ce qui le concernait.

La température chuta à zéro d’un portail à l’autre, sans que leur carapace n’en fut ébranlée. L’arrêt cardiaque aurait frappé un corps non dopé. « Au pire, on trouvera bien un moyen de passer le temps jusqu’à son retour. » « Plus le temps passe, plus les mesures anti-terroristes durcissent. Il se peut qu’on doive redouter son arrivée. » Vague moquerie placée sur le terme de redouter, venant d’un agent de la mort, et adressé à son meilleur cavalier. La compréhension qu’il fallait en tirer n’était cependant pas anodine. Si Svetlana réunissait ses meilleurs éléments, en les alliant avec mages de glace et forces spéciales, les deux Lux ne feraient pas le poids. La réussite de leur entreprise apocalyptique dépendait aussi de l’effet de surprise, du hasard, du temps de réaction de l’ennemi. Daria tint ses promesses à nouveau, faucheuse traçant sa route vers la caserne où un malheureux eut des secondes supplémentaires pour vivre et réaliser le malheur abattu sur eux. « J’ai besoin de savoir si ton capitaine est dans les parages. » La confirmation lui fut arrachée. Restait à savoir si l’on eut la même interprétation de parages. L’indication semblait signifier que le capitaine se trouvait bien dans la bâtisse. « Est-ce qu’on va dire bonjour directement ? Ou on profite de la ville en attendant que Svetlana vienne d’elle-même ? »

Les pas assurés du maître en direction de la caserne indiquaient déjà la réponse, qu’il expliqua avec amusement : « Si on lui laisse le temps de préparer la riposte, je pense qu’on voudra passer notre tour sans craindre d'être taxés de pleutres. » Le gouvernement savait de mieux en mieux gérer les situations de crises, et y répondre. À deux, ils ne suffiraient pas à faire face, tout puissants qu’ils fussent. L’on disait de Weisslogia qu’il était fou, et cela fut probablement vrai, mais le génie militaire ne partait pas avec la raison. Un repli stratégique fut opéré, ne restaient là que les soldats malchanceux, ceux du mauvais endroit et du mauvais moment. D’un bond rasant le sol, Weisslogia traça une ligne létale jusqu’à la porte de la caserne qui fut défoncée dans la foulée. L’argenté comptait sur les portails de Nihayat pour lui permettre de tenir le rythme. Le désordre, le manque de réactivité au sein d’un camp où l’on était préparé à la catastrophe inopinée, laissait croire à une absence de la hiérarchie. En quête du capitaine, Weisslogia laissa filer quelques soldats en les frôlant, par négligence. Un regard jeté par une meurtrière lui fit vite comprendre la situation. Svetlana était dans le coin, mais elle n’était pas ici. « Il fallait s'en douter » relativisa t-il à Daria. En quelques secondes, la caserne était cerclée. « Puisqu'on ne peut avoir ce que l'on veut, tirons le meilleur parti de ce que l'on a. » L’ex-général accéda aux toits, se montrant à la foule de mages par provocation. Sa lame recueillit cinq tirs magiques et il usa de sa vitesse inhumaine pour esquiver les autres. Tout laissait penser que l’armée attendait l’évacuation totale du bâtiment pour le faire sauter avec les deux Lux à l’intérieur. Une telle décision prise en si peu de temps ? Non, ils n’iraient pas jusque là en sachant que leurs adversaires pouvaient s’en sortir aussi facilement qu’en passant par une porte… Lux Aeternam fut levée, amenant avec elle une centaine de lames de lumières apparaissant dans le ciel. Le sword Rain s’abattit sur leurs visiteurs tandis que Weisslogia réclama calmement, le jeu dans la voix « Sycca » à sa coéquipière.



▲ C'EST LA FIN