Proposition sur un coup de tête pour fuir le calme d’une guilde entre deux eaux, accalmie entre deux projets de destruction. Mais ils en sont tout bonnement incapables, de rester dans leur coin sans faire le moindre remous, relation trop fusionnelle avec le chaos. Une ville choisie sans réelle motivation, la première qui se manifeste dans l’esprit tortueux, et les festivités reprennent de plus belle. Jeu morbide pour assouvir le besoin de violence, les pavés recouverts de sang pour attirer les membres armés sur leur position, provocation sans le moindre semblant. Ils sont là, venez donc les chercher. Le message ne pourrait pas être plus clair. Ultime doigt d’honneur au gouvernement que de venir le chercher sans la moindre once de respect. Les deux anciens militaires répandent la désolation avec un plaisir malsain, tranchant la chaire, brûlant les bâtisses, jusqu’à attirer suffisamment de troupes edorasiennes sur leur position, jouant quelques instants avec avant de disparaître dans un portail vers leur prochaine destination. Les deux Lux réitèrent l’opération dans une ville proche de Rhoïnes, avant de prendre la direction des alentours de Sycca. Cavaliers de l’apocalypse, ils engendrent la guerre et sèment la mort dans leur sillage alors que rien ne semble vraiment se mettre en place pour endiguer cette folie à laquelle ils s’adonnent. Brishol devient leur nouveau terrain de jeu, la désolation venant frapper la ville en l’espace de quelques instants. Empilement de cadavres, braises qui volent dans les airs, mais, contrairement aux précédentes cibles, la riposte contre les mages noirs se fait cette fois beaucoup plus rapide. Troupes sur le qui-vive, attendant le moment où le chaos viendrait frapper à leur porte. Pas de quoi faire renoncer les deux assaillants, bien au contraire, l’escalade dans la réponse que leur offre l’armée n’est qu’une motivation supplémentaire. Danse mortuaire sans le moindre répit, l’adrénaline parcourant les veines agit comme une drogue créant l’euphorie dans son cerveau malade.

Il faut une détonation pour venir raccrocher son esprit à la réalité. Plusieurs tirs viennent dans sa direction et, dans un vieux réflexe, Daria fait apparaître un portail pour dévier les projectiles avant de réaliser que le calibre des munitions est trop important pour cette ruse. À croire que l’armée est finalement capable de s’adapter. Changement de stratégie, la blonde empreinte sa création pour se déplacer rapidement, mais il ne faut qu’une poignée de secondes avant d’être repérée et de nouveau prise pour cible. La destruction est accentuée par ses assauts lointains ne faisant pas mouche, soulevant une épaisse couche de poussière venant se mêler aux fumées obscurcissant déjà l’horizon. Elle pourrait juste se casser, mais sa fierté est trop importante pour prendre en compte cette possibilité à la première vraie riposte du gouvernement alors qu’elle est encore dans une condition physique acceptable. Explosions et hurlements rythment la scène pendant plusieurs minutes, avant qu’un silence assourdissant vienne s’abattre sur la ville de manière fulgurante. L’œil du cyclone, petit moment de repos avant que les hostilités ne reprennent de plus belle. Daria en profite pour observer les alentours, cherchant Weisslogia du regard, mais son champ de vision est bien trop réduit pour discerner quoi que ce soit dans sa position actuelle. À l’instant où la Bradley s’apprête à disparaître pour rejoindre un point de vue plus avantageux, les fumées qui l’entourent s’agitent pour dessiner une silhouette. Pas le temps de se jeter dans un portail salvateur, la menace est trop proche, trop vive, la belle a tout juste le temps de dévier l’attaque létale lui étant destinée à l’aide de son arme. La lame ennemie déchire le tissu, entaille son épaule gauche avant qu’elle ne puisse repousser l’opposant d’un coup de pied bien placé. On ne lui laisse pas le temps d’analyser la situation, les assauts s’enchaînent, d’une manière moins précise. Après quelques parades, la Nihayat profite de la première ouverture pour se repositionner quelques mètres plus loin. C’est tout un groupe qui venait de lui tomber dessus, et pas n’importe lequel. La poussière commence à suffisamment retomber pour qu’elle puisse distinguer la tenue des forces spéciales. « Enfin. » Il n’aura fallu que trois villes, des cadavres par dizaines et un chaos sans nom pour qu’on décide de leur envoyer les troupes d’élites. Les pupilles virevoltent pour détailler chacun des soldats, nouvelles têtes qui lui sont inconnues pour certains, anciens camarades pour d’autres. « Ça fait un bail. » Son attention termine par se porter sur l’auteur de la première attaque, River, plongeant son regard dans le sien sans un mot.

La raison voudrait qu’elle dégage de là, seule face à un groupe qui ne doit avoir qu’une seule et unique consigne : lui ôter la vie le plus rapidement possible. Même si elle n’en montre rien, son endurance est bien entamée par les ravages déjà provoqués sur le continent de Galad, la situation lui semble défavorable. Mais en observant bien, les soldats venant de l’attaquer ne semblent pas non plus au mieux de leur forme, à tous les coups, ils reviennent d’une intervention, ce qui expliquerait le temps nécessaire à leur déploiement pour s’occuper des deux Lux. Regard furtif sur la plaie bardant son épaule, pas de quoi incapaciter totalement ses mouvements. « Il me semble que c’est à mon tour ? » Qu’elle lâche comme s’il s’agissait d’un simple jeu, sourire provocateur qui lui étire les lèvres, fringues parsemées par des jets d’hémoglobine, lame aux reflets écarlate, situation typique dans laquelle sa cruauté ressort totalement, l’aura de psychopathe qui l’entoure devenant presque palpable. Portail se formant sur la gauche, sa main descend rapidement au niveau de sa ceinture, décrochant un couteau pour l’y envoyer voler à travers et ressortir derrière le caporal-chef. Sans perdre de temps, la Nihayat poursuit son offensive, s’engouffrant dans une autre activation de sa magie pour atterrir au niveau du soldat le plus proche, balançant plusieurs coups de lames à l’encontre de celui-ci avant de leur fausser compagnie de nouveau. Cette fois, elle se place dans le dos de Pierce pour lui rendre la pareille, laissant l’acier fendre l’air horizontalement au niveau de sa taille.

Nouvel affrontement, changement d’ambiance, l’unité des forces spéciales qui vient de lui tomber dessus n’offre pas la même résistance que les soldats ayant tenté de s’opposer jusqu’alors au carnage orchestré par les deux anciens militaires. Impossible de les balader avec les tours de passe-passe habituels, mais l’arrogance fait que la blonde tente tout de même des mouvements incapables de prendre à défaut des soldats connaissant d’avance ses déplacements. La simplicité de son offensive ne tarde pas à se retourner contre elle, chaque mouvement se retrouvant suivit par plusieurs adversaires, l’empêchant tout bonnement d’être libre de ses mouvements. Sa lame ne trouve pas le chemin de la chair, River n’ayant pas besoin de parer l’assaut, ses subalternes faisant le travail pour lui. La situation passe rapidement de l’offense à la défense, Daria contrant les attaques pour tenter de se défaire de la stratégie mise en place, mais les mouvements coordonnés rendent la tâche plus ardue qu’elle ne l’aurait imaginé. Entourée, sans le moindre temps mort, les soldats savent que le meilleur moyen de contrer le style de la blonde reste de ne lui donner aucune marge de manœuvre tout en l’assaillant continuellement, ce qu’ils ne manquent pas de faire à la perfection. Au point que la Nihayat n’étends pas son attention au-delà de l’espace contraint lui étant imposé, seul moyen pour ne pas se faire déborder, mais créant une ouverture pour ceux restés à distance, que River ne se prive pas d’exploiter. Pincement au niveau de la taille, tous les adversaires s’écartent, et avant même qu’elle ait pu comprendre le pourquoi, Daria se retrouve projetée en arrière. La course indésirable est stoppée lorsque le genou du caporal-chef vient de loger dans le creux de son dos, coup violent qui aurait pu scinder la colonne du premier venu en deux. C’est à peine si la blonde à le temps de toucher le sol qu’une nouvelle traction s’enchaîne, douleur et perte d’appuis, la Lux se retrouve à racler le sol comme une vulgaire poupée de chiffon. Pas le temps de souffler, légèrement désorientée, c’est la douleur d’une lame venant lui entailler la hanche droite qui lui fait retrouver ses esprits. Ils ont vu l’opportunité et s’y sont engouffrés comme des morts de faim. La blessure aurait pu être bien plus sérieuse, voire mortelle, mais les assauts sans relâche doivent entamer la lucidité des militaires. La belle fait apparaître un portail pour téléporter l’un des assaillant quelques mètres plus loin avant qu’il ne l’atteigne, dévie une nouvelle attaque, envoyant la lame qui lui était destinée se planter dans le sol à côté d’elle.

Acculée comme rarement, Nihayat tente de se sortir de cette situation merdique. L’euphorie du chaos semé aux côtés de Weisslogia lui a donné l’impression qu’elle pourrait accrocher toute une unité des forces spéciales à son tableau de chasse journalier, plus facile à dire qu’à faire. Utiliser sa magie pour se repositionner n’est pas une option avec le grappin inamovible fixé sur sa taille, les quelques coups tentés sur le fil imprégné de magie ne l’ayant même pas éraflé, impossible de s’en défaire. Il suffirait à River d’un geste pour l’empêcher de passer à travers un portail ou de simplement la faire revenir à son point d’origine. Les coups continuent de s’échanger, jusqu’au moment où River décide d’utiliser à nouveau son lien magique, envoyant Daria dans les airs. Cible parfaite sans le moindre obstacle, impossible que le canon rate son tir. Même problème qu’à l’arrivée dans la ville, le calibre de l’arme est trop important pour simplement l’envoyer ailleurs avec sa magie. Réflexion en une fraction de seconde, un portail apparaît devant elle, dont la sortie se matérialise à portée de soldat isolé auparavant. Chopant l’individu, Nihayat le ramène contre elle, s’en servant comme bouclier humain afin d’atténuer les dégâts. Impact sourd, les deux corps sont renvoyés sur le sol avec force, côte à côte, soulevant un épais amas de poussière masquant leur état. Plusieurs secondes sans le moindre mouvement, le fil du grappin restant immobile. Première ouverture pour reprendre un semblant de contrôle sur la situation, la Lux décroche le dernier couteau restant à sa ceinture et vient le planter à plusieurs reprises dans le sac de viande l’ayant protégé des canons pour l’achever. Se relevant, la blonde enroule une partie de la corde la reliant à River autour de son avant-bras pour la tendre et éviter de se faire trimballer une nouvelle fois. La poussière se dissipe pour dévoiler sa silhouette et le cadavre à ses pieds. Instant de calme éphémère, l’ancienne militaire fait abstraction des blessures et de la douleur entamant son endurance pour ne rien montrer, mais le fait qu’elle profite d’un instant pour reprendre son souffle en dit déjà suffisamment sur son état.

Impossible de continuer dans un contexte aussi désavantageux, la raison pousse à une retraite entravée par le grappin de Pierce. Empruntant la technique du brun, Daria tire d’un coup sec sur le fil pour l’attirer avant de foncer à sa rencontre, lame en avant pour le forcer à parer. Une fois à son niveau et que l’acier claque, un portail s’ouvre dans le dos du caporal-chef, dans lequel elle l’entraîne. Ils quittent un champ de bataille pour atterrir sur un autre, bien involontairement. Sans attendre, la blonde remet de la distance entre les deux combattants, écart maximum autorisé par l’objet qui les lie. Rapide coup d’œil aux alentours pour confirmer que Daria ne s’est pas trompée de destination, les alentours semblent bien familiers, mais à l’endroit où se tenait le QG de Lux Requiem, gît maintenant un tas de ruines fumantes. « Ça explique le délai… » Pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre que la Deuxième division est responsable du carnage, échangeant trois villes contre une bonne partie des forces de la guilde noire. Retour de bâton non-négligeable et pourtant, la vision de la guilde détruite ne lui fait ni chaud ni froid, au contraire. « Merci d’avoir fait le ménage. » En espérant qu’ils aient bien fait leur job en éliminant tous les sbires incapables comme celui responsable de sa mise en échec lors de l’assaut de Lestallum. « T’as fait le taf toi-même pour une fois ? Ou t’as encore laissé les autres se salir les mains comme à l’instant en jouant avec ton grappin ? » Des interventions à l’époque de Faust, pour mater les insurrections, ils en ont fait une paire dans la même escouade. Attaques létales pour ne laisser aucun opposant au roi, pour lesquelles Daria avait régulièrement besoin de lui rappeler que sa réticence à porter les derniers coups pouvait rapidement le renvoyer dans les cellules du gouvernement. « T’as toujours besoin que je te motive ? » Elle le forçait à aller un peu plus loin, il la tempérait pour que chacun puisse garder sa liberté. « Ça peut s’arranger, on a qu’à dire une chose : maintenant que j’ai vu à quoi ressemble les membres de ton équipe, soit tu me tues, soit je les extermine un par un. La proposition te convient ? » Mais loin de ses conseils, plus rien ne l’a empêché de vriller, et ils se retrouvent l’un face à l’autre, arme de mort à la main.

Mis à l’épreuve de manière constante, le statut de criminel fiché sur la gueule à la manière d’une marque indélébile, ils avançaient sur une corde tendue au milieu du vide, tels des funambules sans la moindre protection, à devoir suivre les ordres sans aucun défaut, sans aucune remontrance, seul moyen pour s’offrir une liberté relative, bien plus agréable qu’une cellule ou qu’une sentence mortelle. Toujours sur les talons de l’autre, pour motiver aux actes barbares, pour mitiger les pulsions violentes. Moins bonne équilibriste, la blonde a définitivement lâché prise à la première occasion, sombrant dans la violence dès l’instant où il n’y avait plus personne pour lui faire entendre raison de manière régulière. « Qu’est-ce que j’en aurais à foutre ? Je serai trop mort pour le voir. Ton petit copain ne va pas tarder à débarquer avec ceux qui manquaient à l’appel. » Attroupement de psychopathes gravitant autour du plus cinglé d’entre eux, c’est un bon moyen de résumer Lux Requiem, et de comprendre qu’il ne faut pas compter sur les autres pour venir vous sortir de la merde. Des mercenaires qui n’hésiteraient pas à regarder les autres mourir sans proposer d’aide. Le QG, elle ne l’a choisi que pour l’avantage du terrain, et avec sa réputation, tant bien même la guilde aurait été dans son état classique, personne ne se serait risqué à venir interférer. Les fous ayant eu la malheureuse idée d’essayer ayant servi d’exemple pour faire passer le message. « Ne t’inquiète pas pour Weiss, ton corps sera froid bien avant son retour. » Pas de doute quant au destin du maître, même s’il a dû hériter de l’écarlate. « Garde tes provocations dans le fond de ton cul, c’est inutile, je n’ai pas l’intention de faire le voyage seul. » Il lui paraît loin, ce temps où elle devait l’invectiver afin de le convaincre d’ôter une vie. « Prouve-le. » Sourire provocateur alors qu’elle se positionne, prête à reprendre les hostilités. L’impatience lui parcourt les muscles face à l’ironie de la situation, qui aurait pu imaginer qu’elle finirait de nouveau par pousser River à prendre une vie, qui plus est la sienne.

Les lames s’entrechoquent dans un rythme soutenu, bref échange où aucun de deux ne parvient à prendre l’ascendant sur l’autre. C’est River qui décide cette fois de mettre de la distance avant d’à nouveau mettre son grappin à contribution. Activation brutale qui force Nihayat de l’avant alors que le militaire charge en sa direction, mouvement similaire à celui les ayant conduits dans ce nouveau lieu. Si les soldats lui ont été capables de s’adapter au style de combat de la blonde, elle est capable d’en faire tout autant, venant parer l’attaque visant finalement son dos. Le brun virevolte d’un côté à l’autre sans le moindre temps mort, sans pour autant réussir à prendre son adversaire en défaut. Mais, trop concentrée sur les mouvements de River, Daria en oublie cette chose qui l’entrave depuis plusieurs minutes, ce putain de grappin. Les mouvements du caporal-chef avaient une toute autre vocation que de trouver une ouverture dans la défense de la déserteuse. Nouvelle activation pour raccourcir le câble, qui vient s’enrouler autour de ses chevilles et lui faire perdre l’équilibre. Situation précaire pour la survie de la blonde, River ne perd pas de temps pour en profiter, couteau en avant avec pour cible sa carotide. Plat de lame en barrage, Daria vient stopper l’acier à quelques centimètres de sa gorge. Il y met toutes ses forces, la pression augmentant alors que la lame se rapproche de l’objectif comme si le temps venait d’être drastiquement ralenti. « La fille qui se salissait les mains pour moi… je tiens toujours à elle alors crève. » Le sourire de défis était toujours présent sur son visage malgré l’urgence de la situation, mais à la prononciation de ces dernières paroles, celui-ci s’efface instantanément. Il veut la buter pour ce qu’elle était, et pour ce qu’elle est devenue. Ils ont cette similitude, visage aux expressions rares, et pourtant, quand leurs regards s’accrochent, elle peut y discerner les émotions. « Il faut que tu crèves. » Comme une supplique, comme s’il pouvait la libérer, se libérer. L’épaule entaillée l’empêche de développer autant de force qu’à l’accoutumée, le couteau poursuit son lent chemin vers la chair de sa victime. « Trop tard. »

Éclat de magie sous le corps de la blonde, portail dans lequel ils s’engouffrent subitement, les transférant à quelques mètres du sol. Profitant de la surprise, Daria se joue de la force mise en œuvre par River pour la retourner contre lui, pivotant pour inverser leurs positions. Sans le danger de la lame menaçant de lui ouvrir la gorge, elle se saisit du grappin, l’arrachant de la ceinture de son opposant. Positionnant ses pieds liés sur le corps de River, la Lux s’en sert d’appuis pour l’envoyer vers le sol tout en se jetant dans un nouveau portail afin de revenir sur la terre ferme plus rapidement. L’objet de malheur en main, la blonde se débarrasse de l’entrave pour retrouver enfin une bonne liberté de mouvement, déliant ses chevilles et détachant le grappin de sa taille. Si le militaire a eu le temps de se relever pendant ce laps de temps, pas question de lui donner l’occasion de mettre en œuvre une autre ruse. D’une nouvelle activation de sa magie, Daria apparaît dans le dos de son adversaire pour porter un coup rapide. Mais la technique est bien connue, et la parade est parfaite. L’acier danse, encore, mais les coups s’échangent avec un peu moins de rythme, la faute aux corps qui s’épuisent. Daria repasse dans le dos du militaire à l’aide de sa magie, lançant sa lame en avant, mouvement connu et attendu, mais, au dernier moment, juste avant que l’attaque soit parée un portail apparaît. L’épée s’y engouffre pour ressortir derrière River et venir s’enfoncer au niveau de son omoplate droite. L’arme quitte la chair qu’elle vient de percer, Nihayat attrape le brun pour le faire passer à travers le portail, frappant alors l’arrière de crâne avec l’extrémité contondante de son épée avant de lui loger un coup de pied au niveau des côtes. Les derniers mots du caporal-chef résonnent en écho dans son esprit. L’assaut ne cesse pas, nouveau tour de passe-passe, où l’entrée et la sortie du portail sont cette fois identiques. D’un coup sec, Daria vient planter la cuisse de son opposant avant de le faire reculer d’un coup de pied dans le torse. « Trop tard… » C’était avant qu’il fallût s’y prendre, bien avant. « La Daria qui butait pour toi, c’est la même Daria que maintenant. L’autre est morte bien avant cette époque. » Au milieu d’une rue, le corps couvert d’hématomes et de reflets écarlate, en se tenant au-dessus du corps inerte de son daron, avant la prison, avant le sérum, avant tout. Elle a horreur de se remémorer, exploitée depuis aussi loin qu’elle puisse se souvenir. Le poing vient écraser le manche de son épée, à en crisper ses doigts. « Je vais tuer pour toi, une dernière fois. » Le masque se fissure, les émotions normalement maîtrisées venant jouer avec les lignes de son visage, mélange de colère et de détermination. « Finissons-en. » Muscles tendus, lame en avant, elle l’attend, prête à en découdre.

Moment de flottement dans les hostilités, la fatigue s’empare un peu plus des corps à chaque mouvement, ruisselle dans les muscles, embrume les esprits. La main vient compresser l’entaille reçue à la hanche plusieurs minutes auparavant, colorant un peu plus la chair de liquide vital alors que la douleur est atténuée par l’adrénaline parcourant le corps. « Mon cul. » Sourcil levé d’un air interrogateur alors qu’elle vient retrouver son regard. Quelle connerie va-t-il bien pouvoir lui sortir pour justifier l’inverse ? Ce n’est pas pour rien que la blonde a chopé son surnom funèbre lors de son passage dans les forces spéciales, déjà à l’époque, sa propension pour la violence et le mépris pour la vie de ses adversaires sautaient aux yeux de tous. « T’étais avec nous. Tu ne laissais rien nous arriver. » Les yeux qui se lèvent au ciel de manière théâtrale face à l’utopie de ses mots. Leur statut de militaire et cette pseudo-liberté l’accompagnant venaient, à l’époque, avec une liste d’obligations à laquelle tout manquement pouvait renvoyer vers la case prison, à minima. Il n’y avait aucun altruisme derrière les agissements de Daria, seulement un intérêt égoïste d’éviter les barreaux ou la potence. Dans son rôle, le parfait petit soldat devait assurer les arrières de ses collègues, pour éviter les pertes. Esprit d’équipe, entraide, toutes ces choses, au fond, elle n’en a rien à foutre. « Les autres n’étaient que des dommages collatéraux. » Quand les yeux n’étaient pas braqués sur sa personne ou qu’il n’y avait pas d’ordre direct, l’idée de déplacer une montagne pour aller sauver le premier péquenaud incapable de se démerder en combat ne lui effleurait même pas l’esprit, quand bien même l’uniforme porté fut similaire. Il n’y avait qu’une unique exception. « C’est toi le seul que je protégeais, personne d’autre. » Nihayat est incapable de dire s’il s’agit d’une illusion bercée par le temps et la nostalgie, ou si le brun croit vraiment que celle qui se tient devant lui n’est plus la même. Aucun doute, pour elle la seule différence entre les deux époques vient des limites lui étant imposées, inflexibles sous le joug de l’armée, totalement lâches dans les rangs de Lux Requiem.

Les regards ne vacillent pas, indémêlables, seules âmes encore vivantes dans la guilde transformée en cimetière à ciel ouvert. L’offensive reprend de plus belle, lancé de couteau, comme la blonde peut en faire régulièrement, sauf que cette fois, la lame vole dans sa direction. Rien d’autre qu’une distraction, River sait parfaitement que ce genre d’attaque est voué à l’échec. Manifestation de magie pour que la trajectoire ne soit pas altérée, le couteau disparaissant juste devant sa cible avant de réapparaître dans son dos et de continuer son chemin. Impossible de le retourner contre son lanceur, trop bien synchroniser, se présentant déjà l’arme en avant. Coup rotatif paré à l’épée sur le haut du corps, mais l’enchaînement est rapide. Déjà au sol, River vise les tendons pour tenter de l’immobiliser, nouvelle parade qui n’empêche cependant pas l’épée de venir lui caresser la cheville gauche, pas suffisamment pour sectionner entièrement le tendon, mais assez pour entraver ses mouvements. Pas de délais dans la réponse, profitant de la première ouverture, Daria s’élance en voyant son adversaire faire un faux pas sur un cadavre. À peine à hauteur qu’elle décoche une frappe violente. Giclée écarlate dans les airs. Cheville endolorie, l’assaut n’est pas assez vif, le militaire a eu le temps de se servir du cadavre comme bouclier pour éviter l’épée, avant de se remettre à distance. « Crois ce que tu veux, je sais que tu n’es plus la même. T’étais pas aussi conne à l’époque. T’as bien regardé autour de toi ? » Scène de carnage, dépouilles de mages noirs qui parsèment le sol dans toutes les directions. Haussement d’épaule. « Tu veux que je verse une larme pour tous ces déchets ? » Elle ne l’aurait sûrement pas fait avant, alors encore moins maintenant. Dans tous ces corps dénués de vie qu’il lui est possible d’observer, une chose attire cependant son attention, aucun d’eux ne porte d’emblème militaire. Même dans le cas d’une attaque surprise, avec un plus grand nombre de soldats, impossible de ressortir d’ici sans la moindre perte connaissant les psychopathes présents chez les Lux, jamais Midnight ne serait tombé sans faire un carnage, ce qui indique qu’il n’y avait aucune grosse pointure présente lors de l’attaque. « Tout ce que je vois, c’est une énième connerie de l’armée. Elle vient de qui cette idée à la con d’attaquer la guilde du plus grand taré d’Edoras quand il n’y a que les sous-fifres de présents ? » Ça ne lui semble pas la meilleure idée du siècle d’énerver Weisslogia sans vraiment toucher au plus gros de sa force de frappe, au contraire, ça sonne comme une provocation envers un type venant de rayer une guilde en solo il n’y a pas si longtemps. La distance qui les sépare ne varie pas, Daria avançant au même rythme que River recule, se frayant tous les deux un chemin parmi les morts.

« On fait le même job, on nous donne une cible sur une carte et on bute tout le monde. Pourquoi tu l’as suivi, lui ? Il n’en a jamais rien eu à foutre de toi. Qu’est-ce qu’il t’a promis de plus, et que je ne vois nulle part ? » Elle marque une halte dans son avancée. Pourquoi est-ce qu’il a besoin de savoir tout ça ? Le job est simple pourtant, chacun d’un côté de la ligne, le premier qui en a l’occasion tue l’autre, point. Il vient de le dire lui-même, écouter, exécuter sans chercher d’excuse, le tout tournant en boucle. « Personne n’en a jamais rien eu à foutre. » Le constat est simple, cruel, parfait résumé d’une vie à se faire exploiter d’une manière ou d’une autre. Du daron à l’armée, tous à la garder dans le coin pour ce qu’elle pouvait leur apporter et rien de plus. « T’as besoin que j’apaise ta conscience ? » Parce que c’est le seul qui a tenté de la guider sans arrière-pensées. Le type qui l’a fait chier pour qu’elle relève la tête quand ils se sont fortuitement retrouvé en taule au même moment, celui qui gardait le démon en cage du mieux possible. Sûrement que son histoire aurait été bien plus courte si elle ne l’avait jamais croisé. « Il a juste demandé, sans rien promettre. » Et c’est sans aucun doute pour ça qu’elle a accepté directement. Porte de sortie à toutes ces restrictions, de la violence et du sang pour une liberté élargie. « Plus besoin de faire semblant, c’est suffisant pour lui prêter ma lame. »

Profonde inspiration, comme pour tenter de calmer son esprit. Les mains se resserrent sur les armes, épée dans l’une, couteau dans l’autre. Activation de la magie et, en une fraction de seconde, Nihayat dissipe la distance pour venir écraser son arme vers River. Aucune distraction, offensive frontale pure et dure où les coups s’enchaînent sans pause. L’acier claque en écho entre chaque râle d’épuisement. L’affrontement a des airs de chorégraphie alors que les deux opposants se déplacent difficilement entre les cadavres. Quelques secondes, jusqu’à une ouverture, coup de genoux traître dans la cuisse déjà entaillée pour rendre l’équilibre précaire avant de bloquer le bras armé du militaire et de venir planter son couteau au niveau du biceps. La lame reste enfoncée dans le muscle, nouveau coup de genoux identique au précédent avant de balayer River pour l’envoyer au sol. Rotation de l’épée, lame vers le bas, l’acier plonge pour ôter la vie. Puis le temps s’arrête, l’arme s’immobilise alors que le métal vient tout juste effleurer le torse. Elle-même est surprise, réflexe inconscient, n’importe qui d’autre aurait vu son cœur déchiré par ce dernier coup létal, sans la moindre pitié. Pas la première fois qu’elle doit finir un adversaire, pas la première fois qu’elle connaît la personne, même son père n’a pas profité d’une seule seconde d’hésitation. Il suffirait d’un coup sec pour percer le palpitant, mais la lame reste immobile. « C’est pas ta faute. T’as essayé, mais pas au bon moment. » Sa voix est presque teintée de tristesse, comme si, au fond, elle regrettait qu’il n’ait pas réussi à faire plus. « Mon père s’est servi de moi, je l’ai tué. L’armée s’est servie de moi… je te laisse faire le calcul. » Personne ne verse dans l’extrême sans avoir une motivation, même Daria malgré son discours bien rodé arguant qu’il n’y a que le chaos qui l’intéresse et rien d’autre. Pas besoin de lui promettre monts et merveilles pour rejoindre Lux Requiem, juste de lui offrir la possibilité de régler ses comptes.