La ville s’agitait, en effervescence totale, des touristes par centaines, des stands montés à la va-vite, des hôtels pleins à craquer. Partout, on entendait la rumeur de voix enthousiastes, excitées, attirées par ce festival qui promettait d’être l’un des plus mémorables de l’année. Un événement qui risquait d'être bêtement gâché par des trouble-fêtes. Deux adamantains. Immobiles sur la plage comme des statues monstrueuses, leur carapace grise, rugueuse, aussi impénétrable que la roche. Personne n’avait réussi à les bouger, et le spectacle risquait d’être annulé. Un drame économique. Un coup de poignard dans la gorge de la prospérité locale. Ryo n’était pas là pour sauver le festival. Il s’en foutait, à vrai dire. Pour lui, tout ça n’était qu’un prétexte. Un rassemblement massif, une opportunité en or pour écraser ceux qui n'auraient rien à faire là. Des fées, des résistants trop confiants, des blasphémateurs, des têtes recherchées. Tous ceux-là seraient attirés par le glamour de l'événement.

Il marchait tranquillement sur la route poussiéreuse qui longeait les plages, les mains dans les poches. Un forain, un peu trop mince pour l’air jovial qu’il essayait d’arborer, le héla d’une voix tremblante. Ses yeux cherchaient à éviter de croiser ceux de Ryo. « Euh… monsieur ? Excusez-moi, je… vous êtes... Je vous ai vu à la télé, ou je sais pas… » Il balbutia, comme s’il regrettait déjà d’avoir parlé. Ryo se tourna lentement vers lui, son expression aussi froide que le vent du large. Le forain déglutit. « Y’a… un problème. Sur la plage. Ces bestioles, les Adamantains. Impossible de faire quoi que ce soit. Ils bloquent les scènes, les équipes techniques refusent d’approcher. Les gens du coin disent que vous pouvez les… déloger. » Ces mêmes gens qui avaient soigneusement évité de croiser la route du macchabée.

Ryo resta silencieux un instant, pesant la demande. Il aurait besoin de la foule. Le festival devait continuer pour que le piège fonctionne. Pas de foule, pas de massacre. Pas de massacre, pas de fun. Il hocha la tête, un geste presque imperceptible, puis se dirigea vers la plage. Les Adamantains étaient étaient comme des montagnes, immuables, indifférents à ce qui se passait autour d’eux. Ryo leva une main, ses doigts crispés comme s’il tentait de saisir quelque chose dans l’air. Une ombre obscure sembla couler de ses doigts, une énergie noire. Celle des morts.  La plage, autrefois un havre de paix, était depuis longtemps un terrain de massacre. Les marins disparus, les cadavres déchiquetés par les vagues, d'autres événements sur cet archipel ayant mal tourné… tous ces morts, toutes ces âmes errantes, il les sentait, partout, sous ses pieds, dans l’air salin. Il n’avait qu’à puiser.

Puis, avec une lenteur délibérée, il frappa. Un coup, sec, précis. La carapace du premier adamantain, dure comme de l’acier, éclata sous l’impact. La créature s’effondra, son corps massif soulevant un nuage de sable alors qu’elle s’écrasait. L’autre tenta de réagir, mais trop tard, il subit le même sort. Ryo saisit celui-là par la queue, et d’un geste aussi fluide qu’inattendu, il le traîna jusqu’à la mer. Il répéta le même geste pour le second. Les vagues se refermèrent sur ce qui restait des monstres à moitié désintégrés.