Le Draer n’irait pas dire que sa vie a changé depuis la Bataille de la Cité Royale. Son train-train quotidien de baroudeur de rang S a repris, il va là où on a besoin de lui, et le vieux le fait toujours chier en l’orientant parfois sur des quêtes dont il ne veut pas. À Fairy Tail, peu de choses ont changé. Erza est toujours casse-couille, Natsu ne s’est toujours pas trouvé un cerveau en rabais, Grey a toujours un problème avec ses fringues, l’unité Raijin est toujours aussi fanatique du thunderman. Vraiment, presque rien n’a changé. C’est juste que, après chaque nuit où Laxus a le temps de dormir, celui-ci se réveille dans un endroit où, la veille, il ne s’est pas endormi. Alors, les matins où il se retrouvait la tête plongée dans ses bras croisés, assis à une table de la guilde de Fairy Tail, ou allongé dans le pieu de Fried, ça passait encore. Par contre, cette histoire a pas mal dégénéré ces derniers temps.

Un jour, Laxus se réveille devant la porte Est de la Cité. Les soldats lui disent qu’ils l’ont empêché de sortir pour sa sécurité, et qu’il a frappé l’un d’eux. Comme Laxus dormait en cognant, on lui dit qu’on ne lui en tient pas rigueur. À cela, la tronche un peu sévère du Draer semble rétorquer à elle seule « T’as intérêt ! ». Il est trop irrité pour être navré. Aucun traitement ne marche sur lui et ses crises de somnambulisme, c'est comme une foutue condamnation. Le lendemain matin, un dimanche, il se retrouve dans la cuisine d’un type qu’il ne connait que de vue. Celui-ci est en train de se servir un café quand le blond émerge. Le voyant se redresser, il rajoute d’ailleurs une tasse pour l'intrus. Laxus ne daigne même plus se demander ce qu'il fout là. « Pourquoi tu ne m’as pas réveillé ? » demande t-il de son ton bourru et peu aimable. Un "Bonjour" ne va jamais droit au but. Un "désolé" ne serait pas honnête. Laxus ne l’est pas. Au mieux, il est juste soulé. L’homme lâche un rire bref, avant de dire très sérieusement : « J’tiens à la vie. » Le Draer lève les yeux au ciel. « J't'aurais pas tué. Juste foutu une droite, à la rigueur. » N'en déplaise au ton sérieux, c'est une plaisanterie. Mais ça le gars n'a pas l'air de s'en rendre compte.

Et tandis qu’il est assis, torse à poil, pantalon de pyj, et cheveux en bataille, dans la cuisine de ce type qu’il observe avec un air profondément blasé, Laxus retrace sa vie dans le sens inverse. Il la retrace en cherchant à partir de quel moment c’est parti en couilles. La première fois qu’il s’est réveillé dans la Grande Salle de Fairy Tail, c’était le lendemain de la Bataille. Il ne se souvient pas avoir bouffé d'attaque magie étrange ce jour-là. Laxus en a juste pris plein la gueule, comme tout le monde. Puis, il met le doigt sur un souvenir en particulier. Cette Lamia qui avait proposé de soigner ses blessures. Laxus étant un homme comme tout les autres, quand une jolie nana propose de s’occuper de lui, il accepte et c’est tout. La facture est moins charmante par contre. Même si elle a fait le job, il a bien senti un truc à ce moment précis. Et il a beau se creuser la tête, si son problème ne vient pas de là, alors il est complètement foutu parce qu’il n’a strictement aucune autre piste.

Le Draer rentre chez lui, prend une douche et s’habille. Plein d’espoirs (il s’est adressé à bien des guérisseurs, mais pas à elle), long manteau bordé de fourrure jeté sur ses larges épaules, Laxus se rend à Lamia Scale. A cet instant, le thunderman pense à une erreur de la part de la guérisseuse, ou à un effet secondaire des traitements qu'elle lui a donné. Ce sont des choses qui arrivent. On a beau couvrir cette femme d’éloges, Laxus ne croit que ce qu’il voit, or il semble qu’elle a un peu merdé. Bien sûr que non, il ne s’attend pas à ce que ce soit une vengeance de sa part, vu qu’il a complètement oublié la façon dont il lui a parlé la première fois qu'il l'a vue. Comme s’il allait se souvenir de tous les tocards qui le gênent en combat et qu’il envoie chier !

Au sein de Lamia, (les portes sont grandes ouvertes, il ne va pas toquer), il y a des regards qui le suivent. On se demande ce qu’il fout là, ça se voit. Il répond à quelques saluts par de brefs signes de tête, regarde Alycia de travers, et demande à Jera où il peut trouver leur guérisseuse. Le thunderman est correctement orienté vers l’intéressée au minois d’ange. Il la jauge un court moment dans les yeux, le visage fermé, un peu sévère. Iris peut être jolie autant qu’elle veut, elle n'aura pas intérêt de facturer sa venue. « J’crois que tes traitements refilent des effets secondaires qui ne figurent pas dans la notice. » Un peu ironique, vu qu’il a été traité à l’aveugle et qu’elle n’a donné strictement aucune indication, aucune recommandation, et qu’elle a juste foutu la merde dans le silence le plus total quoi.

« Bonjour Laxus » prend-elle le temps de dire. Ce genre de tentative destiné à lui rappeler l’existence, ou l’intérêt de la politesse, est voué à l’échec. Ou alors Iris est simplement aimable. Non pas que ça change quelque chose. Le fait qu’elle ne daigne pas le regarder lui glisse également sous les pompes. Bras croisés, Laxus attend patiemment qu’elle termine son paragraphe, vu qu’elle semble y tenir. Cependant, quand elle lève ce regard de petite futée vers lui, il commence à renifler la merde. Et il a bien raison. « Je t’attendais plus tôt que ça, tu as tenu plus longtemps que je n’aurais cru. » Aucune émotion ne traverse le visage sérieux du Draer, on ne devinerait jamais qu’il vient juste de penser très fort « Bordel de merde ». L’a-t-il pensé un peu trop fort ? Elle lui adresse un petit sourire lourd de sous-entendus en prime. Mais c’est qu’elle se fout de sa gueule en plus ! La situation le dépasse. Qu’est-ce qu’il lui a fait ? Laxus n’a pas de souvenir particulier d’un moment où il lui aurait porté préjudice. D’ailleurs, maintenant qu’il y réfléchit, en la regardant bien, c’est plutôt l’inverse. N’est-ce pas cette fille qui avait manqué de manger de la foudre quand elle s’était mise en plein dans sa ligne de mire ? Heureusement qu’il avait réagi à temps.

Le silence de Laxus l’encourage à poursuivre. Et finalement, la réponse tombe. Le blond prend une légère inspiration, tandis qu’un clignement d’yeux excessivement lent traduit l’ampleur de son exaspération. Pas que contre elle, il se dit qu’il a peut-être cherché ce qui lui arrive, si elle s’est vraiment vexée. Qui sème le vent récolte la tempête, comme on dit. Lyon baliserait de voir la façon dont il peut s’adresser aux femmes (Laxus ne fait pas de discrimination dans les insultes, tout le monde en prend pour son grade). Idiote de pimbêche. Problème de rythme là-dedans. Il a plutôt dû dire idiote dans une phrase, et pimbêche dans une autre. « Quelque chose comme ça » reconnait-il sans avoir l’air le moins du monde navré. Elle a foutrement bien caché son jeu. Evidemment Laxus a tellement l’habitude que les femmes veuillent le tripoter qu’il n’avait vu que du feu dans les magouilles de celle-ci. Non pas qu’elles soient toutes à ses pieds (un peu de sérieux), seulement, c’est rare qu’il fasse fausse route sur l’une d’elles. Ça fait tout drôle, tiens.

Draer décroise les bras et s’avance dans la pièce. Il contourne le bureau et se tient à côté de la belle. Son poing s’appuie sur le bois tandis qu’il se penche légèrement vers elle. Laxus la toise de haut, un air vaguement ironique imprègne son visage sévère. Y a des gens, pas forcément lâches, juste sains d’esprit, qui, à ce moment précis, se seraient confondus en excuses et auraient obéi à la demande implicite que le thunderman a formulé dès son arrivée. Le problème avec les femmes frêles, et surtout malignes, c’est qu’elles savent forcément que Laxus ne va pas lever la main dessus, par principe, surtout pour un truc aussi mineur. C’est d’autant plus vrai avec celle-ci et sa gueule d’ange, ses manières délicates. La présence du Draer a beau être écrasante à cet instant, cette fille sent que dalle. La vicelarde doit se douter qu’elle est trop adorable pour provoquer la rancune. Lui aussi pourrait la pourrir, si elle ne lui grillait pas ses élans belliqueux avec sa bouille, et la douceur qui se dégage d’elle. Non pas qu’il a l’air autre chose que blasé en ce moment. Son impassibilité ne trahit pas sa faiblesse mais... puisqu’il ne peut pas l’intimider, il est bien obligé de ruser et pianoter sur la corde sensible de la bonne samaritaine. « Il parait que je ne suis pas tendre quand je dors. J’ai failli étouffer quelqu’un grâce à ta bonne blague. » Une seconde, ce n’est pas totalement faux ça. Ce pauvre Fried… vous savez combien cette montagne de Lax pèse ? Et si ce dernier s’était retrouvé dans le lit d’Erza, elle l’aurait envoyé vers Solest en vol plané d’un kick bien placé, juste parce qu’il prenait toute la couette. Plus Laxus y pense, plus il réalise que cette petite plaisanterie bon enfant pourrait mal finir. « Alors on fait comment ? On attend que quelqu’un y passe et que je finisse en taule, ou tu trouves un remède à la mémoire de poisson rouge et tu règles mon cas ? » Va falloir déranger plus que son sommeil pour lui faire retenir le principe de courtoisie.

En effet, il passe aussi pour un brave con avec son mal. Il est vrai que le Draer ne fait plus trop gaffe à sa réputation depuis sa poussée de maturité, mais il y a quand même des limites. Et là elle va lentement mais sûrement commencer à en pâtir s’il continue ses conneries. Ce n’est pas parce qu’il ne les relève pas, qu’il n’entend pas tous les sous-entendus, toutes les piques à peine subtiles. Avec Laxus, le silence pèse parfois bien plus que les mots, alors plutôt que de répondre à son interrogation détournée sur la raison de sa venue, il la toise en silence. Ce n’est pas pour autant qu’il obtient gain de cause – même si Iris donne l’impression du contraire. Elle se lève. En exagérant, Laxus pourrait ne pas voir de différence à quand elle était assise, ça n’empêche qu’il est bien placé pour savoir à quel point une petite chose peut être féroce : son grand-père est un redoutable nabot.

Ils s’observent un léger moment. Le visage de la belle est aussi doux et cordial que celui de son vis-à-vis est hermétique. Ce n’est pas anodin, si elle prend le temps de soutenir son regard, il a l’impression qu’elle lui fait comprendre qu’elle ne cède pas à sa demande par intimidation. La soigneuse le contourne, tandis qu’il soulève la couverture du livre qu’elle lisait, afin de voir le titre. Il s’attendait à quelque chose comme : « Guide du manipulateur », « « Le Machiavélisme en dix étapes », ou alors à un manuel des poisons que l’on ne repère pas sur un cadavre à une autopsie. Autant dire qu’il est presque surpris, c’est juste de la médecine. « C'est idiot... Mais je n'arrive pas à me concentrer quand j'ai le ventre vide. » Le Draer relève lentement le regard vers la demoiselle, qui fait semblant de chercher parmi ses flacons. « Va cuire des pâtes. J’te donnerai pas un rond pour ce service. Considère ça comme un impôt sur la connerie » rétorque t-il un peu durement. C’est plus facile de l’envoyer chier quand elle s’intéresse à autre chose, mais beaucoup moins quand elle ramène son minois vers lui. « Je m'en voudrais de te donner quelque chose qui ne fera qu'empirer ton mal... Voire te rajouter autre chose. » Il n’est pas en position de négocier. C’est ça qu’elle lui fait gentiment comprendre. Iris s’approche de lui, les mains dans le dos – Laxus n’est pas calé sur les demoiselles, mais même lui est parfaitement au courant qu’elles se tiennent ainsi quand elles feignent l’innocence.

Niveau comédie, rien à dire, le rôle du médecin navré est joué à la perfection. Mais il sait qu’elle se fout de sa gueule, il le sait. Eut-elle été un homme qu’il l’aurait déjà encastré dans le mur d'oser le prendre pour un con. Cette nana est quand même une œuvre d’art. Elle l’empoisonne pour le fun, et là, elle lui fait du chantage, tout ça en étant dans une guilde légale réputée. Il n’en revient tellement pas que son regard sévère se teinte d’une discrète lueur d’incrédulité, qu’on retrouve même dans son ton. « Tu ne manque pas d’air toi. » Il est agacé contre lui-même, de ne pas réussir à être réellement agacé contre elle. Laxus ne peut pas la toucher, mais il pourrait retourner cet endroit feuille par feuille, étagère par étagère, sans même bouger. Cependant, il ne serait pas certain d’obtenir gain de cause au bout du compte, au contraire. Et en fait, il n’arrive même pas à avoir envie de malmener cette petite grippe-sou. Elle semble en avoir conscience et est bien prête à lui arracher le bras alors qu’il n’a même pas encore tendu le doigt.

Laxus détourne le regard vers la porte et s’y avance. « Les femmes… » souffle t-il, les dents serrées, sur le même ton qu’on lâche un « fais chier ! » Il frôle Iris mais ne la bouscule pas. On croirait que le thunderman bat en retraite, qu’il refuse la demande et se casse sans demander son reste, sauf qu’arrivé à l’encadrement, il se tourne vers elle pour lui jeter un regard peu amène. « Tu m’prends pour un foutu livreur ? Amène-toi » Puisqu’il n’est pas en mesure de se battre, Laxus est obligé de relativiser. Il a faim aussi, après tout. Mais qu’elle n’aille pas croire qu’elle peut l’emmener n’importe où. S’il voit qu’elle choisit une enseigne trop cher, il l’attrapera par la peau du cou et la forcera à changer d’avis en la faisant marcher ailleurs.

Le plus dur, c’est de repartir de la guilde avec cette défaite. Le grand Laxus Draer est en train de se faire mener par le bout du nez par une Lamia. Il s’intéresse à ce qu’il y a droit devant et ignore tout le monde car il sait que s’il croise un regard et qu’il y interprète de la moquerie (même s’il n’y en a pas du tout), ça peut partir en couille. Au moins, une marche de la honte n’aura jamais été faite avec autant de classe et de charisme.

Il n’a prévu aucun effet de surprise, cependant, il voit le changement chez elle. Ce minois teinté de déception s’éclaire quand il réclame sans douceur qu’elle ramène sa fraise. Elle a pensé qu’il se tirait, et c’est probablement ce qu’il aurait dû faire. Cependant, au fond, il ne peut s’empêcher d’être presque… satisfait, de lui avoir rendu le sourire. C’est d’ailleurs tellement con de sa part qu’il est obligé de rappeler son mental à l’ordre : cette petite peste lui a fait un coup bas, et là, elle fait de l’extorsion. « Je t'aurais bien proposé de faire à manger moi-même et de t'inviter, mais je crains que tu n'es peur que je t'empoisonne à nouveau. » Le thunderman lâche un « Hm ! » moqueur et lui jette un œil narquois. « Tu es suffisamment maligne pour ne pas vouloir que je sache où tu habites. » Laxus ne connaît pas du tout la subtilité dans la menace. De toute façon, sa face balafrée, à l’air entre nonchalance et sérieux, exprime en elle-même une menace constante, un espèce de rappel tel que : si je décide que tu prends chers, tu prends cher. Iris n’en perd pas son petit sourire et, Laxus songe que c’est mieux ainsi de toute façon. Il espère tout de même qu'elle ne se permet pas ces libertés avec tout le monde, on n'a pas tous la droiture du maître de la foudre.

« Alors dit moi, tu préfères quoi comme cuisine ? Attends ! Laisse moi deviner... Hum... Épicée ? Ou pimentée ? A moins que, tu ne préfères les choses plus douces ? Peut être un peu tout ça à la fois ? » Qu’elle le veuille ou non, l’esprit pas si innocent ou indolent du Draer ne se laisse pas duper par son minois insouciant, il capte un double-sens. Il ne le relève pas, mais ça reste dans un coin de sa tête. Laxus garde les yeux rivés vers elle, offrant un court silence. Il a bien remarqué qu’elle est capable d’être tout ça à la fois et « … Peu importe. » Il n’est pas difficile. La jeune femme s’intéresse à la ruelle de Lestallum alors qu’ils marchent vers la place principale. A sa demande, il la suit, sentant la pression sur son bras sans vraiment y prêter attention. Non pas que le Draer détienne un cuir de dragon, juste que quand il a affaire à des groupies, on s’accroche à lui comme à une bouée, or là on est dans la subtilité.

Le regard avisé du Chasseur repère de loin la carte accrochée sur la vitrine de l’enseigne, juste à côté de la porte. Bien avant Iris. « Je te propose d'aller là, leur hydromel est très bon, et ils proposent une cuisine épicée comme je les aime. J'aimerais te le faire découvrir. » Etant déjà passé devant, le thunderman connaît la brasserie de vue. Il y a une terrasse qui donne sur la corniche et sur la mer, qui se transforme en patio durant les temps de merde. Par contre, il n’y a effectivement jamais mis les pieds. « Hep. » Laxus saisit l’épaule d’Iris avant qu’elle n’atteigne la porte et la fait reculer. Se tenant derrière la belle, penché vers elle, il semble l’enlacer de son bras quand il saisit sa mâchoire délicate entre son pouce et son index. Sans brusquerie, il lui fait alors tourner la tête vers la carte qu’elle a fait mine d’ignorer, notamment les prix. Et une fois qu’il est certain qu’elle a bien imprimé, il lui tourne la tête dans l’autre sens, la levant vers lui afin de retrouver son regard, la tête inclinée, l’air peu amène.« J’ai vraiment la gueule d’un pigeon ? » C’est une erreur d’avoir retrouvé le regard d’Iris, et sa bouille adorable. Laxus aimerait pouvoir l’envoyer chier mieux que ça –il était censé l’attraper par la peau du cou à la base !- mais apparemment, ses couilles sont partis en vacances. Après un souffle agacé, il la lâche et se redresse. Les bras croisés, Laxus fait mine de s’intéresser à ce qu’il se passe à l’intérieur. « Tu peux y aller, mais soit tu ne prends qu’une entrée, soit tu t’endettes en service auprès de Fairy Tail. » Il lui laisse le soin de choisir, mais quelque chose lui dit que quoiqu’il fasse, y a une douille qui lui pend au nez.

Le voilà quelques temps plus tard, assis en face d’elle, le coude sur la table et la joue appuyée contre son poing, à la jauger un long moment d’un air sérieux. Son regard direct est d’ailleurs presque intrusif, et difficile à soutenir. Intérieurement, il essaie de comprendre les intentions de cette petite femme. Pour une rancunière, elle n’a pas l’air de lui en vouloir des masses. « Si tu voulais un rencard, il suffisait de demander » lâche t-il (assez au hasard) après son inspection. Il ne se rend même pas compte qu'il n'est pas tout à fait honnête. Laxus ne va pas aux rencards, il n’a pas trop le temps pour ces conneries. Cela fait un moment qu’il n’a pas eu une demoiselle en face de lui, ou à ses côtés, autre qu’Evergreen s’entend.

Iris ne le contredit pas, ne l’approuve pas non plus. Elle a compris sa stratégie de prêcher quelque chose au hasard pour tenter d’avoir la vérité en retour, alors elle garde le mystère. A son sourire, il interprète que son ignorance l’amuse. En tout cas, associer un rencard à quelque chose de nécessairement positif, c’est aller bien vite en besogne… « Tu n’en as pas eu beaucoup dans ta vie n’est-ce pas ? » lâche t-il d'un ton blasé. Lui non plus, mais assez quand même pour connaître l’envie viscérale de se tirer d’un tête-à-tête. Y a une période où il faisait ça sans le moindre scrupule. Il a, hélas, gagné en patience et en maturité depuis. Laxus n’est pas difficile, non. Mais il n’apprécie pas le temps gâcher en mauvaise compagnie. Cette fille ? Il ne saurait dire. Elle est agréable à regarder, elle l’intrigue et… il a un tantinet besoin d’elle.

Quand on vient prendre leur commande, Laxus ne bouge pas d’un iota et ne se donne même pas la peine de faire semblant de remarquer la personne, très aimable comme il est.... Sa joue est toujours appuyée contre son poing et son regard est toujours rivé vers Iris, qui est assez détendue pour se prendre un menu complet. Laxus ne dit rien, mais il ne pense pas moins. Elle le voit. « Oui, je sais à quoi tu penses... Mais je doute que tu apprécies si tes amis venaient à savoir, que je t'ai embusqué de cette manière. » Un mince sourire sournois se faufile sur les lèvres du Draer. « Là tu te goures. Tu n’imagines pas la facilité avec laquelle tes manigances peuvent te faire passer pour une  adoratrice désespérée et en manque d’attention si je le décide. Et quand bien même te croirait-on, tu penses que l’opinion de ma famille m’effraie ? » Il lâche un souffle amusé. Qu’elle se le dise, il allait garder la facture, et elle casquerait le surplus en nature pour Fairy Tail. Sa famille ne peut pas être utilisé en chantage contre lui, c’est même tout l’inverse. Si Natsu est envoyé chez elle, la Salamandre détruirait tout sur son passage sans faire exprès, cinglé comme il est, le Draer n’aurait même pas à se salir les mains.

Quand leur boisson est servie, Laxus n’y touche pas immédiatement. Le visage d’Iris a changé d’expression. Il voit bien quelle pense à autre chose que la prochaine entourloupe qu’elle va lui foutre. « Je te suis reconnaissante pour la bataille. Tu ne m'as pas tellement laissé l'occasion de te le dire... »  Il était tellement soulé à ce moment là, qu’elle gêne le passage, qu’il a oublié ce détail. Elle était partie se faire taillader par ce monstre du combat que le Chasseur visait. En écourtant leur combat, il lui a sauvé la mise. Mais là il y a un truc qu’il ne comprend pas : le degré d’inconscience d’Iris. Elle avait voulu affronter ce colosse qui faisait un carnage sur cent mètre à la ronde rien qu’en se contentant d’avancer, qui dégommait les soldats à coup de katana en donnait presque l’impression de se faire chier. Skyadrum, il a fait couler de l’encre sur lui après cette bataille. On le dit affilié à Blood Moon, quoique certains le soupçonnent d'être à Lux Requiem en bras droit de Weisslogia. Laxus se fout de la faction à laquelle il appartient, ce danger public doit crever.

Après un léger silence où une forme de "Pas de quoi" a semblé flotter dans l'air, le rustre se redresse enfin, et le poing qui le soutenait jusque là pointe un index accusateur vers le visage de la belle. « Va vraiment falloir corriger cette manie de chercher des problèmes à n’importe qui » sermonne t-il avec dureté. Oui, il s’inclut dans le n’importe qui. Si la brunette lui avait fait le même coup à une autre époque, Laxus aurait pu la détruire. Le blond a été un enfoiré, il n’y a pas si longtemps que ça en plus – du moins pour lui ! Sa main se repose sur la table, mais son poing ne s’est pas desserré. Bien qu’il la jauge toujours froidement, sa voix est nettement plus posé quand il reprend : « Tu n’avais aucune chance contre ce type. » En se demandant, avec colère, qu’est-ce qu’elle vient foutre là ? Laxus s’était sans doute posé la mauvaise question sur le moment. L’armée était présente, toutes les guildes aussi, elle était médecin. Pourquoi avait-elle pris les armes contre, typiquement, celui qui serait le plus susceptible de l’écraser le plus simplement ? Le Dragon Slayer comprend d’autant moins que cette femme, jusqu’à maintenant, n’a semblé motivée que par son petit intérêt personnel. L’image qu’il a d’elle est peut-être biaisée, mais ça n’enlève en rien les questions qu’il se pose : « Qu’est-ce qui t’a pris ? Pourquoi lui ? » Il a déjà quelques idées sur la réponse. À cause de la Fairy Sphere de Mavis, cela ne fait que quelques mois que Laxus foule les terre d'Edoras, mais il a quand même deviné que, malgré son appartenance à Lamia Scale, Iris n'est pas originaire d'Earthland. Elle est née, comme le mage noir, ici.

Il ne s’attendait pas à faire mouche avec une question aussi basique. Son regard suit le geste nerveux de ses mains un court moment, et se relève vers son visage au sourire plus fade, forcé. Sa gêne est palpable. Elle a l’air d’une enfant prise en faute. Il s’en veut presque. Son regard perd en sévérité, au profit de ce qui ressemble de près à une forme d’anxiété, et de remord. Face aux colosses, en bataille, même dans la galère, Laxus gère. Face à une femme triste, là y a plus personne, c’est la panique, il est désarmé. « Tu l'as dit toi-même au cours de ce jour, je ne suis qu'une idiote. Douterais-tu de ta conclusion ? » Mal à l’aise, il a presque envie de dire que, non elle n’est pas idiote, alors que, si, il faut l’être un minimum pour avoir attaqué l’autre gros morceau. Du moins, elle l’a été à ce moment là. Elle cherche ses mots, comme lorsqu’on ment et qu’on a peur, mais elle est honnête, il le voit. Elle tait simplement des choses, des tas, il le sent. Laxus respecte son silence. De base, il n’aime pas non plus se justifier et c’est, en quelque sorte, ce qu’il a exigé d’elle avec ses interrogations. Il ne se serait pas formalisé qu’elle l’envoie promener d’ailleurs. C’est ce qu’il fait quand il ne veut pas répondre. Contre toute attente, Laxus réalise au final qu’ils ne sont pas si différents. Il s’est douté qu’être à Lamia Scale implique d’avoir certaines valeurs mais, il s’est aussi dit qu’il faut de tout pour faire une guilde. Lui il a bien été à Fairy Tail tout en étant pendant des années un enfoiré, le vilain petit canard. Mais quand on lui retire à lui sa fierté mal placée, et à elle ses entourloupes, au final, on trouve deux êtres humains qui protègent ceux qu’ils aiment.

« Je suppose que toi aussi, tu serais prêt à faire ton possible pour protéger ta famille de toutes menaces. Que ce soit par ce mage, ou ceux qui y ont contribué. » Il soutient son regard rempli de non-dits, avec sérieux, mais sans dureté cette fois. « En tant que médecin de Lamia Scale, est-ce que mourir au combat est la meilleure façon pour toi de protéger les tiens ? » Il marque un silence, qu’elle imprègne d’elle-même la réponse à cette question qui est de toute façon rhétorique. « Penses-y la prochaine fois… tocarde » qu’il conclue pour la forme, parce qu’elle lui fout la pression avec ce sourire presque amer, et ce regard doux qui ne pétille plus. Il préfère encore qu’elle le persécute, et l’arnaque.

On leur apporte leur mets et, voyant qu’une soupe Miso et des brochettes, même accompagnés de riz, c’était pour des appétits d’oiseau, Laxus semble enfin se rappeler de l’existence des serveurs. Il lève le menton vers celle qui a déposé les plats et lui réclame du ramen, ainsi que des grillades supplémentaires, poissons et viandes sans distinction. Alors, il ne faut pas se méprendre, Laxus n’est pas gourmand. Mais 1m92 pour environ cent kilos, c’est les dimensions d’un frigo. Il faut nourrir et entretenir tout ça ! En attendant la suite, il boit quelques gorgées de sa boisson et déguste ce qu’il y a à disposition, sans se presser, si posément qu’on a du mal à croire qu’il est sur le point d’attaquer un buffet complet. Iris a un petit estomac mais elle est gourmande. Le Draer l’observe de tant à autres, manger a l’air de lui faire retrouver un peu de joie. C'est foutrement adorable, venant d'une pimbêche. « Est-ce que tu aimes ? » « Hmf » approuve t-il assez vaguement. Mais… « Payer une blinde pour avoir la dalle en repartant… » râle t-il dans sa barbe, avant de porter la fourchette à ses lèvres et d'y mettre presque un coup de dents en attrapant le bout de viande. Au moins, on lui apporte la suite avant qu’il ne termine son riz. Sa vaisselle est remplacée par un ramen et des grillades, posées entre eux car c’est normalement pour deux. Il laisse la fourchette et teste aux baguettes un morceau de poulet mariné, puis de fruit de mer. À son goût. « C’est pas mal, ça » dit-il simplement à la brunette. Ses baguettes déplacent un morceau de calamar sur la planche pour le mettre du côté d’Iris, en guise de : sers-toi pimbêche. Cette arnaqueuse ne le mérite pas, elle a eu un peu raison de lui. Le thunderman garde à l’esprit que ça se paiera en retour, par mauvaise foi. Mais inconsciemment, il la couve un peu parce qu’il veut qu’elle retrouve ce sourire vrai, et cette espièglerie qui agace et qui charme à la fois.

Laxus n’est pas très sucré pour sa part, en tout cas pas aujourd’hui. Il lui laisse la totalité des mochis tandis qu’il termine le deuxième verre qu’il s’est servi. « T’as pas intérêt de me dire que t’as besoin d’une sieste après manger. » Plus généralement, il est en train de lui dire qu’elle n’a pas intérêt de se trouver d’autres excuses pour retarder ses soins.

Madame se décharge de la faute de la facture à venir. Laxus s’abstient de faire remarquer qu’à la base, c’est pour elle que ça le dérange de casquer, vu qu’il y est contraint, et non pour lui-même. Le Draer a en réalité une situation plutôt aisée. Les missions rang S rapportent bien, il peut se permettre quelques luxes. Iris accepte son invitation à goûter les plats qu’il a commandé pour lui-même, mais reste dans la parcimonie. Le colosse fait tout le job. Cependant, la belle se rattrape bien au dessert, dont il lui laisse sa propre part. Alors qu’il sirote tranquillement sa boisson –après l’avoir prévenue qu’elle a quand même intérêt d’arrêter de tergiverser pour son remède- Iris pousse la provocation un peu plus loin avec cette histoire de cheveux verts et de langue bleu. En soi, il s’en foutrait un peu de cette blague. Ce qui l’emmerde, c’est cette manie de vouloir trop tirer sur la corde. D’ailleurs, Laxus relève aussitôt vers elle un tel regard de tueur, qu’elle a dû entendre un couteau siffler près de son oreille sur le coup.  « Ne t'inquiète pas, je vais faire le nécessaire. Mais il va me falloir deux ou trois petites choses avant. » Hm. Ça vaut mieux. Le thunderman termine sa boisson.

La facture est, sans surprise, violente. Le Draer y jette un bref coup d’œil blasé avant de sortir les biftons de la poche de son manteau. Il les pose sur le support laissé sur la table, à cet effet « Laxus... » Le thunderman relève les yeux vers elle. Habitué aux groupies pouvant surgir de nulle part, il ne remarque pas les deux qui se présentent. Il attend la suite, un brin curieux, mais la brune semble perturbée. Ce n’est que quand une des filles prend la parole que Laxus tourne la tête, se sentant enfin interpellé. On lui demande s’il a un peu de temps. Oui et non. En guise de réponse, le blond lève un peu le menton, indiquant qu’il invite l’inconnue à en dire un peu plus – elles sont debouts, il est accompagné, elles ne risquent pas de stagner longtemps… techniquement. De toute façon, il ne compte pas s’éterniser là ! Cependant, Iris rompt l’échange à peine entamé d’un rire. Cela jette un froid sur les deux filles. En tant que maître de foudre, le Chasseur est plutôt bien placé pour savoir quand il y a de l’électricité dans l’air et…il n’est pas particulièrement fan de ce type de tension là. Laxus a presque envie de fuir lâchement en disparaissant dans un éclair.

« Hum pardon. Je ne voulais vexer personne... Mais c'est vraiment avec ce genre de fille que tu me compares ? » Comme il n’a pas fait de comparaison, le balafré ne crame pas immédiatement qu’elle fait référence à ce qu’il a dit un peu plus tôt. Pour quelqu’un comme Laxus, qui se fiche complet du stardom, adoratrice est un grand mot : ces deux filles-là n’en sont pas à ses yeux –  il doit être un peu trop blasé. Et c’est avec deux longues secondes de retard qu’il comprend ce à quoi Iris pense. Il avait dit cela pour la provoquer, sans référence quelconque à un fan club (il oublie d'ailleurs constamment l'existence du sien). Ce décalage entre eux est normal. Il n’est pas très loquace, cela ne favorise pas la compréhension. Remarque, Iris est plus ouverte, et il n’a pas pour autant l’impression de la comprendre. Il ne sait même plus s’il est là par jeu ou par châtiment. En tout cas, soit il l’a vexée un peu plus tôt, soit il s’agit d’arrogance. Il y a une forme de dénigrement dans ce "genre". Pour leur part, les deux femmes l’interprètent, probablement à raison, en tant que tel. « Non. Toi tu es un modèle unique » dit-il et la dureté de ses traits indique que ce n’est pas forcément un compliment. Laxus se lève. Il feint l’exaspération, mais c’est plutôt une fuite lâche de ce qui pourrait finir en crêpage de chignon. « On y va » lui indique t-il, sans appel. Il jette un dernier coup d’oeil aux filles et les salue d’un signe de tête. Le thunderman ne leur doit rien, encore moins des excuses de la part de la pimbêche en chef.

Sortant de l’enseigne en premier, le Draer s’arrête sur le devant de la porte et tourne un regard sévère vers Iris. « Ton truc, c’est pas que le poison. Tu fais dans le venin aussi » Il pose deux doigts sur le front de la brunette et y refile une petite poussée désinvolte, comme à une enfant pas sage. « Je t’ai dit d’arrêter de chercher les problèmes aux autres. T’écoutes rien » qu’il râle. Le Dragon Slayer fait volte-face et se dirige vers le marché. Les manches de son manteau jeté sur ses épaules se balancent furieusement derrière lui, mais qu’Iris ne s’inquiète pas de ne pas pouvoir suivre… il est bien obligé de ralentir à un moment. Laxus ignore ce dont elle a besoin, mais il est bien curieux de savoir si elle va avoir le culot de lui réclamer les sous pour les ingrédients de son remède.

Laxus se laisse guider selon le bon vouloir de la brunette. Elle est appréciée par les habitants de Lestallum, comme tout Lamia qui se respecte certes, mais elle dispose tout de même de sa petite réputation bien à elle. Iris s’attarde particulièrement avec un commerçant qui semble bien la connaître, ou surtout bien l’apprécier. Bah ouais, le balafré se doute bien qu’elle destine ses empoisonnements à quelques petits privilégiés comme lui. Soit disant parce qu’il l’a traitée d’idiote alors qu’elle a reconnu d’elle-même en être une. Si ça se trouve, il l’a vraiment fait chier dans une autre vie, alors elle se venge sur celle-ci.

Il se demande si elle est moins radine avec ces gens parce qu’il s’agit de la santé d’une gosse. Ou si elle est juste tout simplement plus radine avec d’autres pour délit de sale gueule, comme lui-même par exemple. Bien qu’il semble impassible, et indifférent, en réalité, il tend l’oreille et distingue ce qui semble être un attachement pour la petite. Avec la magie, on peut faire toute sorte de miracle, et parfois même rapidement. Mais l’Arianne en question semble bien galérer d'après ce qu'elle en dit. « C’est si grave, ce qu’elle a chopé ? » Pour sa défense, il n’est pas du tout familier au métabolisme plus faible des édorasiens. C’est d’autant plus étranger quand on est Chasseur de Dragon et qu’on a le système immunitaire d’un morceau de métal. Pourtant lui aussi avait une santé fragile avant l’implantation de sa lacryma, quand il était môme, il a juste un peu occulté cette période de sa vie.

Ça jase sévère qu’on voit Laxus Draer accompagner une femme faire son shopping. Sa face risque de se retrouver bientôt sur le Weekly Sorcerer avec une accroche bien tape-à-l’œil et dramatique, vu que l’éditeur ne fait pas dans la demi-mesure. « J’ai deux bras bordel. Mets ça dans un sac. » proteste t-il quand elle veut encore plus l’encombrer. Craignant de voir une dispute d’amoureux éclater devant son étale, la marchande réagit immédiatement. Elle lui donne un sac et l’aide à y mettre tous les achats d’Iris, ce qui n’est pas une mince affaire vu que la donzelle l’a impitoyablement chargé comme un mulet – à se demander si elle ne lui fait pas payer de ne pas débourser un rond. Et d’ailleurs, elle veut faire un remède ou ouvrir une putain de pharmacie ?! Sentant qu’elle tire sur la corde, Iris  le rassure sur un dernier achat.

Ils sont accueillis par un type dont le comportement est si rustre que même Laxus tique c’est plus facile de remarquer ça chez les autres. Voyant la façon dont il envoie balader Iris –commerçant de mes couilles- le Draer fout ses sacs dans la même main, s’avance et appuie son poing désormais libre sur le comptoir. Il n’a pas frappé, n’use d’aucune violence, mais le bois craque son poids. « T'es certain que tu veux pas répondre, baltringue ? » L’homme se ratatine sur lui-même comme si c’est sur sa tête qu’on appuie. Il donne du bout des lèvres les emplacements où la fleur se trouve.  « Ne t'en fais pas, ce n'était pas pour toi. Rentrons, je vais te donner ce qu'il faut. Et tu vas pouvoir retourner à tes occupations. » Laxus se redresse. Son torse se soulève légèrement tandis qu’il prend une longue inspiration. Il s’abstient de tout commentaire mais le regard abrupt qu’il jette à Iris parle à sa place. Si ce n’est pas pour moi, alors qu’est-ce qu’on fout là ?! Après une brève secousse exaspérée de la tête, il la suit et ils reprennent la route vers sa guilde.

Le duo improbable rentre à Lamia Scale, où Laxus snobe volontairement tout le monde. Aucune remarque n’est faite, vu que les Lamias sont assez malins pour savoir que l’ouvrir devant lui peut valoir de se faire Picasso la gueule en moins de temps qu’il n’en faut. En rejoignant le lieu de travail d’Iris, le Draer s’assoit sagement sur le lit d’infirmerie. Penché, les coudes appuyés sur les genoux, il poireaute patiemment. Laxus ne dit rien au départ, son regard suit simplement la petite femme qui l’a mené par le bout du nez ces dernières heures. Tout en l’observant, il fait le bilan de sa journée et se dit que ce n’était, au final, pas si désagréable d’être coupé de son train de vie belliqueux. Le comportement de chat sauvage d’Iris, tantôt doux tantôt piquant, l’empêche de totalement la cerner. Au final, il ne connaît toujours pas les intentions de cette fille, et puisqu’elle ne veut pas les dire, le blond ne compte pas insister. L’important, c’est qu’elle considère son tableau clean, sans faire semblant, afin qu’il ne se retrouve pas avec une merde supplémentaire sur le dos, qui soit encore plus chiante qu’une langue bleue. Mais il n’est pas certain que ce soit le cas. « Tu as eu ce que tu voulais ? » La question peut sembler agressive, car directe, surtout avec la tronche austère du blond, mais ce n’est pas le cas. Le ton est sans animosité. Il est simplement curieux.

La petite femme lui fait face. « Et toi ? » Tiens, encore de la provoc’. Non, il n’a pas eu ce qu’il voulait, il est là pour un foutu remède qu’elle ne lui a toujours pas donné. Encore une fois, sa tronche de trois pieds de long parle à sa place, car il ne dit rien. Iris lui explique le contexte de sa petite plaisanterie. Il sait qu’elle l’avait soigné aussi, il y avait eu une nette amélioration de son état ensuite. Et qu’elle ne se fasse pas de bile, il n’est pas du tout rancunier pour ce genre de truc. Mais il y a bien une chose sur laquelle il tique.

« Tu sais pourquoi j’ai dit ce que j’ai dit, et dans quel contexte. Le type de tout à l’heure t’a envoyé balader sans même te regarder, t’as pas moufté. » Cela lui est un peu resté en travers de la gorge d’ailleurs. Elle a montré qu’elle a du caractère, pourquoi se laisser marcher dessus, par un type envers qui elle n’a même pas de dette ? Laxus pourrait croire qu’elle préfère toujours éviter le conflit, ou se venger en douce, mais quelque chose lui dit qu’elle était prête à laisser couler avec l’autre. C’est donc vraiment un délit de sale gueule à l’encontre du Draer ? N’empêche, il lui en veut moins de s’être vengé de lui, que de s’être laissé faire devant un gros naze. Car après tout, la plaisanterie est bon enfant et le reste tant qu’elle ne dure pas. Par contre, elle ne peut pas toujours compter sur les autres pour prendre sa défense devant les tocards.

Il tend la main vers la fiole et relève les yeux tandis qu’elle lui précise de vraiment bien suivre les instructions (avec un petit sourire en prime, indiquant qu’elle est à peu près sûre qu’il n’est pas foutu de faire ça à la lettre). Il ne comptait pas déroger. Le Draer se doute que si un traitement se prend d’une certaine façon, et pas une autre, c’est qu’il y a une raison. « Tu m’prends vraiment pour un con en fait » s’indigne le rustre d’un ton bourru tandis qu’il range le remède dans la poche de son long manteau. Il n’a pas fait tout ça pour foirer ses soins. La belle regrette à voix haute de ne pas avoir aussi mis dans cette solution des effets secondaires, et lui parle d’un second endroit. Le Draer souffle, faussement exaspéré, et esquisse un discret sourire.

« C’était bien un rencard. » s’amuse t-il. En réalité, il ne sait pas s’il faut croire qu’elle l’a vraiment empoisonné pour ça (elle éluderait de toute façon), mais en tout cas, elle a su tirer profit de la situation. Laxus n’a rien contre un deuxième rendez-vous. Cette sortie lui a changé les idées et cette femme l’attendrit malgré ses magouilles et malgré lui – et oui, alors qu’on ne dirait pas. Malheureusement, ce baroudeur est déjà bien peu souvent chez lui, de par ses responsabilités de S-Class… Ses quêtes durent plusieurs jours, et les sessions d’entrainement avec l’unité Raijin, ses amis, sont tout aussi longues. Il ne peut pas se permettre de faire des promesses. Il ne les tiendrait pas. Faire passer sa guilde avant le reste est une habitude, un devoir et une forme de fatalité. « Je ne sais pas quand je reviendrai à Lestallum. » De toute façon, il y a des chances qu’elle ait réellement fait une plaisanterie et n’en attende pas moins. Au final, il ne sait pas ce qu’elle voulait, ce qu’elle attendait de lui : qu’il se rachète, qu’il reconnaisse son erreur, qu’il s’excuse, passer du temps avec lui ou simplement se jouer de lui. A force de ne pas savoir à quoi s’en tenir, il ne peut même pas lui laisser son numéro au cas où elle a un souci (oui le thunderman a la galanterie poussiéreuse de se montrer protecteur envers une femme charmante qu’il a entretenu, même un peu), vu qu’il l’estime capable de revendre ça au Sorcerer. D’autant qu’il n’est même pas certain qu’elle lui a refilé un remède qui marche. Remarque, dans le fond, il est persuadé qu’elle a été réglo cette fois.

Laxus se lève et l’observe avec un fond de bienveillance dans le regard. « À un de ces jours Iris. » Et il ne se rend même pas compte que c’est première fois qu’il prononce son prénom.