A l’entrée du village de Talrith, un unique sentier s’étend vers les bois. Ce sentier les traverse en longueur jusqu’à mener vers une intersection. Au coin de cette intersection, des panneaux de bois ternis et griffés par les aléas du temps indiquent les directions à prendre pour les villes et villages de Solest centre, dont Falco. Près de ces panneaux repose un rocher bas. Sur ce rocher est assis un jeune homme tout de blanc vêtu, aux cheveux d’argent et à l’air serein. Il n’attend pas depuis longtemps. Son timing a été préparé à l’avance. Son regard se pose sur ce qui ressemble à un point mouvant au départ, un point qui se transforme en silhouette, un silhouette qui se transforme en femme à la longue chevelure brune, à la tenue orientale et au corps paré d’or. Un mince sourire aimable retrousse ses lèvres quand elle arrive à son niveau.

« Quel plaisir de te voir Kyoka ! » Pas besoin d’être trop futé ou d’avoir ses deux yeux pour comprendre que le plaisir n’est pas partagé ! La jeune femme a une dent contre lui qu’il n’explique pas. En fait, si, son intelligence l’explique très bien mais il fait semblant de rien. Kyoka n’aime pas la façon dont il exerce ses fonctions et de la fierté un peu trop démesurée qu’il y met. Il est vrai que Noé se considère important, car sa tâche l’est ! Mais de là à penser qu’il s’aime plus qu’il n’aime leur reine, c’est tout à fait inexacte et exagéré. Noé se sacrifierait pour leur reine. Kyoka est une fanatique pure cependant. Il suffit qu’elle soupçonne un tiers de ne pas suffisamment chérir Nyx et sa magnificence pour être sur sa liste rouge. Noé trouve cela injuste d’en faire partie, et il s’est fixé l’objectif de changer cela à la manière qu’il connaît le mieux : le charme. Il use de son pouvoir en toute discrétion avec Kyoka, au premier niveau. Soit ça ne marche pas car la jeune femme porte sur elle un artefact qui la protège des magies d’influence, soit ça marche, mais elle s’en cache extrêmement bien et sa hargne mentale atténue les effets pourtant puissant - Noé n’a pas volé son titre de cardinal ! Si c’est ce dernier cas, le lieutenant de la garde est beaucoup plus impressionnant qu’il ne l’aurait soupçonné…

« Je te vois bien préoccupée… à en déduire par ta trajectoire, tu vas t’occuper du village de Talrith ? » Il dit cela comme s’il le découvre à peine. Mais Noé est parfaitement au courant de sa mission. Il n’est pas là par hasard, contrairement à ce qu’il essaie de faire croire. « Je suis étonné que tu n’aies pas fait appel à moi pour ce cas ! » Il se lève, l’humeur légère. Il pose le pied de son bâton de prêcheur sur le sol et prend nonchalamment appui dessus. « Les habitants n’ont pas encore commis de péché de renier notre reine. Certes leur foi a faibli, mais rien n’est irrattrapable. Nous avons besoin d’alliés dans notre camp. Il suffi de leur rappeler combien notre reine est merveilleuse et mérite un amour sans faille. Il les vaut mieux vivants et prêts au combat contre Skyadrum, que morts, tu ne crois pas ? »

« Je vois que tu trouves toujours plus de temps à perdre ? » Le sourire de Noé s’accentue tandis que l’éclat de l’amusement s’allume dans ses yeux. Il ne se lasse pas du tranchant de cette fille. « Et toi tu es toujours aussi charmante ! » commente t-il avec bonne humeur en se plaçant à côté de la brune pour marcher avec elle. Ce n’est en rien ironique, bien que l’aura de mystère planant autour du cardinal inviterait à se poser sérieusement la question. Ses intentions ne sont pas claires pour ceux qui ne sont pas Nyx. Elles ne le seront jamais. « Parce que c’est le seul endroit digne d’intérêt dans la région ? » « Tu exagères, le vin est meilleur à Falco » badine Noé. « Peut-être que j’ai juste envie de me baigner un peu plus loin… Auquel cas tu es bien le dernier à qui je ferais appel. » Bien qu’il ne soit pas dupe, le prophète feint l’affect. « Fais attention Nour, parfois tu es... blessante » rétorque t-il nonchalamment. C’est évidemment faux, il n'est pas blessé. Mais si c’était vrai, Kyoka s’en ficherait de toute façon.

La discussion ne tarde pas à mettre en avant leur vision diamétralement opposées. « Nous n’avons pas besoin d’eux. Tu l’as dit, leur foi a faibli, et elle faiblira à nouveau, dès que nous partirons. Nous n’avons pas le temps de rappeler Sa grandeur à chaque village tous les mois, et je ne laisserai pas des traitres en devenir sur nos terres ! Ils n’ont pas la foi, ne l’ont jamais eue, si elle disparait si vite ! » Kyoka s’est vite démasquée quant à ce qu'elle compte vraiment faire à Talrith. Évidemment qu’elle ne va pas se baigner. Et évidemment qu’il le savait. Noé lui épargne tout sarcasme à ce sujet. Il reconnaît bien dans son attitude farouche la signature de la garde personnelle de Nyx. « Tu mélanges tout Kyoka. Le manque d’implication au culte de notre déesse n’a rien à voir avec une absence totale de foi, et encore moins avec de la traîtrise. C’est tout au plus de la négligence… une faute grave, je le conçois, mais contrairement à Hérésie, j’ai tendance à rappeler que notre reine est reconnue pour sa miséricorde. » Il tend son bâton et barre la passage à la brune avec, espérant capter à nouveau le regard de la jeune femme. Son spark a toujours plus de puissance avec du contact visuel. Pourtant, quand Kyoka se montre aimable, Noé ne sait jamais si c’est parce qu’elle l’a décidé ou parce que le sort fait effet. « L’arrogance et la force de la Garde ont permis d’étendre le territoire, c'est vrai » lui concède Noé. « Mais ce n’est pas ce qui nous fera vaincre Skyadrum. Sa majesté est gênée par l’espace qu’il prend. Tu lui en laisserais davantage ? » Il lui coule un sourire enjôleur. « Mes méthodes fonctionnent, tu sais. Si seulement tu leur laissais une chance… » Il détient le rôle sacré de cardinal, c'est qu'il doit être doté de bon sens, après tout ! Mais de par son statut de lieutenant de la garde, Kyoka fait partie des rares à pouvoir ne pas lui rendre les hommages qu'il mérite sans en subir les conséquences. Son tempérament l'amuse bien trop pour lui en tenir rigueur de toute façon. Viendra le jour où elle reconnaîtra sa valeur. Tout vient à point à qui sait attendre, or Noé est patient.

« Grâce à nous. Si je ne m’en occupais pas pour elle, elle n’hésiterait pas – elle saurait être impitoyable. » Bien qu’elle éloigne le bâton d’un revers de bras, Noé a obtenu ce qu’il voulait. Sa pleine attention, et son regard. « Là je désapprouve à nouveau. Se montrer impitoyable n’est pas le propre d’une déesse, mais celui … des petites créatures que sont les hommes. » Sous-entendre la condition d’inférieure de Kyoka, dont il ne considère pas faire partie, avec ce petit sourire malicieux et charmeur, rattrape toutes les piques qu’elle a pu lui balancer jusque là. Et avec sa magie qu’il déploie pour faire passer la pilule l’air de rien, c’est un comble. La brunette doit désormais se rappeler pourquoi elle n’est pas sa plus grande fan. Derrière ses faux airs modestes, Noé est aussi arrogant qu’un membre de la Garde, si ce n’est plus. « Tu leur expliquerais leurs erreurs, enverrais une charrette de pains, et… Quoi ? Tu penses que ça suffira à les garder pour toujours ? » « C’est ainsi que tu vois le rôle d’un cardinal ? » Noé pouffe de rire de bon cœur. Il se demande où elle est allée chercher ce train de vie grotesque, mais ça lui prouve au moins que si elle n’a pas meilleure idée sous le coude, c’est parce qu’elle est incapable d’en fournir. C’est pour cette raison qu’elle joue son rôle, et qu’il joue le sien. Si Noé était remplaçable, il n’aurait pas son titre.

Le Cardinal se penche légèrement vers elle, un rictus énigmatique aux lèvres. Il a les yeux d’or, comme la reine, de ceux qui savent mieux que quiconque lever l’adoration, plongés dans les yeux de Kyoka, écarlates comme Malik, de ceux qui savent mieux que quiconque verser le sang. « Tu sembles oublier, Nour, que s’il existe un mage capable de convertir une ville entière, après la reine en personne… c’est moi. » Il ne reprocherait pas à un membre de la garde de l’ignorer. Imbu de leur proximité à leur déesse, ils sont les seuls à encore croire qu’un titre de Cardinal se gagne dans une kermesse. Ils ignorent le nombre d’habitant que Noé a fait ployer devant Nyx, aidant à ses conquêtes par des méthodes pacifiques en apparences. Ils ne voient que leurs propres prouesses pour protéger la reine et lui permettre d’accomplir son devoir de régente. Noé se redresse, éloignant son visage de son alliée, un sourire innocent aux lèvres. « Cependant… je n’ai pas été mandaté pour Talrith. La reine te fait confiance pour décider du sort de ses habitants et faire le bon choix. Alors moi aussi. » « Je ne compte pas laisser ce village à Skyadrum, ni même vide. Il y a un tas de gens bien qui seraient ravis et honorés de s’y installer et de nous aider tout de suite et inconditionnellement. Nous n’avons pas le temps pour la patience alors que chaque villageois incertain menace de grossir les rangs de nos ennemis. » Têtue, comme son commandant. On voit bien qu'ils ont élevé les moutons ensemble. Noé reprend la marche avec elle. « Qu'il en soit ainsi. Permets-moi au moins de t’accompagner. Je ne connais aucun guerrier qui égale ton élégance en matière de massacre. » Les premières maisons du village se dessinent devant eux et le visage de Noé s’éclaire de ravissement. Il est impatient de voir comment le lieutenant va en découdre avec tout ça. « Maintenant que j’y pense… Je me demande qui a eu l’idée de t’envoyer ici. Est-ce toi qui t’es proposée ? Abattre une population non préparée à l’assaut, constituée d’une majorité de gens sans défense, c’est ton petit plaisir quotidien ? » demande t-il d'un ton léger.

« Seulement celle-ci ? » Oui, seulement l’élégance, à son humble avis. « Tu conviendras que pour le reste, Malik ramasse tous les lauriers. » Mais si elle trouve à redire, et de quoi critiquer son commandant, Noé serait ravi de l’entendre. Il préfère être celui qu’on loue. Et malgré tout l’amour qu’il récolte grâce à ce pouvoir qui fait toute sa popularité, dans le royaume, Noé n’en a jamais vraiment assez. « Je ne peux pas t’empêcher de me suivre, de toute façon. Tant que tu ne me gênes pas. Qu’est-ce qui t’intéresse tant dans ce village ? » « C’est peut-être toi qui m’intéresse » élude le Cardinal. Il reste près d’elle, en retrait, à aviser les lieux depuis leur colline. « Si tu es si puissant, pourquoi as-tu tant de mal à convaincre une simple personne de t’apprécier ? Ou aimes-tu juste trop le mépris pour oser essayer ? » Noé incline la tête sur le côté, l’air faussement intrigué. Oui, il est aisé de mépriser son orgueil et bons nombres de facettes de sa personnalité, on peut même le désapprouver, mais si l’on pose les yeux sur lui, si on lui a parlé, il n’existe pas d’autre choix que de l’aimer. Noé n’entendra jamais le contraire. « Ah ? Tu connais sincèrement quelqu’un qui ne m’apprécie pas ? » demande t-il avec un air parfaitement innocent. L’accent sur la sincérité sous-entend que toute réponse positive trahirait un défaut de celle-ci, selon lui.

Dès qu’elle avance, il fait de même. Kyoka ne passe pas par quatre chemins. Elle n’en a pas besoin. Après tout, Talrith est censé appartenir au royaume de la nuit, les habitants connaissent le lieutenant de la reine. Peu alertée par la détermination de son regard, une première personne s’avance vers elle pour la saluer. C’est le premier cadavre du carnage. Noé ne voit pas le corps tomber. Il part vers la zone qui l’intéresse, bien plus reculée. Ce village n’est pas composé que de personnes insignifiantes, comme il l’a sous-entendu plus tôt. Trois mages y vivent. La situation est excellente pour encenser la foi de ceux qui peuvent réellement servir la cause de Nyx. Les deux premiers sont facilement repérables : ils veulent engager le combat contre Kyoka, qui nettoie pour le moment l’entrée du village et empêche quiconque de sortir. Si seulement le Cardinal pouvait admirer ses prouesses acrobatiques ! Hélas, le temps est au devoir.

Noé lève la paume quand ils arrivent devant lui, prêt à le dépasser, et mobilise un niveau supérieur de son pouvoir. Les hommes se figent, les yeux écarquillés. « Vous n'auriez aucune chance… mais n’ayez crainte, elle n’en a pas après vous, earthlandais. Les talrisiens étaient prêts à vous vendre au Royaume de la Lune. » Noé se met en marche. On le suit mécaniquement. « Mais… ça fait des années que nous vivons ici… » Malgré un fait évident, celui qui s’exprime manque clairement de conviction. Seul l’état de choc le fait parler. Noé joue avec leur esprit par son pouvoir. Il a l’air fiable, il a l’air d’un sauveur. Il a forcément raison. Les esprits faibles sont plus malléables que les moutons. « Le traître est un genre de vermine qui se retournerait contre son propre frère » répond le Cardinal d’une voix douce. Et il ajoute :« Où est le troisième mage ? » Il se trouve qu’elle est l’épouse de l’un d’eux. Ils s’enfoncent davantage dans le village et rejoignent une maisonette. C’est un abri très temporaire, la magie de Kyoka la détruirait. C’est peut-être ce qu’elle a déjà commencé à faire avec les demeures les plus proches d’elle. Le mari explique rapidement la situation à sa femme, tandis que Noé découvre avec surprise la présence de deux enfants. De la progéniture prête à servir à Nyx, il n’en demandait pas tant ! La peur se lit sur les visages. La réputation de Kyoka la précède. Noé les rassure. « Kyoka est venue en personne vous protéger. Elle est le lieutenant de la Garde de notre Reine. Vous faites confiance à notre Reine ? » Et son spark semble dire à sa place : vous me faites confiance ? La réponse unanime est hypnotique et adoratrice. « Oui. » Ils sortent par l'arrière et s'éloignent encore, pour contourner le village.

Des membres de la Caste de Noé les attendent à la périphérie, ils ont tué ceux qui ont tenté de s'échapper par le Nord. Ils escortent ces mages en les protégeant d’un sort d’illusion. Les enfants sont éblouis par les anges protecteurs, qui feront le reste du travail d'embrigadement, et par la guerrière venue les sauver dans le feu et le sang. Noé s’arrête. « Je vous laisse là... Gloire à Nyx » dit-il en guise d’adieu, le sourire serein, l'aura resplendissante. « Gloire à Nyx. » lui répond-on. Quand Noé retrouve le village, il n’en reste plus rien. Ce ne fut que l’affaire de quelques minutes. « Tu ne déçois jamais, Nour » la félicite-t-il chaleureusement en approchant, quoiqu’une lueur de malice scintille dans son regard d’or. Il marque une brève pause. « ... Ces gens sont des fidèles de notre reine. » Il désigne du menton la colline à l'autre bout, opposée à eux. Les membres de la Caste encadrent cinq civils et disparaissent progressivement. « Heureusement que je suis là, tu les aurais éliminé sans réfléchir, n’est-ce pas ? Je ne peux pas t’en vouloir. Après tout, tu ne connais que la destruction. » déplore Noé avec un soupir navré. Il propose alors, cordialement : « Et si on vérifiait qu’il n’y ait plus âme qui vive ici ? »

« Je ne savais pas que tu as une si mauvaise idée de moi. » Vraiment ? Il ne lui connaît pas d'autre comportement. « C’est tout ce que tu me montres de toi, quelle autre idée pourrais-je avoir ? » se défend-il avec un haussement d'épaules innocent. Kyoka lui désigne le groupe de mineurs qu’elle a épargné, un détail qui ne le surprend nullement. Il connaît les antécédents de la Garde, leur enfance, et surtout leurs principes. Elle aussi, elle fut cet enfant au village détruit. « Quand tu auras le temps, tu passeras les voir ? Tu sauras mieux que moi s’ils ont une chance. Ça te fera une occasion de détruire aussi, puisque moi j’en fais trop… » « Hérésie se charge de la destruction, pas moi. » Bien qu’il le pourrait. Ce n’est simplement pas son rôle. « … Tu ne me donnes pas une tâche facile. Je sais corrompre l’esprit mais la force vindicative se lave difficilement, plus difficilement que la force de l’amour, car l’amour se réoriente. Je leur consacrerai le temps qu’il faut s’ils en valent la peine, mais j’ai quelques doutes. On ne peut pas toujours tirer quelque chose d’un édorasien… » Suite à la proposition de Noé, ils arpentent les ruines ensemble. Parfois, le cardinal rentre dans une maison défoncée et ressort par un trou dans le mur.

« Aucun d’eux n’a prié, tu sais. Ils n’ont même pas pensé à Nyx dans leurs derniers instants. » Vu la destruction qu'elle a opéré, à distance pour la plupart, c'était difficile à savoir. Et puis... « Tu ne lis pas dans les pensées, alors qu’en sais-tu ? » déclare Noé. Il joue sur l’incertitude car il peut se le permettre, bien qu’il ait conscience que le nombre de personne ayant eu Nyx dans leur esprit à leurs derniers instants est de l’ordre de 0,1%. Nour a besoin de se faire contredire. Elle a toujours la parole certaine et arrogante, mais la foi n’est pas une science exacte. « De plus, il faut reconnaître la difficulté à supplier pour sa vie et prier dans un même temps. Tu ne peux pas exiger à de faibles civils le même dévouement que nous autres. C’est pourquoi nous sommes élus, non eux. » Toutefois, il semble que Kyoka n'est pas au courant qu'un fidèle se doit de prioriser sa survie, plutôt que la prière, tout simplement car sa vie est plus utile à Nyx que sa mort, et qu'il peut rattraper ses prières plus tard. Le cardinal esquisse un mince sourire moqueur. « Et pour finir, je trouve qu’il est plutôt compliqué pour de tels individus de garder la foi en la reine… quand son bras droit extermine leur famille. » Le fait que lui-même ait sauvé une famille entière facilite la tâche d’embrigadement. S'il n'avait sauvé que la mère, ou un fils, ce serait une histoire différente. « Sois raisonnable avec les simples gens, Kyoka. Ce n’est pas à toi de juger qui possède la foi et qui ne la possède pas. » Et si elle voulait intégrer sa caste pour changer cela, elle ne passerait pas les tests les plus basiques. En revanche, Hérésie l’accueillerait directement sur CV. Ils s’arrêtent au milieu d’un salon de baraque dont le toit a sauté. Son bâton tapote sur une trappe close, indiquant une cave intacte. Il n’est pas en mesure de dire si des civils s’y trouvent et ne compte pas vérifier. Si Kyoka veut se faire plaisir, il la laisse s'en charger.

Bientôt, il semble qu’aucune âme n’a été laissée derrière eux. La vallée respire le silence de la mort. « Puisque notre mission est achevée, nos routes vont pouvoir se séparer. Tu m’en vois attristé. » En fait, elle ne doit rien voir du tout, car l’homme n’affiche que son éternelle expression sereine, au sourire doux. Même s'il est tenté, il ne revient pas sur ses propos précédents blessants, selon lesquels elle ne l’apprécie pas : Noé refuse d’y croire. Ce qu’il espère, c’est qu’elle se repentira un jour de ce mensonge. Comment ne pas l’apprécier lui, cette personne dévouée corps et âme à leur reine ?

« Je sais bien. C’était juste au cas où. » Elle semble presque déçue avec cette bouille. N’étant pas tout à fait rustre, le cardinal la rassure sur sa décision. « Tu as eu raison. La caste Courage évaluera leur potentiel. S’ils m’en font la demande, je me chargerai de leur foi sans rechigner, en prenant le temps qu’il faut », dit-il pour l’aider à visualiser la suite des événements. Et oui, c’est bien beau de donner de l’effort pour enrôler des gens, mais pour certains, quand la tache ne s’avère pas si simple, il faut bien qu’ils en vaillent la peine et puissent réellement servir à Nyx ! Kyoka ne démord pas de son mépris pour ces civils et demande son avis… qui ne change pas.

« Je pense que si tu n’avais pas utilisé ta magie et que tu étais rentrée dans chaque maison pour un face à face, alors ton jugement serait peut-être un peu plus pertinent à mes yeux. Quand bien même y aurait-il une once ou l’entière vérité dans tes paroles, non, ça ne me gêne pas. Je me soucis des vivants, pas des morts. » Il lui rappelle toutefois que c’est bien lui le meilleur juge de ce qu’est la foi, ou ne l’est pas. « Très bien. Je me contenterai de les trouver incroyablement mauvais en survie. » Noé rit. Comme elle peut être divertissante ! Malheureusement, leur petite escapade touche à sa fin. « Ma mission, tu veux dire ? » « Nos missions respectives » nuance-t-il avec un mince sourire énigmatique. Eh oui, Noé ne s’est pas invité à cette mission sur un coup de tête ou pour faire du charme à la belle. Il avait son propre objectif. « Où vas-tu aller, maintenant ? » « Je ne suis pas encore parti… et je te manque déjà ? » rétorque t-il avec amusement. Sa main se lève vers ses mèches brunes, et il en replace innocemment une derrière son oreille. « Je dois poursuivre ma route vers le nord et prendre la mer. J’ai un autre village à visiter, sur le territoire de la Lune. Tu peux m’accompagner si tu le souhaites, mais je crains que tu puisses t’ennuyer… car cette fois, ce sera ma méthode. Alors ? » Il réduit au mieux son pouvoir de charme afin de lui laisser son libre-arbitre. Si elle a autre chose à faire, sa magie ne doit pas interférer avec les obligations d’un membre de la Garde.