Conquête du Nord - Deuxième partie & Shinsegi menait la marche. L’âme avait l’air d’un poisson dans l’eau en ce continent chargé de mystères. Lesquels avait-il déjà percé et, lesquels ignorait-il encore, Malik se le demandait.

« Ne vous inquiétez pas pour elle majesté, rien n’est trop ardu quand on joint l’utile à l’agréable » se permit de lancer Shin avec un grand sourire.

En plus de s’exprimer sans qu’on ne lui en donne la permission, le malappris s’approchait de la monture de Nyx. Malik l’intercepta par le bras et le tira vers l’avant. Il se demanda, seulement après, ce que l’âme entendait par là. Le commandant observa Liz à la dérobée, essayant de voir ce que son visage avait de différent, ou ses yeux. Il ne vit rien. La ville antique lui plaisait également, Nyx avait toujours eu un goût certain pour le raffinement.

« Les questions et les réponses sont partout, je me sens de trop. » se plaignit Shin.

Malik sentit un vent de fatigue le couvrir. Cela le perturba bien plus que la dégringolade de température, qu’il avait déjà subi en bourrasque dans les monts Novara. Et il n’était pas aussi chaudement vêtu qu’à présent. Ils entrèrent dans la première bâtisse. Shin partit naturellement explorer avec Liz, tandis que le blond resta près de sa reine. Il voulait lui demander si tout allait bien mais, ne l’osa pas.

« Il ne se trouve aucun monstre dans l’édifice. Les quelques âmes locales semblent avoir paisiblement succombé du froid dans leur sommeil, mais je soupçonne qu’il y ait autre chose…J’ignore quoi.
— Pas tous. Les mieux couverts ont crevé la dalle, lui répondit l’instinctif. Les calamités descendues du ciel ont amorcé le grand remplacement par une malédiction. »

Fortement accoutumé à ne pas le comprendre, Malik ne montra guère d’agacement. On percevait néanmoins, dans son silence, l’ombre d’un soupir retenu. Shinsegi croisa son regard. Il présenta ses paumes en signe de défense et se hâta d’ajouter :

« Hé, je ne parle pas de nous ! »

Un éclat de compréhension traversa le regard du commandant. Il aurait dû y songer bien avant : ils avaient croisé tant de morts jusqu’à maintenant, il avait bien fallu quelqu’un pour les tuer. Une malédiction ne s’inventait pas d’elle-même. Shinsegi l’avait mis sur la voie en défendant qu'il ne parlait pas de Soul Reaper. Mais il parlait bien d'une conquête.

« Ceux qui détiennent le contrôle ne sont pas originaires de ces terres. Ils ont massacré les populations pour la revendiquer » traduisit Malik.

Les questions et les réponses sont partout, avait dit Shin. Les reapers se trouvait dans la ville la plus lettrée et la plus aboutie de ce continent après la capitale. L’histoire était nécessairement inscrite sur parchemin, peut-être même avait-on eu le temps d’en graver des bribes sur les murs, hormis durant la faiblesse des derniers instants. Malik se mit en quête de ces écrits. Il pressa Shin de le suivre. Ce dernier, qui s’était à nouveau approché de la reine avec des yeux de merlan fris qu’on lui aurait volontiers arraché, suivit son pas bon gré mal gré. Shin avait raison. L'accès à la connaissance leur était facilité. Ce village fut victime d’un grand désarroi qu’une fresque murale traduisait à la perfection. La flamme éternelle du temple d’Ifrit, dressé sur la colline, s’était éteinte. Dès lors, les fléaux s’étaient abattus sur les terres. Après cette lecture, Malik revint au rapport.

« Ma reine, je pense que le nerf de la malédiction se trouve au temple principal. »

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Dans la bibliothèque, Liz s’attela à la tâche ingrate de récupérer l’ouvrage du mort. Elle leur fit la lecture des passages qu’elle pouvait. À sa conclusion, Malik étouffa un bâillement dans sa main. Nulle provocation. La fatigue venait réellement de le saisir à nouveau.

« Certains passages sont écrits en langue ancienne, et d’autres avec notre dialecte actuel…
— La plupart des mémoires ont pour objectif d’être lus, répondit Malik. Parmi ces langues figurent certainement celle que parlaient les voyageurs dont il est question. Ils voulaient le retour de cet Alexandre, après tout. »

D’après les gravures et les écrits, les malheurs du village étaient survenus à l’extinction de la flamme d’Ifrit, dite éternelle. Si les hommes avaient voulu la rallumer, c’est qu’ils disposaient des moyens pour le faire. Mais d’après le journal du défunt, le vrai problème était l’accès au temple principal, bloqué par un maléfice qui empêchait les ascensions sur la colline où il était perché.

Assis en tailleur sur la rambarde de l’étage supérieur, qui dominait le hall principal, Shinsegi était déjà plongé dans une lecture qui ne servait très probablement pas leur cause. Malik s’intéressa plutôt à Lucius.

« Trouve un moyen de déjouer le maléfice qui nous empêche d’atteindre le temple d’Ifrit, on s’occupe de la flamme éternelle. Ah… et il nous faut également une solution à ce maléfice de sommeil. »

Lucius avait posé une question similaire précédemment, à laquelle Shin, l'âme intuitive qui les suivait comme une ombre, n'avait pas répondu. Il ne répondait qu'à Malik. L'estime de celui-ci envers Lucius n’était plus au beau fixe avec les derniers événements qui l’accablaient, alors il préférait bien que cette chose se débrouille pour obtenir ces réponses.

« Si mon âme ivrogne est plus utile que toi, tu aurais mieux fait de rester mort. »

Fier, il passa sous le nez du pantin en le dardant d’un regard méprisant puis s'inclina devant sa reine.

« Je reviens dans un instant. »

Le commandant suivit les pas de Lizbeth. Elle attira son attention vers une statue d’Ifrit.

« Mh. Bien vu, Lizbeth. »

Il grimpa sur la patte du monstre figé. Sa main se posa sur un des rubis et s’en échappa vivement lorsqu’il eut l’impression de se brûler. Le changement de température avait été soudain. La pierre était source d’une chaleur supportable, capable de résister au froid mordant à intérieur de l’édifice. Malik détacha les pierres au couteau, les jeta dans la coupole fixée devant Ifrit, arracha celle-ci, et la tendit à Seifer qui se matérialisa à côté de lui.

« Prends Shin avec toi et amassez toutes ces pierres. »

Elles permettaient de conserver la chaleur. Son âme feu follet allumerait une flamme qui pourrait être maintenue par ces gemmes, du moins le supposait-il. Cela signifiait qu’il fallait tester cette théorie. Son regard s’orienta vers l’endroit où il s’était séparé de Lucius. La fatigue qu'on y lisait se trouva mêlée au dédain.

« Il en est où, Pinocchio ? »

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Des âmes, demanda l'esprit du temple. Des âmes, et non de la chair fraiche. Le premier geste du commandant, à la requête, fut de se tourner vers sa reine. Aussi imposant fut-il, ce n’était pas cette chose qui fixait les règles. Quant au froid mortel du Nord, il y avait abus des termes. D’après leur expédition, la température n’était devenue insupportable que dans cette ville. Si leur santé était mise en péril, il n’aurait qu’à repartir, pour mieux revenir. Après l’accord de Nyx, Lizbeth se chargea de ramener des monstres venus de l’extérieur.

La proposition de l'esprit laissait le commandant sceptique. S'il avait si faim que cela, il aurait tenté de les dévorer, sans faire de manière. À moins qu'il ne fût pas à la hauteur des vivants, c'est pourquoi il avait besoin d'eux pour mâcher le travail. Après avoir amené les bêtes à leurs pieds, Liz les exécuta. À ce moment, des parties du visage de Malik, plus blême que jamais, avaient bleui. Le sort de Lucius faiblissait.

« Je vais en chercher d’autres ? »
« Ça ira. Merci Lizbeth. »

Il craignait que l'esprit ne juge pas ces âmes suffisamment nobles. Son griffon appartenait à une classe supérieure. Par ailleurs, cela faisait un léger moment qu'il caressait l'idée de le remplacer par un dragonneau. Les reapers avaient de toute façon amené avec eux d'autres transports pour leur précieuse reine. Celle-ci aussi devait ressentir le froid. Les grandes causes impliquaient de grands sacrifices selon Malik. Il céda à l'esprit son animal de compagnie et, également...

« Leila » invoqua t-il.

L'archère émérite n'était pas choisie pour quelconque défaut de combat, au contraire, elle était à pied d'égalité avec le bretteur Seifer. Néanmoins, le commandant éprouvait moins d'attachement envers Leila. Il l'offrit aussi.

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