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Nahim & Alicya

Sickness

La frustration d’avoir quitté le continent du nord avant la fin des investigations donnait à Alycia l’énergie de s’occuper de milliers de sujets qui permettaient d’occuper son esprit afin qu’il n’aille pas s’égarer dans un flot de pensée qui aurait raison d’elle. Elle n’avait pas envie de s’inquiéter pour Ethan pour qui il semblait amusant de jouer avec sa sécurité et sa vie dernièrement, elle n’avait pas envie de s’inquiéter pour Cal qui semblait avoir des préoccupations dont il ne voulait pas parler. Ni même de s’inquiéter pour qui que ce soit en réalité. Elle avait besoin d’action, de tout ce qui pouvait lui occuper l’esprit car sinon, elle allait finir par devenir folle. Elle avait déjà bien assez de sujets de préoccupations pour qu’on vienne en rajouter à la pelle. Sur ce sujet, Nahim se suffisait à lui-même et malgré leur dernière rencontre, elle avait encore du mal à laisser tout ça derrière elle. Il est difficile de tourner la page d’un pan aussi important de sa vie. Mais elle y arriverait, elle en était persuadée. Le tout était de ne pas se laisser distraire. De garder ses objectifs en vue. Elle n’allait plus s’inquiéter pour lui, elle allait tourner la page. Comme il le voulait, elle allait l’oublier, l’abandonner. Il était trop tard de toute façon, elle avait été bête de penser qu’il pourrait revenir à la raison. Ils avaient évolué tous les deux, chacun de leur côté, et avaient pris des chemins différents. C’est comme ça que la vie fonctionne.

« Tu t’amuses ? » La question venait d’Iris, pour qui elle faisait des recherches dans des bouquins depuis des semaines. Le sourire malicieux qu’elle abordait en coin montrait qu’elle était clairement en train de se foutre d’elle. Et y’avait de quoi. Des jours qu’elle restait là à lire des bouquins sans avancer sur ce qu’elle recherchait, elle qui détestait rester en place…Elle avait fini par gribouiller des notes sur ce qu’elle lisait avec un vieux stylo magique qui avait envahit la pièce de bulles de savon. « Non, je me fais chier. T’es sûre qu’elle existe au moins, la maladie que tu cherches ?! » Râle la rouquine en s’étirant comme un félin. Ses yeux commencent à briller d’intérêt quand elle remarque le sourire victorieux de son amie. Elle aussi étudiait les livres depuis des jours, et elle avait trouvé une piste. La lèpre du Tomberry semblait trouver racine dans une ancienne citée de Galad aujourd’hui en ruine. « On l’appelle comme ça parce que les Tomberry la refilent ? » Demanda-t-elle avec une moue curieuse. Mais Iris n’en savait pas plus, si ce n’était que les symptômes de cette maladie l’intriguaient. Elle était simplement persuadée qu’avec plus d’éléments sur cette maladie ancienne (dont on ne trouvait à priori plus de traces aujourd’hui) elle pourrait en apprendre plus sur des maladies actuelles et trouver de nouveaux traitements.

Partir en expédition là-bas pour Iris fut un soulagement en réalité. Elle avait besoin de bouger, s’occuper l’esprit avec des recherches et des bouquins, cela fonctionnait un temps mais ce n’était définitivement pas pour elle. Elle s’en alla avec l’entrain d’une gamine qui sort jouer avec des amis. Ce fut plus pour la forme que pour le fond qu’elle se mit à râler une fois ou deux lorsqu’elle atteignit la zone indiquée par Iris sans trouver quelconque ruine ou quoi que ce soit qui s’en approche. Ce fut un peu par dépit qu’elle s’était élancée dans une grotte qui s’enfonçait profondément dans le sol, faute de mieux. Mais le temps finit par donner raison à cette initiative improvisée. C’est sous terre qu’elle commença à trouver des vestiges anciens lui laissant penser qu’elle se trouvait sur la bonne voie. « Pas trop tôt… » Finit-elle par murmurer pour elle-même, moue enfantine sur les lèvres. Elle laissa retomber un objet qu’elle avait pris en main et s’enfonça encore plus en profondeur avec la certitude qu’elle finirait par y trouver des choses intéressantes si elle continuait à avancer.

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C'est la page blanche. Il est assis là, renversant sa tête en arrière, cherchant une solution dans ce monde à l'envers. Il est fatigué. Tellement fatigué. Il a cherché des jours et des jours des ébauches d'idées, avant de les balayer violemment de la main. Tout est mauvais, ce n'est pas intéressant, c'est même inintéressant. Puéril, pathétique, mauvais. Il se masse les yeux d'une main avant que celle-ci ne retombe mollement, pendant misérablement. Il a perdu la notion du temps, ayant l'impression d'être bloqué dans une seule et unique journée qui ne finit jamais. Il papillonne des yeux, il voudrait se réveiller de ce rêve dont il ne sort pas. Il se demande même s'il est bien réveillé ou non. Il est complètement perdu. Il s'est perdu dans ses recherches, cherchant une corde de sortie à ses tourments, espérant y entrapercevoir une lueur rassurante. S'il ne peut pas se racheter une conscience. S'il ne peut plus rêver, alors autant devenir pire. Bien pire, s'abandonner complètement aux ténèbres. Il est incomplet depuis si longtemps déjà. Il serait temps qu'il recolle enfin les morceaux pour qu'il puisse aller de l'avant. Qu'il puisse voir autre chose. Qu'il ne soit plus perdu qu'il ne l'est actuellement. Il est si fragile, plus qu'un nourrisson, il serait tellement simple de le briser maintenant.

Nahim déglutit difficilement, pas aidé dans la position actuelle. Il espère que le noir pourra le rendre plus complet, plus fort, moins fragile. Alors, quitte à jeter au feu ce qui a fait de lui un homme bon un jour, autant le faire jusqu'au bout. Il va créer le sort le plus infâme qui soit. Un qui sera tellement puissant qu'il mettra la Cité Royale à genou, permettant à Skyadrum de monter sur ce trône qu'il désire tant. Et Nahim sera là, contemplant son œuvre sur une muraille, admirant les charniers grossissant de jour en jour. Il ne lui reste plus que ça de toute façon, il n'a plus rien si ce n'est ce projet. Alors, pour éviter de broyer du noir encore et encore, il fait ce qu'il fait de mieux : il se plonge corps et âme dans les recherches. Il travaille, cherchant à perfectionner ce sort encore bien fragile. Sauf qu'il est arrivé dans une impasse, quoi qu'il tente, le sort échoue. Impossible d'en faire quelque chose de constructif. Il a fait des recherches pour essayer de le rendre plus puissant mais rien de probant ne sort. Il se redresse enfin, admirant son bureau qui est dans un état complètement chaotique avec toutes ces feuilles qui volent ici et là. Il est tellement contemplatif de son œuvre qu'il n'entend pas la petite fouine entrer dans sa chambre. Elle s'installe mine de rien dans son lit, comme si ça avait toujours été le sien. Ninel est sous forme d'enfant, elle arrache à Nahim un sourire. C'est le seul soleil de son existence. Il se lève de sa chaise dans un concert de craquement d'os, preuve qu'il n'a pas bougé depuis un moment et s'assoit à côté d'elle. Il ne sait pas trop à quoi elle joue, il caresse sa tête d'enfant. Pendant quelques secondes, elle emplit son cœur de joie. Il finit par murmurer son nom, elle le regarde et sourit. Alors maladroitement, il la prend dans ses bras, comme si elle n'était qu'un doudou.


"Je suis perdu ma Nini, je ne trouve rien."


"C'est parce que t'es mauvais."

Elle se défait de son étreinte et trottine vers une des nombreuses piles de livres qui ornent la chambre, sans se soucier du bruit que ça cause, elle en prend un en bas de la pile, faisant s'écrouler la tour dans un fracas sonore et de poussière. Elle revient vers lui et lui tend l'ouvrage :


"J'aime bien ce conte, il est marrant."

Nahim saisit le livre, pas vraiment convaincu et commence à survoler les pages, il n'a pas souvenir de l'avoir déjà lu, la petite l'a sûrement ramené pour le lire avant de squatter son lit pour la nuit.

"Une histoire sur les Tomberry ? Original."

Il finit par lire l'histoire, et se rend compte que ce n'est pas un livre de contes, mais bien une légende. Une lèpre qui aurait causé la mort d'une civilisation autrefois. Il dévore le bouquin sous le regard amusé de la gamine. Au point où il en est, suivre une légende n'est peut-être pas si mauvais. Aussi il ne met pas longtemps à planifier une expédition en solitaire. Il atteint rapidement les lieux, humant l'air frais comme le meilleur des remèdes, il a failli devenir asthmatique avec toute cette poussière. Il n'y a malheureusement rien à la surface, c'est en s'enfonçant dans une grotte qu'il trouve les traces d'une ancienne civilisation. Il observe les lieux avant qu'un bruit ne le fasse tiquer, des pas. Il se met à couvert et observe l'intrus qui vient le perturber.

Il lève un sourcil, déjà blasé de la situation, de toutes les personnes sur qui il aurait pu tomber aujourd'hui, il tombe sur elle. Il a beau être à plus de cent mètres d'elle, il reconnaîtrait cette tignasse rousse sans le moindre mal. Elle doit partir, il a besoin de ce lieu pour faire ses recherches, elle le dérange. Alors, plus par frustration que par intelligence, il utilise une flèche pour se faire effondre le plafond sur elle. Ça ne sert probablement à rien, mais ça fait du bien. Il continue la salve de tirer, créant un écran de fumée autour d'elle pour qu'elle soit aveuglée. Tout un morceau de la cave s'effondre, bouchant sûrement l'issue d'où elle est arrivée. Pas très intelligent il l'accorde, mais au moins qu'est-ce que ça soulage ! Il se planque en attendant qu'elle aille dans une autre direction, attendant le bon angle pour la viser. Autant faire une pierre deux coups.

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Nahim & Alicya

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Plus elle passe de temps dans cette grotte, plus elle se demande s’il s’agit véritablement des vestiges d’une ancienne civilisation. Ça ne ressemble pas à une citée qui se serait effondrée, ça ressemble à un lieu qui aurait été construit ici même, gravé dans la roche. Elle traverse des galeries qui semblent être des chemins passant d’une cavité à une autre, cavités dans lesquelles sont creusés grossièrement des habitations bien trop petites pour des êtres humains de cette époque…Elle n’est pas la plus grande fan d’histoire du monde mais elle a une curiosité naturelle qui lui fait se demander ce qui s’est passé ici, à quoi sert véritablement cet endroit. Mais pour l’heure elle n’a pas trouvé grand choses : très peu d’objets qui traînent ici et là et aucun ouvrage qui ne relaterait l’histoire de l’endroit. La plus grande de ses découvertes est une vieille photo qui trainait par terre. La différence d’âge et la ressemblance lui fait supposer que sur le cliché posent un père et sa fille. Humains, taille classique. Des gens trop grands pour les petites habitations à taille de nain de l’endroit. Par réflexe, elle la glisse dans sa poche alors qu’elle se dit pourtant que ça ne lui servira à rien. Elle continue sa visite des lieux sans s’imaginer un instant qu’elle n’est pas la seule à n’avoir suffisamment rien à faire pour se balader dans le coin.

Elle ne voit pas le tireur de la flèche qui fait s’effondrer la galerie, elle n’en a tristement pas besoin pour deviner son identité. Leur dernier échange était pourtant très clair. Alors, est-ce qu’il ne peut pas lui foutre la paix, maintenant ? Elle lâche un râle dont le bruit est couvert par celui de l’éboulement. Lorsqu’elle se jette sur le côté, c’est à la fois pour éviter de se prendre des chutes de pierre sur la figure et pour se mettre à couvert. Toute les autres flèches n’atteignent que de la roche qui lève un écran de fumée qui partage Alycia dans ce qu’elle devrait faire. Elle pourrait profiter du couvert pour s’éclipser et poursuivre sa mission pour Iris…Ou alors elle pourrait rester et se débarrasser de l'ennemi avant qu’il ne revienne lui tirer dans le dos. Il en est capable, elle n’en doute pas. « Ce que tu m’emmerdes ! » Marmonne-t-elle entre ses dents serrées d’agacement. Il aurait été plus sage de ne pas chercher à croiser son chemin, de partir dans la direction opposée. Il aurait pu profiter qu’elle ne l’ait pas vu. Ça lui aurait permis de pouvoir s’éclipser sans l’avoir sur le dos. Elle ne peut pas passer son chemin. Elle ne peut plus. La poussière retombe dans un silence morbide. Elle a pu définir à peu près sa position avec les tirs. A peu près. Puisqu’il a engagé les hostilités, elle ne va pas se gêner pour y répondre avec autant de hargne.

Elle se redresse pour se déplacer rapidement d’un point de couvert à un autre, tout en lui envoyant une salve de flèches de glace un peu partout dans la direction dans laquelle venaient les flèches ennemies. La glace a l’avantage d’engourdir, d’immobiliser. L’objectif d’Aly n’est pas de prendre sa vie ici. En revanche, elle ne peut pas non plus le laisser continuer ainsi. Elle veut l’arrêter, c’est ce qui lui semble être le plus juste à faire. Traversée terminée elle se remet à couvert pour éviter la contre-attaque, supposant que si aucune contre-attaque n’intervient c’est qu’elle a fait mouche, ce dont elle doute alors qu’elle ne connaît pas encore son emplacement exact. « Il aurait pu juste me foutre la paix ! » Râle-t-elle à voix basse, profondément agacée par son comportement, par sa présence, par tout. Mais sa présence n’est pas la plus grosse de ses emmerdes, sur le moment, elle le réalise lorsqu’elle aperçoit un Tomberry lui faire face, à quelques mètres de là. Immobile, il la regarde. « Manquait plus que ça, tient. » Elle sait combien ces créatures peuvent être vives et dangereuses. Comme elle est à couvert, la menace Tomberry passe avant la menace Nahim, qui l’a d’ailleurs peut-être en ligne de vue de là où il est. Mieux vaut s’en débarrasser avant qu’il ne s’attaque à elle. Elle change d’arc pour des flèches classiques et le tient en ligne de mire, décidée à ne pas tirer s’il fait demi-tour, mais uniquement s’il commence à s’approcher d’elle. Dans sa position, s’il pouvait juste se casser, ça l’arrangerait bien. Elle a bien assez d’une menace à la fois.

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Il tire plus que de raison. Il encoche les flèches une à une à un rythme effréné. Il est presque hystérique. Il s'écorche presque la peau à force de bander l'arc. La corne de sa peau se fait plus ténue. Il sent le sang couleur le long de ses doigts et fait un joli "Ploc !" sur le sol. Il reprend sa respiration alors que le calme revient. Un silence trop calme. Nahim sait qu'elle ne peut pas mourir par la simple chute de caillou. Elle est plus solide que ça, elle est comme la grippe, elle ne meurt jamais, elle revient toujours plus forte. Elle lui envoie une volée de flèches là où il se trouvait une seconde plus tôt. C'est un jeu de piste, ils doivent deviner la trajectoire de chacun car ils sont en perpétuels mouvement. Nahim essaie de réfléchir à l'endroit où elle a pu se cacher quand un bruit le fait tiquer. Il tourne la tête et tombe sur un Tomberry à quelques mètres de lui.

"Et merde !"

Il sait à quel point ces monstres sont dangereux. En plus d'être des tanks vivants, ils sont rapides. Un seul mouvement de la part du monstre vert et Nahim se retrouve avec les organes hors de son corps. Il se jette sur le côté avant de se faire poignarder  et décoche une flèche qui arrive dans l'oeil de la bête qui hurle. Le brun continue sa course tout en canardant  son ennemi. Plus il avance, plus il se rend compte qu'il y en a pas un, mais beaucoup. Il se réfugie en haut d'un pilier à moitié écroulé. C'est limite il a une pancarte avec une cible dessiné dessus. Mais l'archer peut avoir une vue d'ensemble. Il y a une bonne dizaine, trentaine de Tomberry qui sont là, tous avec leur petite lanterne et leur petit surin si dangereux. Nahim lâche une injure. Il adorait pouvoir s'occuper de sa rousse mal aimée, mais devant l'armée verte qui se trouve devant lui l'empêche de pouvoir continuer son jeu de sniper. Les petits monstres affluent de tous les côtés. Il ne fait aucun doute qu'Aly doit rencontrer le même problème ici bas. Pour l'instant, il n'y a que lui qui compte. Il commence à tirer dans tous les sens, jurant encore et encore face à la résistance de ces foutus monstres. Pourquoi fallait-il qu'il y ait des monstres ? Pourquoi fallait-il qu'elle soit là ? Pourquoi rien ne va dans sa putain de vie ? Il finit par lâcher plusieurs sorts pour ralentir ces saloperies. Il finit par se déplacer pour ne pas se faire rattraper, il doit absolument faire des fouilles ici, il n'a pas le temps pour ça.

Il finit par en abattre un nouveau, il s'enfonce dans ce qui semble être une ancienne rue. Il finit par en trouver un autre, l'abattant sous une montagne de jurons. Quand le monstre s'effondre, cela permet au brun de voir autre chose : une chevelure rousse. Des yeux d'un bleu parfait. Couverte de poussière, la perfection à son paroxysme.

"Toujours là au mauvais endroit."

Et il décoche une nouvelle flèche, non pas pour la planter entre ses deux yeux magnifiques, mais bien pour désarmer le Tomberry derrière elle. Ils sont là, tous les deux, à essayer de se tuer l'un l'autre alors qu'une armée de monstres est en train de les poursuivre, bien décidée à venger leurs camarades tombées sous leurs flèches respectives ?

"On les bute et on s'occupe l'un de l'autre ? Dans la joie et le meurtre évidemment."

Et il monte sur un des toits pour ne pas être au corps à corps avec eux. Ce sont des archers tous les deux. Face à ces génies du corps à corps, Nahim le sait. Pas besoin d'aider son compagnon de fortune, elle n'a besoin de personne pour monter le long d'un mur. Il lui tourne le dos, lui faisant encore assez confiance pour espérer qu'elle ne lui tire pas dans le dos. Et là commence la mission pour exterminer les Tomberrys de la cité perdue.

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Nahim & Alicya

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Pas de mouvements brusques. Elle se trouve comme devant un prédateur, sauf qu’il est vert, haut comme trois pommes, mais pas moins dangereux pour autant. Ce que l’on apprend de la chasse, finalement, c’est que garder son calme et ne pas réagir au quart de tour peut être bien plus libérateur que de frapper en premier. Elle est prête à tirer mais le Tomberry qui lui fait face la regarde sans s’en prendre à elle. Ce n’est pas une raison pour baisser sa garde. Ces créatures sont réputées pour cela : attaquer vivement et ôter la vie après été immobiles, ou quasi immobiles. Il n’en est rien pourtant. Après un long échange de regard avec lui, il tourne les talons et disparaît de la vue d’Aly, la laissant à la fois comme perdue et perplexe. « C’est quoi ce bordel ? » Murmure-t-elle pour elle-même. C’est en contradiction avec tout ce qu’elle sait sur ces monstres, qu’elle n’a pas croisé si souvent que cela. Une majorité de ce qu’elle sait d’eux vient des livres, et des connaissances populaires. Elle se redresse, tout en gardant son arc en main. Elle imagine ne pas être la seule à avoir fait une mauvaise rencontre, car la pluie de flèches a cessé. A son encontre du moins. Elle se désintéresse des bruits de bataille dans son dos pour s’avancer dans la direction ou la créature a disparu.

Elle fait deux mètres à peine pour se retrouver devant le couloir dans lequel le Tomberry s’est engouffré. Et elle recule aussitôt en voyant que le passage n’est pas sûr, elle en compte cinq d’un premier coup d’œil qui ne dure que quelques secondes. C’est une sacrée poisse que de se dire que pour une fois qu’elle est envoyée en mission de recherche de documentation, il faut qu’elle se retrouve au milieu d’un champ de bataille aussi dangereux qu’étrange. A croire qu’elle ne peut pas échapper à sa nature, même lorsqu’elle essaye. Elle soupire, et s’engouffre dans un autre chemin, privilégiant les voies sûres et évitant les affrontements un maximum lorsqu’elle le peut. Plutôt que de tenter d’abattre les Tomberry sur sa route, elle préfère revenir à la solution des flèches de glace. Un Tomberry blessé est presque plus dangereux qu’un Tomberry en pleine santé. En revanche, un Tomberry piégé temporairement dans la glace ne peut plus la traquer.

Elle a beau s’enfoncer toujours plus loin dans les grottes, dans les anciennes rues de cette civilisation perdue, le nombre ne semble pas diminuer. Comme si elle se trouvait chez eux, en réalité. Elle tourne à un nouveau coin de rue. Face à elle, un des monstres qui lui tournait le dos s’écroule sans qu’elle n’ait décoché une flèche sur lui. Et elle croise un regard qu’elle préfèrerait ne plus croiser mais qu’elle semble pourtant continuer d’attirer comme un aimant. « Toujours là au mauvais endroit. » « Je te retourne le compliment. » répond la rousse sur le même ton. Elle n’arrive plus à le cerner. Elle ne veut plus chercher à le cerner. Leur dernière rencontre a au moins permis de mettre certaines choses au clair. Dont celle qu’ils feraient mieux de ne jamais plus croiser la route de l’autre. Et pourtant, voilà qu’il se trouve encore là face à elle. Elle sait qu’elle n’est pas irréprochable dans son comportement, mais est-ce qu’elle mérite pour autant une telle poisse ?

Elle ne bouge pas d’un pouce lorsqu’il semble tirer dans sa direction. Elle le connaît assez pour savoir lorsque c’est elle qui est visée et lorsqu’elle ne l’est pas. La flèche la frôle, mais c’est l’arme d’un Tomberry dans son dos qu’elle heurte, le désarmant par la même occasion. Aly enchaîne avec une flèche de glace pour l’immobiliser, l’empêcher de récupérer cette arme qu’il maîtrise si bien. « On les bute et on s'occupe l'un de l'autre ? Dans la joie et le meurtre évidemment. » Sans attendre de réponse de la rousse, il monte sur un toit, avec assez de confiance en elle pour lui tourner le dos. Il lui donne une putain d’occasion en or d’en finir ici et maintenant. A-t-il toujours été stupide à ce point ? D’un bond, elle le rejoint sur son perchoir. « Ne m’incite pas à te tirer dans le dos. C’est tentant, vraiment. » Mais elle a des objectifs différents, et une priorité qui est toute autre. « Arrête de dépenser tes flèches et ton énergie dans le vent. » De là où ils sont, les créatures aux toutes petites jambes ne peuvent pas les atteindre. Elle croise les bras et les observe s’agiter en bas. « Tu sais que plus tu les descends et plus tu nourris leur rancune collective ? » Théorie lue dans un livre qui semble se vérifier aujourd’hui. Elle s’est contentée de les immobiliser, mais pas lui. Et elle les a trouvés de plus en plus nombreux et de plus en plus menaçant au fil de sa progression.

« Tu veux qu’ils nous butent en fait ? Ton objectif c’est qu’on crève ici tous les deux ? » Qu’elle ajoute, d’un ton entre la taquinerie et l’agacement qu’elle ne saurait pas positionner elle-même. Elle observe les créatures vertes agitées. Elle n’a pas méga envie de rester coincée ici, et elle n’a aucune idée du temps qu’ils peuvent mettre à s’apaiser -peut-être que cela n’arrivera pas tant qu’ils n’auront pas pris de vies à leur tour. Elle soupire et passe une main dans sa tignasse. Ils sont dans la merde. Tellement dans la merde. « Oh. » Elle arrête son regard net lorsqu’elle voit, beaucoup plus loin, un Tomberry éloigné de la foule de ses semblables, qui reste là à la fixer. « C’est le même que tout à l’heure ? » Ce n'est pas une question posée à Nahim, c’est une interrogation qu’elle s’adresse à voix haute. « Il veut que je le suive ou quoi ? C’est quoi ce bordel, encore ? » Aly avait cette habitude d’être un aimant à problèmes. Elle s’engouffrait peut-être dans des emmerdes encore plus profondes que les précédentes, mais elle n’avait pas de meilleure solution pour l’instant. Elle fait un bond du toit où elle se trouve vers le suivant, s’apprête à continuer, mais s’arrête finalement quelques secondes en se tournant vers le criminel qui lui tient compagnie. « Si tu veux crever ici, honnêtement, ça m’arrange. Mais si tu veux venir, ça m’arrange aussi. Je pourrais te refiler en pâture aux monstres pour sauver ma peau. Essaye juste de pas buter tout ce qui bouge pour une fois, ça m’arrangerait. » Malgré toutes les années, elle a encore toute cette rancœur en elle pour Sunrise, finalement. Elle reprend sa route. Quoi qu’il décide, elle, elle va se lancer dans cette piste saugrenue de suivre le Tomberry qui a l’air de l’inviter à le faire.

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