Killing the Music

L’unité était constituée de sept soldats. Trois de la défense civile, Première Division, deux des forces spéciales, Secondes division, et deux du régiment des opérations, Troisième Division. Plusieurs raisons avaient mené ces personnes, dans un environnement militaire habituellement clivé, à agir ensemble. Premièrement, le soupçon d’une attaque terroriste visant la foule et enfin, les agissements d’un tueur ou plusieurs tueurs qui privilégiaient les festivals pour mettre en œuvre leurs noirs desseins. Face à tous ces éléments, et le fait que l’événement avait lieu à Solest, continent le moins surveillé au monde en excluant le nord, on avait conclu que plusieurs expertises étaient nécessaires à la protection des civils. Annuler le festival ? Jamais. Il était hors de question de déclarer forfait devant l’adversité, état d’esprit que partageait River. Quand l’héliport de l’armée survola la mer pour se rendre à destination, la pluie du sud atteignit l'appareil à torrent, le faisant chanceler. La mer s’agitait à un point qu’ils s’étaient tous mis à l’observer en se demandant s’ils allaient assister à un raz-de-marée. Quand l’héliport se posa enfin à Falco, la pluie avait baissé de volume et crachotait ses dernières eaux. Leur chaussures croassaient sur le sol à mesure qu’ils avançaient. En quelques mètres, la boue leur montait déjà jusqu’aux tibias, montrant que le mauvais temps avait duré bien plus qu’ils n’avaient cru. Les bottes et les pantalons imperméables de leur uniforme est ce qui gardait le sergent River dans un état émotionnel stable malgré sa folie maniaque envers la propreté. Sans vous mentir, il prenait également fortement sur lui. Quand ils arrivèrent, une foule était déjà formée et s’exclamait son soulagement : ils avaient eu peur que le mauvais temps ne fasse tout annuler.

Le caporal Clifford, du même régiment que Pierce, fut étonné de voir autant de monde alors que le concert ne démarrait que dans deux heures. La Première Division, plus habituée aux événements de civils, leur expliqua que les premiers fans devaient même être arrivés dès le matin et étaient capables de poireauter des heures durant dans l’espoir d’être dans le premier rang de la fosse. Clifford s’étonna à nouveau, mais cette fois-ci tout en sarcasme, qu’il existe autant de monde pour apprécier une telle musique de cinglé. Même s’il n’avait pas d’avis sur la question, ses goûts étant flexibles, River sembla aller dans son sens : « En tout cas, Dieu a choisi son camp. Il leur a pissé sur la gueule toute la journée. » Ou alors était-ce son avertissement qu’il faille partir car les lieux étaient dangereux. Après un regard échangé, les soldats se séparèrent afin de ne pas attirer l’attention sur eux. L’uniforme noir des forces spéciales (et la tronche blême et fatiguée de River donnant l’impression qu’il sortait d’un film de Tim Burton) fit qu’il se fondit aisément dans la masse. Le bout de ses épées, dépassant de sa cape, pouvaient attirer l’attention quand il passait proche de quelqu’un, mais sans plus. Il était devenu une forme de nécessité, pour tous, d’être armé. River repéra des lames lui aussi, sans que cela ne puisse incriminer les personnes qui les arborait, quoique la loi les obligeait à ne pas les laisser à la vue du monde. Le sergent n’alla pas les emmerder pour ce détail, ce n’était pas son taf et il avait vraiment autre chose à foutre. Difficile de repérer des suspects, avec tous ses visages grimés. Son regard s’arrêta sur une jeune fille à la chevelure blanche, qu’il reconnut comme une mage de guilde. Ceux-ci étaient bien connus des autorités pour l’aide qu’ils apportaient. Elle n’était jamais trop. « Sabertooth ? » s’assura t-il pour attirer son attention. Une fois que ce fut le cas, il écarta un pan de sa cape pour lui montrer le blason des forces spéciales, qui indiquait à lui seul que s’il était présent, c’est qu’une merde se préparait. « Je m’appelle River », se présenta t-il, bien qu’il commençait à se faire connaître à force d’être seul rescapé d’unité entièrement décimée. Réputation tristement originale. A mi-chemin parfait entre le grand guerrier et le poissard. Il relâcha le pan de cape. « T’es venue profiter du spectacle, ou c’est un ordre de mission qui t’amène ici ? »

Killing the Music

La question le déstabilisa. Non pas en raison de la manière dont elle fut posée, presque infantile, River ne se formalisait jamais des caractères excentriques. Il avait cette ouverture d'esprit là. C'était le contenu, et non la forme, qui l'avait fait tiquer. Si l'armée était au courant d'actes criminels, bien sûr qu'ils intervenaient et n'attendaient pas sagement que les guildes fassent le travail. « Tch. T'insinues qu'on est des branleurs », remarqua le sergent avec ennui. Vu leur image, ça valait le coup de se casser le cul à démonter Lux Requiem. Tant pis, il n'avait pas le temps de se formaliser des piques détournées d’une tigresse. « Est-ce que tu... » le cri d'enthousiasme de la jeune fille le coupa dans sa phrase, destinée à l’enquête : est-ce que tu as repéré des comportements suspects ? Si son expression demeura indolente, c’est bien l’état figé de sa face qui trahit son état de sidération. Elle était toujours comme ça, ou la mouche de la couillonnade venait tout juste de la piquer ? Pierce traça immédiatement un trait sur l’idée qu’elle puisse être d’une quelconque aide. Cette rencontre le laissa même suffisamment soucieux pour qu’il contacte le maître de Sabertooth, une vieille connaissance souvent croisée aux détours de mission. « Salut Sting. Rien à dire sur tes bons éléments. Mais où vas-tu chercher tes débutants, tu recrées la famille Addams ? Y a ta gamine Zazy au festival Black Stripes. Je crois qu'elle est seule, tu devrais envoyer quelqu'un la surveiller, j'ai autre chose à foutre. » Il coupa la connexion et rangea son PHS après quelques mots échangées. L'inspection se poursuivit.

River rajusta son oreillette en entendant un camarade parler. « Y a deux types qui ont l’air de faire du repérage. » C’était la voix de Jordan. Le sergent avisa les visages souriants et enthousiastes autour de lui. « T’es sûr qu’ils cherchent pas les chiottes ? » « Sûr, ou alors ils se promènent sans but. Les deux portent le maquillage squelettique qui nous a été reporté et ils font la même taille. » Deux tueurs, et non un. Cela expliqueraient le fait qu’on ait eu du mal à l’attraper. River réfléchit quant à la stratégie à aborder. Ce serait une erreur de se concentrer sur seulement deux suspects. Il suffisait d’un mauvais jugement pour que l’opération entière capote. « Garde un œil sur eux, que les autres poursuivent. Préviens-nous s’ils se séparent. » Après quelques minutes, River reprit contact avec l'équipe. « Attends, Jordan, prends Cliff avec toi. Mettez les deux mecs à l’écart et fouillez-les. L’arme des crimes est un couteau de chasse. » Il y avait peu de chance qu'un citoyen d'Edoras jette son dévolu sur ce type d'arme s'il voulait assurer sa protection. De plus, elle pourrait aussi servir de preuve. Peu importe les liquides utilisés pour nettoyer les lames, la sophistication de la magie du gouvernement était supérieure. Les analyses pourraient révéler le sang des précédentes victimes. River poursuivit son inspection de son côté en attendant les résultats. « ...Bingo sergent. » « Ok, la Première ils sont à vous. Les autres, on poursuit. Ils sont peut-être plus nombreux » Les grilles s’ouvrirent et le sergent assista à la ruée des fans sur le terrain qui servirait de fosse. Un meurtre avait vite fait d’arriver dans la cohue. Il se mit à courir aussi, à rythme normal et non d’attardé comme eux. Malgré ça, impossible d’analyser les comportements. Un tueur pouvait très bien se glisser dans la foule sans qu’il n’y voie que dalle. À ce constat pessimiste, River s’arrêta brutalement et fut percuté par un fan arrivant derrière, qui le maudit avant de reprendre sa course. Le sergent se fraya un passage sur le côté, grand oublié de la foule, où l’air était encore respirable. « Ils ont ouvert les portes. Les gens sont entassés les uns sur les autres. Je ne vois pas ce qu’on peut faire de plus à part attendre et guetter. » Il sortit d'ailleurs ses jumelles afin de s'y mettre.

Killing the Music

Alors qu'il observait la foule, un événement interpella son attention. Une jeune fille fut éjectée dans les airs. River la reconnut comme la petite Saber d'avant, qui n'allait pas tarder à s'éclater au sol la tête la première de ce qu'il avait l'impression de voir. River lança sa toile d'arachné vers le ciel. Celle-ci s'accrocha magiquement dans les airs, comme si un support invisible s'y trouvait. Pierce rembobina le fil d'un coup pour se projeter vers elle. Il la cueillit au vol sous un bras et usa du grappin pour se projeter encore plus loin, de l'autre côté, où la foule était moins dense. Il atterrit souplement et posa Zazy au sol. « Tu me facilites pas le taff toi. » « Sergent » River se tut. Un soldat de la première venait de repérer une attaque dans la foule. Le soldat écouta ses indications et usa de son grappin pour faciliter son intervention éclair. C'était trop tard, la victime était déjà à terre quand il fondit sur le premier individu, l'assommant du poing. Le deuxième malfrat opposa résistance à la lame. River saisit rapidement la main et retourna l'arme contre lui avec agilité, provoquant une blessure qui ne serait pas mortel. Une légère panique avait été provoqué, les personnes autour d'eux s'étaient poussées et se marchaient dessus pour s'écarter de la scène. Clifford se fraya un chemin parmi eux, sans se gêner de pousser les têtes en l'air qui ne s'écartaient pas. « C'est quoi ce truc ? » demanda t-il en arrivant au niveau du sergent. River baissa les yeux et constata que la victime n'avait pas du tout une consistance humaine, mais était comme cotonneuse. « Tch. C'est dégueulasse. » Ils embarquèrent les deux hommes, les laissant aux autorités adéquates avant de retourner au festival. Ils n'avaient pas entre leur main le pouvoir de l'annuler. Heureusement, il n'y eut pas d'autres agresseur que les quatre hommes déjà arrêtés. Ils attendirent que les lieux furent déserts pour rendre leur rapport.