Erreur et avidité

« Capitaine ! » Svetlana se trouvait dans la chambre d’hôpital d’un soldat blessé dont elle avait stabilisé l’état avant prise en charge médicale. Un seul regard fit comprendre au soldat que le calme devait régner dans cette pièce, il ne prononça donc pas un mot supplémentaire avant qu'ils quittent tous les deux la pièce. Elle refermait la porte lorsqu’il reprit sans réussir à cacher la panique dans sa voix. « Nous avons reçu un appel de la base. » Elle écouta le soldat lui donner tous les détails sans jamais l'interrompre. Des mineurs avaient creusé bien trop en profondeur dans les galeries qu’ils exploitaient et s’étaient retrouvés piégés à l’intérieur. Ils manquaient de détails sur les raisons qui les avaient poussés à commettre une telle imprudence pour le moment : l’éboulement avait coupé tout contact avec les disparus. La seule chose qu’ils savaient, c’était que l’air finirait à manquer s’ils n’agissaient pas rapidement. « Tu as contacté le lieutenant ? » Hochement de tête. « Il est déjà sur place. »

Svetlana commençait déjà à marcher en direction du hangar à Legions. Plus aucune obligation ne la retenait à la Cité, elle pouvait donc la quitter pour se rendre sur les lieux immédiatement. « Qu’il me contacte s’il a du nouveau. » Nouveau hochement de tête du soldat, tandis que Svetlana réfléchissait aux hommes disponibles sur place. Beaucoup d’entre eux avaient été affectés à des opérations de débusquage sur des lieux où se trouvaient probablement des laboratoires. Cela n’en laissait que peu de disponibles pour gérer cette crise. « Vois si les guildes de la Cité peuvent envoyer quelqu’un. Il y a des vies en jeu, ne prenons pas de risques. Il n’aura qu’à me retrouver directement sur place. » Le soldat lui fit un salut militaire avant de tourner les talons pour s’exécuter au moment où elle passait le seuil du hangar. D’un bond, elle monte sur le dos de son Legion et, quelques secondes plus tard, elle survole déjà la Cité en direction de la montagne. La présence du lieutenant sur place est un soulagement, elle sait ainsi que les choses sont correctement prises en main le temps qu’elle y arrive.

La bête se pose non loin de l’entrée de la mine. L’espace manquant pour elle un peu plus loin, Svetlana termine le trajet à pied et demande immédiatement un rapport de la situation lorsqu’elle arrive sur place. Et les nouvelles ne sont pas très encourageantes. Les mineurs présents à l’extérieur, ceux qui ont la chance de ne pas s’être fait enfermés par l’éboulement, ont mis l’armée en garde sur les risques de créer une ouverture pour descendre les récupérer : chaque choc apporte les risques d’un éboulement supplémentaire dans les entrailles de la mine. Comme si les chasseurs alpins n’étaient pas au courant. La capitaine croise les bras sur sa poitrine. Son sérieux lui donne un air sévère alors qu’il n’en est rien. « Dans ce cas, que proposez-vous ? » Elle attend que les quelques bafouillements passent pour avoir une réponse plus claire. Les mineurs peuvent leur ouvrir un passage en toute sécurité, mais cela leur prendra du temps, puisqu’ils doivent être précautionneux pour éviter de réitérer l’exploit de tout faire s’écrouler. Mais du temps, c’est précisément ce qu’ils n’ont pas. « Faites vite. » Et c’est bien un ordre, même si ces mineurs ne sont pas sous son commandement. Ses soldats, habitués à rencontrer ce genre de situations, auraient eu exactement le même raisonnement et la même approche. Si elle laisse faire les mineurs, c’est simplement parce que le peu d’effectif qu’il lui reste sur place peut ainsi être mieux réparti sur tout ce qu’il y a à faire, et sur tout ce qu’il faut mettre en place pour organiser l’extraction de ces hommes bloqués en toute sécurité. Elle affecte tous les soldats présents à différentes tâches : Une partie d’entre eux se retrouvent donc à prêter main forte aux mineurs, une autre se tient prête à intervenir dès que la voie sera ouverte, et une dernière est renvoyée à la base pour s’équiper de tout le matériel de prise en charge dont auront besoin les victimes en sortant d’ici (ravitaillement, matériel médical) ainsi que de tout le matériel dont eux auront besoin pour établir le campement. L’idéal serait de les extirper de ce merdier avant la fin de la journée, mais Svetlana n’est pas optimiste sur cette option.

Erreur et avidité

Le temps qui s’écoule ne joue pas en la faveur de ceux qui se sont retrouvés coincés au fin fond de ses mines. Toutes les personnes présentes s’activent, Svetlana y compris. Elle se joint à ses soldats pour aider les mineurs à se lancer dans les préparatifs pour ouvrir un passage jusqu’à ce que ses hommes reviennent avec tout le matériel qu’elle a demandé. Elle laisse alors aux mineurs le soin de reprendre leur travail pour aller aider à la mise en place des installations. La femme de terrain ne s’arrête que lorsqu’on lui souffle qu’un Legion s’est posé non loin d’ici. L’homme qui avait été assigné à faire passer une demande d’aide semble déjà sur le point de repartir à la Cité avec sa bête, tandis que la mage s’approche du capitaine. « Bonjour,  je suis Yukino Aguria de Sabertooth. Où en est-t-on de la situation? » « Les mineurs qui n’ont pas été bloqués nous offrent leur aide et leur expertise. Ils préparent en ce moment même le nécessaire pour nous faire une ouverture en toute sécurité. Lorsqu’elle le sera, seule une poignée d’entre nous s’y rendra, les galeries risquent d’être difficilement accessibles et praticables. » Pour elle, nul besoin de préciser que Yukino en ferait partie. Les mages de Sabertooth avaient toujours été d’une aide précieuse, elle ne doutait pas que ce jour n’y ferait pas exception. « Svetlana Aslanov. » Fini-t-elle par se présenter, réalisant qu’elle était entrée dans le vif du sujet sans même s’affranchir des règles de bienséance de base.

« Dites-moi, où manquez-vous davantage d'effectifs ? » Partout, aurait-elle presque pu répondre si elle en avait eu l’occasion. Mais son regard est happé par les mineurs qui lui font signe et la voilà obligée de s’éclipser quelques minutes. « Vous pourriez aider à tout mettre en place dans la tente de soin pendant que je m’occupe de ça ? » Elle désigna les mineurs en question avant de chercher un soldat du regard. « Liam ? » Le soldat sollicité s’approche des deux jeunes femmes et elle lui présente la blanche –qu’il connaît sans doute de réputation. « Yukino va aider à l’installation médicale en attendant que la brèche soit ouverte. » Ensuite, elle fera partie de l’équipe de sauvetage. Le soldat travaille avec Svet depuis assez longtemps pour savoir ce que l’on attend de lui. « On pourra y aller dès que le passage sera dégagé. » Explique-t-elle tout de même pour clarifier les choses avant de rejoindre les hommes qui veulent s’entretenir avec elle. Elle laisse Yukino aux bons soins de Liam, qui lui montre le camp dans sa globalité avant de la conduire vers la zone de prise en charge médicale.

« On est prêts. » « Alors, allez-y. » Les consignes de sécurité font que les personnes qui ne sont pas indispensables doivent s’éloigner de la zone dans laquelle ils vont faire sauter des explosifs pour ouvrir un passage. Par mesure de sécurité (pour eux), Svetlana ne s’éloigne pas et reste avec eux durant les opérations. Lorsque l’explosion résonne, la fumée de poussière les empêche un instant de voir si l’ouverture est praticable ou non. Il faut quelques minutes pour qu’elle retombe et pour que la capitaine s’approche pour évaluer l’accessibilité. L’ouverture n’est pas très grande. L’Aguria et elle pourraient passer mais…Peut-être pas les mineurs, encore moins s’ils sont blessés. « Vous allez devoir élargir le passage pendant qu’on sera à l’intérieur. » Car ils ne peuvent pas perdre encore plus de temps. Les protestations nées du caractère dangereux de cette solution sont laissées sans réponse, Svetlana leur a déjà tourné le dos pour revenir vers le campement. Elle récupère un sac contenant tout ce que ce genre d’expédition peut nécessiter, et en attrape un deuxième qu’elle tend à la tigresse lorsqu’elle la rejoint dans la zone dans laquelle elle l’a affectée. « Vous êtes prête ? Ne perdons pas davantage de temps. » Elles en manquent déjà. « Liam, Arthur, Gabriel. » Un signe de tête leur indique qu’ils feront également partie de la mission secours, la seconde suivante, ils ont déjà leurs sacs sur l’épaule. En bas, elles auront besoin de bras pour évacuer les hommes coincés qu’elle s’attend à retrouvés blessés. Une chose que l’on apprend vite lorsqu’on intègre l’armée, c’est que même si l’on passe son temps à espérer le meilleur des scénarios possible, il faut toujours être préparé au pire.