Depuis l’attaque de Lestallum, Crime Sorciere s’était quelque peu basé dans les montagnes, la poudreuse blanche éternelle couvrant leur pas et leur présence de tout regard. Elle s’y était rendue avec Meldy, elle avait subi avec eux les frasques des Guildes noires et malheureusement pour elle, elle n’avait été que spectatrice impuissante de la chute des Scaliens. La demoiselle n’avait pas manqué d’aider à l’évacuation, sa portée était bien trop maigre que pour contrer avec soin, un mage digne de ce nom alors que son amie avait été aux premières loges d’un combat qui avait pour but d’en finir, en vain.

Leur offensive se faisait plus virulente et Evelyne ne savait que trop bien ce dont ils étaient capables que pour les avoir côtoyés un temps durant. À présent, elle tentait de chasser ce triste évènement, son regard se fixant sur la couche s’amoncelant sans cesse au sol dans un accord parfait. Un tapis blanc, immaculé qui ne pouvait que poser sa raison sur ce qui était, et non ce qui aurait dû être. Chacun était partie dans une direction différente, cherchant non seulement à gagner du terrain, mais également à protéger leur campement de fortune. Ils devaient trouver ce qu’il se passait dans la région, s’ils ne voulaient pas que leur base soit découverte. Dans leur condition, rester au même endroit trop longtemps était prendre des risques inconsidérés et c’est, bien conscients de cette situation, qu’ils étaient à l’aube d’une nouvelle délocalisation …

La rose s’avançait, toujours plus loin, alerte, bravant le froid pour trouver n’importe quel élément pouvant leur être utile, en vain. Elle pensait faire demi-tour, prête à prendre une autre direction avant que le bruissement caractéristique de la neige ne batte la mesure dans ses oreilles, signe que bon nombre d’hommes s’activaient dans les environs. Instinctivement, la demoiselle s’engouffra dans la fissure séparant les monts au-dessus d’elle, collant son dos contre la paroi, afin non seulement d’éviter de se faire repérer, mais également pour savoir furtivement de quoi il en retournait. Une division … ses sens ne la trompaient pas et ce cliquetis qui lui parvenait en fond ne lui rappelait que trop bien celui de ses escapades au sein de l’armée. Elle continua sa marche, attentive, longeant toujours la roche dans le sommer ne lui disait rien qui vaille, d’autant plus lorsque le bruit s’arrêta, ne manquant pas de lui bloquer la respiration le temps d’un moment.

Evelyne se repris, expirant une bonne fois alors qu’elle se demandait la raison d’un tel arrêt, l’avaient-ils découvert, un détail avait-il capté leur attention ? Elle n’en savait que trop rien ce qui la mettait d’autant plus sur ses gardes même si la raison reprenait le dessus : elle était à plus de dix mètres en contre bas, et vue la topographie, il n’y avait aucun moyen qu’ils ne s’arrêtent pour elle en revanche … elle avait une idée qui ne tarda pas à se concrétiser. La sonnerie caractéristique d’un PHS résonna dans l’interstice, ne lui laissant désormais que peu de doute quant à la situation, l’un des leur avait chuté. Pourtant, cela ne rendait pas la situation plus simple pour autant cas elle était bien consciente qu’ils se dirigeraient vers l’entrée dans laquelle elle s’était précipitée, la plus proche. Faire demi-tour n’était plus une option pour des raisons évidentes ainsi, se résout-elle à avancer, épée dégainée.

Vu la chute, il n’était pas insensé de se dire que la personne devait être, au mieux, désorientée ce qui était une chance inespérée pour elle de se faufiler à l’autre bout et de disparaître sans laisser de trace. Le pas s’accéléra de lui-même jusqu’à ce qu’au loin, baigné de la lumière qu’offrait la brèche au sommet, elle n’observe cette silhouette se mouvoir avec difficulté. Lorsqu’il sentit sa présence, il se tourna vers elle, arme braquée dans sa direction, River. C’était certainement la pire personne possible qu’elle pouvait croiser ici. Instinctivement, la rose se mit en position de défense, son arme faisant barrière entre le vide et elle. Evelyne ne connaissait que trop bien le militaire que pour savoir que même blessé, il faisait des ravages autour de lui et qu’il n’était pas du genre à abandonner. Elle se pensait piégée malgré elle cependant, il ne semblait pas de cet avis, actuellement. « J’ai mieux à foutre que te mettre en état d’arrestation Evelyne. Mais il doit bien y avoir une raison de ne pas te descendre tout de suite. » Sa réaction fut sans appel, c’est la surprise qui se lit sur traits, ses yeux s’écarquillant quelques peu.

La pression qu’elle avait sur son arme diminue légèrement avant qu’elle ne prenne la parole. « Je te demande pardon ? » Dire qu’elle ne comprenait pas était peu dire cependant, il avait tout de même mentionné le fait de lui ôter la vie et ca, elle ne pouvait passer à côté ainsi, c’est un petit air hautain qui s’était invité dans sa réponse. River était homme de parole, s’il disait ne pas l’arrêter, il ne le ferait pas pourtant, ce n’était pas aussi simple. « Pourquoi tu nous as aidé à la Cité Royale, c’est quoi ton bail ? » il s’interrogeait, bien sûr qu’il le faisait, pour qu’elle autre raison n’avait-il pas foncé sur elle d’emblée ? Elle était à la fois curieuse de ce qu’il pouvait se passer dans sa tête, qu’étonnée qu’il puisse chercher à comprendre. Evelyne laissa alors s’échapper un soupir et doucement, baissa son arme, il était vraiment le pire. Il lui posait la question franchement, elle se devait de faire la même chose par respect. « Parce que le peuple n’a pas à subir les motivations d’autrui. »

Lentement, elle se déplaça dans la direction du brun, un pas après l’autre avec maîtrise avant de poursuivre. « J’ai fait une erreur de jugement mais cela ne se reproduira pas. Je fais en sorte de me racheter tous les jours pour ce que j’ai pu faire. » Et certainement qu’une vie ne serait pas suffisante pour cela cependant, elle comptait bien poursuivre ses objectifs, à sa manière. Dans tous les cas, le militaire était devant elle, sans l’entraver de quelconque façon que ce soit, même s’il était évident que son état laissait à désirer. Elle l’avait côtoyé pendant des années et elle devait bien avouer qu’elle ne l’avait vu que rarement vu comme cela. « Ton état est pitoyable, tu ne m’as pas habituée à ca, Caporal-chef. » La rose n’était pas sans connaître le grade de l’homme face à elle et avec le respect qu’elle lui devait, il n’en restait pas moins qu’elle avait toujours été franche avec, et que c’était réciproque. Sans doute pour cette raison que jusqu’à ce qu’elle parte, leurs rapports avaient toujours été positifs.

« Tu ne t’es vraiment pas loupé … River. » Elle prononça ces mots à voix basse, comme si les prononcer étaient un péché, mais peut-être l’était-ce vraiment au fond. Le fait restait qu’elle l’avait trahi et que si ce n’était pour son état, sa lame serait peut-être déjà sous sa gorge plutôt que cette conversation posée. Cela ne la dérangeait pas, loin de là, cependant elle ne pouvait que s’interroger sur la raison de cette rencontre qui aurait pu mal finir dans d’autres circonstances.
   

Le destin ne nous laissait parfois que des surprises désagréables, des rencontres qui n’auraient dû jamais avoir lieu et qui, parfois, n’étaient peut-être pas si dérangeantes que ca au final. Les aléas les avaient fait se retrouver face à face, dans cette neige jusque-là immaculée de toute trace, seule témoin de leur situation. L’une faisait pénitence, l’autre n’était pas en état d’attaquer plus que nécessaire, peut-être était-ce le moment que quelqu’un avait choisi pour eux pour s’expliquer, loin de tout, des alliés, des renforts pouvant tout compliquer … Le brun ne pourrait certainement jamais comprendre ses motivations, son passage dans les rangs de Baram, son retour dans la bonne direction et elle ne pouvait pas lui en vouloir. Après tout, une erreur de jugement, empressée et guidée par les paroles d’un amour inconditionnel ne pouvait certainement pas l’atteindre, et elle avait raison. « Une erreur...? » Ses yeux parlaient pour lui, lui qui n’avait jamais été des plus expressifs et qui désormais lui répondait dans un murmure.

Evelyne ne savait que répondre, une erreur était un bien faible mot mais elle n’avait rien d’autres pour expliquer ses actes sans remettre le gouvernement et sa position en question. Peut-être était-ce mieux ainsi … « Tu étais présente à Midgard, il y a cinq ans. » La belle se contenta de baisser les yeux, attendant son courroux face au ton qui était monté. Lorsqu’elle leva les yeux, c’était pour le voir user de son PHS en vain, avant d’émettre son agacement. Elle était prête à fuir, s’était mise sur ses gardes, prêtes pour n’importe quelle riposte cependant, elle ne s’attendait pas à ce qu’il continue de parler, ce qui la décontenança d’autant plus. « Andrew Boher et Lara Lee. Huitième régiment de la défense civile. Ça te parle ? » Bien sûre qu’elle les connaissait… Elle ne pouvait oublier les missions qu’elle avait pu faire en leur compagnie et bien malgré elle, elle savait où le brun voulait en venir. Il s’aida de la paroi rocheuse pour se redresser et en dépit du reste, elle ne put que vouloir lui offrir son aide, jusqu’à ce qu’il ne continue, l’arrêtant dans son élan.

« Des années que je me demande pourquoi eux. Pourquoi Midgard. Pourquoi tant de personnes ont suivi Weisslogia dans sa folie. Et toi, ta réponse, c’est ça ? "Désolée, je me suis trompée" ? » Dans ses yeux, Evelyne ne lisait plus que du mépris à son égard ce qui pourtant, ne la fit pas défaillir, bien au contraire. Elle se redressa, lui montrant qu’elle avait toujours une certaine fierté, le toisant à son tour sans aucune animosité alors que la main qui avait voulu l’aider était retombée depuis bien longtemps déjà. Elle n’était pas fière de ce qu’elle avait fait et pourtant, son égo refusait de la laisser tomber, comme il aurait déjà dû le faire compte tenu de la situation. « Tu ne me croiras peut-être pas, mais je ne savais pas ce qui allait se passer là-bas. Je n’aurais jamais imaginé que les choses puissent tourner ainsi pour un dessin tel que le leur. Ce jour-là, je me suis jurée de plus laisser une telle chose se reproduire. »

River voulait de la sincérité ? Elle ne pouvait pas lui donner davantage pour le moment, les mots ayants du mal à franchir la barrière de ses lèvres, témoin que c’était là, toujours un sujet sur lequel elle avait du mal à parler. Plus qu’une erreur, Midgard avait été une extermination, un exemple pour qui voulait encore se battre, une scène sur laquelle elle ne voulait plus jamais se trouver impuissante. Elle jouait la forte, se tenait droite et pourtant, son poing s’était serré en même temps que ses mots s’étaient achevés. « Tu ne pourrais pas comprendre même si je te l’expliquais… » Légèrement, son regard s’était tourné, évitant celui du militaire devant elle qui ne manqua pas de répartie. « ... Tu veux te racheter ? Commence par me demander pardon dans les règles. À genoux. » La rose se crispa à l’entente de ses mots, serrant le poing davantage avant de se tourner, furieuse. Sa fierté ne lui permettant pas, elle la savait mal placée et certainement trop présente par moment cependant, jamais elle n’accepterait qu’on la traite de cette façon.

Son regard se fit perçant, et malgré la certaine colère qu’elle pouvait ressentir sur le moment, son ton ne monta pas plus qu’il ne l’était nécessaire. « Je ne serais jamais à ta botte, et ce n’est certainement pas en me mettant à genoux que tu arriveras à quoi que ce soit. » Elle n’en démordrait pas, jamais elle ne plierait pourtant, ce n’était pas pour autant qu’elle ne l’était pas vraiment, désolée … Si difficile à sortir, si difficile à avouer. « Tu veux juste te sentir supérieur, tu adores ca… Mais désolée ca ne t’avancera à rien avec moi. » Ce n’est pas à lui qu’elle devait la vie mais à Nathanael. Et si elle devait se mettre à genoux devant quelqu’un, quand bien même ca lui coûtait, ce serait devant lui : son frère qui lui avait fait quitter Midgard. La belle lâcha un soupir, reprenant une contenance toute relative alors que son poing se déliait doucement. Alors faisant fit de sa colère, elle fit quelques pas pour poser son dos contre la paroi rocheuse, laissant le silence s’installer quelques secondes avant de finalement prendre une grande inspiration. « J’étais loin d’imaginer que cela se passerait comme ca. Midgard … était un cauchemar qui m’a rappelé à la réalité. » Et qui ne cesserait jamais de me hanter.
   

« Tch. Pourquoi, il te manque trop de cases pour qu’on puisse assembler le puzzle de ta logique branlante ? » Si sa logique était à ce point défaillante, lui était un imbécile invétéré et malheureusement, ils n’étaient ni l’un, ni l’autre, elle le connaissait suffisamment pour ca. Il était vraiment le pire pourtant, il devait bien se rendre compte que si elle n’avait pas quitté Blood Moon, dans son état actuel, elle n’aurait certainement pas hésiter à lui ôter la vie. Cette triste réalité était bien trop explicite de son vécu là-bas et de la façon dont elle avait pu percevoir les choses cependant, elle n’était même pas sûre elle-même de comment l’expliquer et il l’agaçait. Somme toute réponse, la belle s’était alors simplement contentée de soupirer, peu incline à se lancer dans ce sujet s’avouant quelque part vaincue malgré elle. Evelyne ne voulait pourtant pas ramper, elle ne pouvait pas, se l’interdisant quelque part au fond d’elle, bridée par sa fierté ne lui laissant que le courage de contre-attaque. « Toujours aussi exceptionnelle pour cerner les gens toi. » Chaque mots qui sortaient de sa bouche l’agaçaient au plus haut point, lui donnant presque envie de lui hurler dessus malgré le calme dont elle avait toujours fait preuve.

Bien sûr qu’elle savait qu’il n’avait aucun problème d’infériorité cependant, c’était bien là des arguments désespérés sur lesquels elle avait dû s’appuyer pour lui répondre. Par principe. « Et toi toujours aussi fidèle à toi-même. » Elle n’avait même pas haussé la voix, se contentant de cette simple vérité loin du reproche. Dos contre le mur, désormais silencieuse, elle observa l’homme lui passer devant, prêt à couper court à cette conversation pour le moins stérile et cette rencontre qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Elle observa ses pas se faire de plus en plus lourds jusqu’à ce qu’il cède finalement, ses fesses retrouvant le sol pour s’afférer sur sa blessure qui semblait encore plus moche de près. « Ouais ? Pourtant ton boss avait passé l'annonce à tout le monde, qu'il comptait exterminer des villes. À quoi t’attendais-tu donc, quand il a ordonné de passer à l'acte ? Tu cherches vraiment à me provoquer avec tes excuses bidons. T’as merdé. T’as putain de merder. Il n’existe ni pardon, ni rédemption pour le mal que tu as répandu et contribué à répandre. Alors tu as raison: te mettre à genoux n’aurait servi à rien. Ça aurait juste prouvé qu’il te reste encore un peu de putain de décence. »

Evelyne se contenait, elle le tentait de s’y tenir même si c’était dur. Chaque mots la malmenaient d’une façon ou d’une autre lui rappelant à son bon vouloir qu’elle était misérable et qu’elle avait manqué à ses devoirs. Elle savait tout ca, elle pensait y être préparée cependant, pouvait-on vraiment l’être dans cette situation ? Il semblerait qu’elle ait été bien naïve d’y croire. Elle avait merdé, la plus grosse erreur de sa vie pour laquelle une vie entière ne serait suffisante pour espérer se racheter et il lui remettait en pleine face, sans état d’âme et le pire, elle ne pouvait lui en vouloir. Sans bouger de sa place, son poing s’abattit sur la paroi derrière elle alors que dans ses yeux, voulaient naître quelques larmes qu’elle réprima en reprenant la parole. « J’ai merdé… J’ai putain de merdé. » Elle n’était pas vulgaire jamais et pourtant, elle venait d’utiliser les mêmes mots que lui.

Voyant qu’il galérait à se soigner, elle s’approcha de lui, l’objectif était de lui faire un bandage qui tienne la route. Ainsi, désormais accroupie devant lui, elle déchira à son tour un pan de sa robe sur toute sa périphérie et commença à l’enroulée autour de la plaie pour en faire quelque chose qui tienne la route, tout en parlant. « Tu n’y étais pas, tu ne peux pas savoir ce que c’était. » Cela sonnait comme une nouvelle excuse, même pour elle alors, elle continua sur sa lancée, prête à frapper le point sensible s’il tentait quoi que ce soit. « J’étais tellement obnubilée sur mes objectifs que le reste ne comptait pas, j’exécutais les ordres sans les comprendre, comme un bon soldat, sans me rendre compte de ce qu’il se passait vraiment. Je n’étais plus moi-même depuis longtemps déjà et l’électro choque n’a vraiment opéré que ce jour-là … J’ai merdé Riv. » Jamais elle n’avait osé tourner les yeux dans sa direction, incapable de soutenir son regard en cet instant. La rose ne se rabaissait pas, elle donnait toujours le meilleur d’elle-même la tête haute et aujourd’hui, elle ne savait pas vraiment.

Son bandage terminé elle fixa le travail avant de repenser à la route qu’elle avait empruntée pour venir jusqu’ici et, se parlant davantage pour elle-même que pour lui, elle chuchota quelques mots. « Tu ne vas pas pouvoir avancer comme ca … » Il lui fallait un vrai soin maintenant, elle réfléchissait, observant bientôt les alentours jusqu’à poser son regard d’où elle venait avant de fermer les yeux, consciente qu’elle allait encore faire une connerie ; la première étant de toujours être là, en sa compagnie. « Viens, on ne peut pas te laisser comme ca. » Et une fois encore, elle détourna le regard bien que son ton ne lui laissait pas vraiment le choix.

« Tu as oublié à qui tu t’adresses. » Effectivement, elle avait omis son passé, preuve du respect qu’elle avait toujours pu avoir pour lui. Enfance tumultueuse, soldat sous les ordres de Faust au même titre qu’elle … Parfois, elle se plaisait à penser qu’au moins lui n’avait rien à se reprocher, continuant de faire ce qui devait l’être même cela avait pu lui coûter, elle en est bien consciente. Comparé à lui, elle avait été aveuglée, reniant une partie d’elle-même pour de mauvaises raisons qu’elle regrettait aujourd’hui. Ce qui expliquait certainement que comparé aux autres, il était réellement le pire sur qui elle voulait tomber, celui qui l’ancrait avec une force singulière à la réalité … elle ne releva pas ses paroles, se contentant de bander avec attention sa jambe meurtrie sous la menace, omniprésente, de son arme.

Dans l’état où il était, il ne pourrait aller bien loin elle le savait, les conditions météorologiques n’étant pas les plus clémentes dans les Monts et, ajouté à la douleur qu’il devait ressentir, elle ne lui laissait que peu de crédit, aussi robustes pouvait-il être. « Combien de temps ça va prendre ? Je n’ai que dix minutes devant moi. » Même s’il n’avait pas été certain de comment réagir, il lui laissa tout de même l’occasion de l’aider, ne refusant pas son aide avec une certaine condition. « A bonne allure, dix minutes. Mais vu ton état je dirais plutôt quinze, en y mettant l’effort. » Elle allait au cœur du sujet, sans détour alors qu’il peinait à se redresser. Il était inutile de lui faire la moindre réflexion, elle ne pouvait que le soutenir à une distance raisonnable puisqu’elle savait à quel point ce n’était rien pour lui. Même si c’était assez que pour qu’il accepte son aide …

Il ne lui faisait pas vraiment confiance, il n’avait certainement pas d’autre alternative plus intéressante en ce moment, certainement pour ca qu’il avait accepté de la suivre et elle ne pouvait pas lui en vouloir. Evelyne l’entraina ainsi jusqu’à leur campement, espérant que ses compagnons ne soient pas là, la situation était déjà bien assez compliquée comme ca sans avoir besoin d’en rajouter autant de leur côté que du sien. Les installations étaient simples, prêts à repartir à la moindre occasion, rien de définitif … Crime Sorcière ne pouvait s’offrir le luxe de se baser quelque part, les raisons étaient nombreuses mais la principale était bien son caractère illégal. Arrivés sur place, la demoiselle s’attela à la fouille de divers produits alors que le militaire s’assit dans son dos. Elle était occupée, retournant le sac à la cherche de désinfectants, bandages et autres pommades utiles à la situation quand il prit de nouveau la parole. « A quatre kilomètres d’ici se trouve un entrepôt où des civils, earthlandais et edorasiens, sont emprisonnés dans des cuves. Ce n’est pas un laboratoire, mais une zone de stockage protégée. Nous ne savons pas ce qui leur est arrivé, quelles expériences ils ont subi. Il se peut qu’ils représentent un danger pour nous si nous les libérons, mais on doit le faire. Au lieu de vouloir me convaincre que tu t’es rendue utile depuis tes meurtres, agis. Aide-nous à neutraliser l’ennemi pour cette intervention. » La rose s’arrêta un instant pour se concentrer sur ses paroles avant de comprendre où il voulait en venir. Ainsi, elle rassembla son nécessaire avant de le rejoindre, s’asseyant à son tour à ses côtés en même temps qu’il terminait. Il voulait la tester, et cette certitude ne la quittait pas cependant, il aurait beau lui dire ce qu’il voulait, son avis était déjà bien tranché, de même que le regard qu’elle lui offrait en retour. « Si tu le fais, je fermerai les yeux sur cette rencontre. Je ne te pourchasserai pas. En revanche, je ne préviendrai pas mes hommes de ta venue ou de ton aide, je ne les empêcherai pas de te prendre pour cible s’ils le veulent. Viendras-tu ? »

« Sais-tu pourquoi je suis ici ? » lui demanda-t-elle alors qu’elle dé bouchonnait le flacon de désinfectant pour en imbiber un coton qu’elle utilisa ensuite pour tapoter la plaie au niveau de son genou. « J’étais à la recherche de quelque chose et il semblerait que tu m’ais aidé à mettre la main dessus. Tu n’as pas besoin de dire quoi que ce soit pour que je te vienne en aide … Peu importe ta position et les risques non négligeables que ca impliquent dans ma situation, je ne fuirais pas. » La belle finit ainsi en relevant son regard qui se posa dans le sien, brillant d’une détermination qui lui était propre. Elle ne fermerait pas les yeux sur ce qu’il se passait, elle ne pourrait pas l’accepter. Récupérant la bande à ses pieds, Evelyne entreprit d’en enrouler la jambe, une fois la pommade appliquée et chose faite, elle releva les yeux sur la plaie au niveau de sa tête.

Une fois de plus, elle imbiba un coton qu’elle approcha avec appréhension, attendant un signe l’autorisant à continuer. Il n’était pas plus à l’aise qu’elle, elle restait une criminelle, il avait raison de se méfier pourtant, lorsqu’il l’a laissa poursuivre ses soins, elle sentit ne serait-ce qu’un peu de légèreté. Avec douceur, elle désinfecta la plaie qui malheureusement, semblait plus profonde que prévue, elle grimaça. « Il va falloir recoudre ou ca continuera de couler à flot. » Elle n’était pas spécialiste mais compte tenu de la profondeur, elle n’avait pas vraiment le choix. Elle s’empara d’un fil et d’une aiguille, prête à lui transpercer l’épiderme et pourtant, elle prit le soin de relever les cheveux qu’elle plaqua comme elle le pouvait hors de la zone. « Ca va piquer un peu. » En deux temps, trois mouvements, elle avait refermé la plaie et elle bandait déjà la surface pour éviter que quoi que ce soit ne vienne s’y accrocher.

Chose faite, elle s’arrêta un instant, ses doigts quittant la plaie avant qu’elle ne vienne à se redresser pour tout ranger. Maintenant que c’était fait, elle pouvait s’attarder sur le plus important. « Que peux-tu me dire sur les installations ? Tes hommes sont déjà dans le coin, tu as un plan. Quel est-il ? » En stratégie, elle ne perdait pas le temps et le mieux était d’être briefé rapidement avant d’entamer quoi que ce soit. Ils avaient suivi la même formation, il n’y avait pas besoin d’en dire plus que nécessaire, Evelyne comprendrait sans mal ce qu’il aurait à lui dire.

« Quatre cent mètres carrés de plain-pied. Une quinzaine d’employés qu’on estime parfaitement habilités à se défendre. Il n’y a pas de plan. On rentre en fracas, on tue tous nos ennemis, on ouvre les cuves. Si les prisonniers nous sont hostiles, on les assomme. Il faut les ramener vivants. » Evelyne écoutait avec attention les mots de l’homme qui malheureusement, n’avait pas l’effet escompté. Pas de plan ? Elle se revoyait facilement dans une de ses missions suicides, désespérée et … hautement anarchique. Cela traduisait sans mal l’urgence de la situation et le manque de préparation y étant associé mais connaissant le Pierce, elle savait à quel point cela pouvait être suffisant. Elle s’était relevée, s’éloignant de quelques pas alors qu’il se remettait sur pied, rangeant son arme. La méfiance était maîtresse et elle ne la comprenait que trop bien. Cette situation était un miracle en soit puisque par toute vraisemblance, dans tout autre moment elle aurait fini avec son épée plantée dans le corps. Ainsi, elle acquiesça simplement en silence jusqu’à ce qu’il ne finisse par s’élancer, ouvrant la voie en direction des laboratoires.

Il ne leur fallu pas bien longtemps pour retrouver la trace de ses hommes et avec eux, les installations qu’ils devaient prendre d’assaut sans tarder. La forêt de sapins dans laquelle ils s’étaient engouffrés leur permettait de passer inaperçu que ce soit auprès des soldats, que des ennemis. River l’éloignait de leur position et quelque part, elle était heureuse de ce constat réduisant ne serait-ce qu’un peu les risques sur elle. La demoiselle aurait déjà fort à faire avec les employés que pour avoir à gérer les hommes du brun. Lorsque celui-ci se mit à couvert, Evy ne perdit pas de temps pour faire pareil avant de poser sur lui, un œil interrogatif alors qu’autour d’eux, la forêt continuait de s’étendre dans un silence accueillant. « Plusieurs sortilèges ici. Invisibilité... Illusion… Redirection. » A l’énumération des différents sorts, la sorcière plissa les yeux pour espérer déceler ce qu’il n’avait pas manqué de remarquer sur la zone. A force de concentration, elle put ainsi déceler cette légère lueur translucide voilant les environs à quelques endroits. S’il n’avait pas été là, elle serait tombée en plein dans les runes ce qui était peut-être la raison pour laquelle ses compagnons non plus n’avaient pas encore trouvé ce qui se tramait par ici. « Un labyrinthe magique qui s’étend sur le périmètre des installations… c’était bien trouvé. » « Les chasseurs alpins ont posé des runes qui permettront de les lever. Mes hommes attendent mon signal pour les activer. Fonce dès que tu vois l’établissement. Il y a une sortie de secours juste devant toi… ou à peu près. » A peu près … au moins aurait-il le mérite de la laisser dans la bonne zone compte tenu des circonstances pour le moins magiques de la situation. « Très bien… Je te retrouverai à l’endroit où on s’est rencontré. » simple et efficace, elle attendrait pour lui donner les informations qu’elle aurait pu avoir de son côté avant de disparaître des environs. Il n’y avait pas besoin de plus et pourtant… « N’en fais pas trop. » Elle avait prononcé ces mots alors qu’il repartait déjà à vive allure pour retrouver son équipe.

De son côté, à présent seule, Evelyne se concentra sur sa tâche, tentant de se cacher du mieux qu’elle le pouvait derrière le tronc du sapin, seul rempart entre la vue des ennemis et elle. Elle le savait, l’absence de visibilité était dangereuse, surtout lorsqu’elle n’agissait que dans un sens. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’on ne la repère, ils avaient l’avantage du terrain et pour cette raison, elle espérait que les runes seraient désactivées rapidement. Les secondes s’écoulèrent et la rose agrippa fébrilement son arme, les yeux rivés sur la forêt qui s’étendait par-delà sa vision, cachant de son illusion les installations. A 53 secondes, elle entendit un bruissement dans son dos, et machinalement elle lança son pied en arrière touchant irrémédiablement, une cible qui n’était pas là l’instant précédent. Un petit échange s’en suivit, duquel elle sortit victorieuse bien que prise au dépourvu. 65 secondes et le sang de l’homme recouvrait le tapis blanc à ses pieds alors qu’elle priait presque pour la barrière se lève. 82 secondes et elle voyait enfin le bâtiment et l’homme qui en sortait, les jeux étaient faits. Sans attendre, la rose fonça dans sa direction, le laissant immanquablement faire la même chose de son côté pour la rejoindre à mi-chemin. Quelques échanges de lames, et elle se rapprochait de la porte, s’éloignant ainsi de la vue possible des militaires à l’opposé de sa position. À présent, elle pourrait agir à sa guise, à présent la libération des lieux venait de commencer.

La sorcière assomma l’homme d’un coup rapide dans la nuque, le trainant jusqu’à l’entrée avant de l’attacher et de pénétrer dans le bâtiment. L’agitation était déjà à son comble, ils savaient que les labos avaient étés infiltré et désormais c’est la cohue qui régnait pour s’organiser. C’était l’atmosphère parfaite pour passer inaperçue et Evy ne s’en priva pas pour avancer. L’armée faisait beaucoup de bruit ainsi, la plupart des hommes étaient partis dans sa direction, lui laissant d’avantage d’espace pour se faufiler davantage dans l’infrastructure. Bien évidemment, il aurait été utopique que les portes internes ne soient pas gardées… Sans attendre, elle fonça droit sur le garde, esquivant de justesse un coup de feu dans sa direction avant désarmer l’homme et le mettre à terre. Elle récupéra ainsi son pass lui permettant d’ouvrir la porte et le laissa inconscient, l’attachant à son tour alors qu’elle pénétrait dans la pièce.

Si elle avait le choix, elle préférait ne pas les tuer, c’était du ressort de l’armée, il s’agissait de leurs ordres pas de siens et elle préférait volontiers qu’ils se chargent de faire ce qu’ils en avaient envie. Elle le savait, on ne discutait que rarement les ordres mais cette fois, elle avait le choix de les aider et de leur simplifier la tâche. Il était évident qu’ils feraient le tour du bâtiment pour s’assurer que tout soit en ordre et à ce moment-là, ils les trouveront. C’est dans cet état d’esprit qu’elle s’avança alors jusqu’à voir les cuves alignées lui donner instantanément la nausée. « Qu’est-ce que c’est que ca… » Elle en avait entendu Meldy parler des laboratoires de Riv Garden, cependant elle était loin d’imaginer à quel point le spectacle pouvait être pesant. Les malheureux étaient attachés dans des cylindres, reliés à plusieurs tuyaux. A première vue, l’installation n’était pas aussi développée que celle des autres labos, le système de sécurité étant concentré sur le mur d’invisibilité recouvrant la zone, elle n’avait donc pas de temps à perdre ! Ainsi, elle s’avança épée en avant pour détruire la première cuve.