LET IT SNOW

Akané participait activement au programme de recherche donné aux rang S. La première fois qu’elle avait brassé une zone signalée rouge des monts Serchel, quand deux sentinelles avaient entraperçu des bâtiments suspects, non seulement la brunette s’était perdue en les cherchant, mais en plus, les soldats qui avaient retrouvé l’emplacement précis était tombé sur rien. De là, on avait déduit que certains laboratoires, ou autre édifices appartenant à l’alliance, pouvaient bénéficier d’un système de téléportation, de la même façon que l’edo-guilde de Fairy Tail à une époque. Voilà de quoi corser les choses pour tout le monde. L’Ito s’était mise en tête d’absolument rentrer dans un tel endroit si elle en croisait la route, et tenter un sauvetage des mages à l’intérieur s’il y en avait, par crainte de le voir disparaître avant l’arrivée des renforts sans n’avoir pu sauver quiconque. On avait voulu la dissuader de s’en tenir à ce plan quand elle l'avait évoqué, il suffisait qu’elle tombe dans un piège de l’ennemi, qu’elle ne puisse pas se servir de sa magie pour fuir, et elle se serait bêtement faite avoir. Ils avaient raison, ce n’est pas pour autant que la têtue d’Ito s’était faite une raison. Voir un endroit qui empeste le mage noir, imaginer l’éventualité que des prisonniers se trouvaient à l’intérieur, souffraient d’expériences… et elle devrait attendre ?

Ce matin, au bar, Akané analysait la carte du baroudeur, qui ne lui avait pas balancé la moindre vacherie pour le moment, à croire qu’elle dormait encore. Une autre zone de Serchel avait été passée au rouge, de même qu’avec les Cordés. La barmaid contacta aussitôt Lyon pour qu’il s'occupe de ces derniers, dont elle ne connaissait strictement rien. Aussi… elle ne pouvait pas rester sur un échec, si bien qu’elle s’était préparée à retourner à Serchel. La miss avait d’ailleurs un vif souvenir du froid qui y régnait. Avant de partir, elle enfila une combinaison noire, des rangers intérieure fourrée, des gants. Elle glissa ensuite dans ses poches des lunettes et un bonnet. Équipée de sa carte, elle redescendit vers la cuisine sous le regard curieux des premiers levés et fit chauffer de l’eau à la théière. Après l’avoir enfermée dans une gourde qu’elle cala à sa ceinture, la brune disparut sans plus de préparation et se téléporta au village le plus proche de l’ascension qui l’attendait… en se renseignant sur place, Akané réalisa qu’elle s’était trompée de village. Cela fit bien rire le caporal qui faisait sa ronde d’inspection ; l’Ito qui demandait sa route en étant à côté de la plaque devait être un running gag pour l’armée. De bon cœur, il lui laissa deux soldats pour l’emmener au village qui serait le point de départ réel de son ascension. Sur place, on lui désigna le premier camp, une grosse baraque en altitude située entre deux forêts. D’ici,on la voyait bien… mais une fois que la tigresse serait dans la forêt…

Ce qui devait arriver arriva. Après une heure d’ascension, désorientée par le brouillard (cette fois, elle avait une excuse), la brune demanda de l’aide à sa carte de Baroudeur. Celle-ci émit, à sa demande, un son étrange. Akané en approcha l’oreille, inquiète au départ et puis… « Elle est en train de rire ? » se dit-elle à voix haute. Réalisant que oui, son air se fit farouche et son poing se referma, froissant le papier. Il fallait continuer. Elle tomberait bien sur une tour de contrôle à un moment, quelque chose… quoique la météo semblait un peu effriter ses espoirs. Elle tenta de se repérer avec le GPS de son PHS mais il n’y avait aucun réseau. Quelle poisse !

La brunette leva le nez vers une pente escarpée et s’imagina se jeter dans le vide depuis les falaises du haut. Un grand soulagement s’empara d’elle en distinguant, peu après, un groupe de personnes. S’ils étaient ennemis, elle ferait une bonne action de les démolir. S’ils étaient alliés, alors elle n’était plus perdue. Akané leva les mains, obéissante. « Même comme ça, vous n’auriez aucune chance ! » taquina la brunette, soulagée. Au moment où elle distinguait les visages, les armes s’abaissèrent quelque peu car on reconnaissait le sien par la même occasion. L’expression arrogante de l’Ito (elle caricaturait son maître peu avant) se fendit d’un grand sourire adorable tandis que ses mains levées s’agitèrent pour distribuer un salut général. « Bonjour » claironna t-elle d’une voix qui ne trahissait en rien ses pensées suicidaires d’avant. Elle reconnut quelques visages qui l’avaient déjà aidée, ou qu’elle avait déjà aidé, et Ethan, qui arborait le grade de commandant. C’était nouveau ça ? « Décidément, il semble que je trouve des tigres partout où j’interviens. » Pourquoi ce commentaire, pourtant positif pour les tigres, semblait dit sur le ton du reproche ? L’Ito avait beau adorer ses rivaux, quand on piquait Sabertooth, elle avait envie de piquer tout le monde. Elle se retint de justesse de répondre que ça devait le changer des autres guildes qui ne fichaient pas grand chose, mais opta pour des paroles plus mesurées qui ne feraient pas bouder Lucy ou Aly. « Cela prouve que nous sommes sur tous les fronts » Si la rivalité interguilde pouvait ne plus avoir de sens pour certains en ces temps terribles, Akané, comme d’autres, s’y raccrochaient presque avec désespoir, bien plus encore depuis que le quartier général de Lamia Scale avait été atteint. Parce qu’il y aurait toujours Lamia Scale pour dire aux autres qu’ils sont les plus malins. Et il serait douloureux pour Akané de ne plus entendre Lyon Vastia prôner la supériorité intellectuelle des siens en traitant les Saber de nigauds. Il fallait que la vie continue. Un léger silence s’installa où Akané ne sut comment demander de se rendre aux glaciers. Si sa carte s’était marrée… c’était sans doute une idée de destination à abandonner. Il faudrait que la brune abandonne également l’arrogance de vouloir se rendre seule en lieu hostile. « Je suppose que l’armée vous doit des remerciements pour le temps gagné à l’entrepôt de Midgar. » Akané haussa les épaules avec un petit sourire. Ses joues prirent une teinte un peu plus rouge que ce que le froid avait provoqué. Elle rebondit pour masquer sa gêne. « Vous... supposez ou vous me remerciez ? » Tiens ! Et si elle suivait les soldats ? Ils devaient être là pour une bonne raison, elle pourrait se rendre plus utiles qu’en éliminant des hobgobelins. Akané observa le chemin que prenaient ceux partis par la gauche.

« Vous êtes paumé ? » Elle se tourna vivement vers Ethan. « Non ! … » Il lui suffirait de se téléporter près d’un village pour ne plus être perdue, mais elle s’en voulut de mentir. Mal. « …Oui » ajouta t-elle avant que sa précédente réponse ne soit interprétée comme une insulte à son intellect. Elle poursuivit, non sans bégayer un peu de honte : « N-nous nous sommes partagés les zones d’alerte avec les autres guildes. Je m’occupe des Glaciers Rhys. Je... je crois que je n’y suis pas vraiment mais… » Elle n’y était même pas du tout « Vous, qu’est-ce qui vous amène ici ? » Akané avait le sentiment que son aide ne serait pas de trop, et ça tombait bien, elle ne comptait pas vraiment lui laisser le choix. Hors de question d'avoir fait tout ce chemin pour rien ! « Je me rendrais bien plus utile à vous aider, allons-y. » La mage souffla à l’intérieur de son gant pour réactiver la chaleur, serra et desserra le poing. « Les monstres des montagnes sont particulièrement hostiles lorsque le climat les privilégient, mais n’ayez crainte, je suis avec vous maintenant » dit-elle avec un petit sourire qui se voulait moqueur, mais la douceur s'en dégageant lui donnait plutôt l'air d'un chaton essayant de jouer au tigre.

LET IT SNOW

« Effectivement, vous n’y êtes pas, c’est totalement à l’opposé, de l’autre côté de cette montagne » Une lueur d’incrédulité traversa le regard d’Akané tandis qu’elle se demanda comment elle avait fait pour… changer de montagne ?! « Ah. » La bonne décision à prendre était d’aider des hommes qui savaient où ils allaient. Être assimilée au maître sonna comme une flatterie à ses oreilles.  « Communication corporate, on a le sens du détail à Sabertooth » répondit-elle. On ne saurait dire s’il s’agissait de plaisanterie ou de vantardise, parce qu’elle non plus ne saurait le dire. « Un escadron de la deuxième division est porté disparu, l’objectif premier est de retrouver leur trace. » Le visage de la tigresse perdit instantanément de son éclat. Les disparitions, on savait ce que ça voulait dire. Le sort qu’on réservait au soldat était plus de l’assassinat que de l’enlèvement. Leur seule chance, c’était… « Depuis quand sont-ils portés disparus ? Il s’agissait… d’édorasiens ou d’earthlandais ? » Le nombre d’edorasiens devait être supérieur au nombre d’earthlandais au sein de l’armée, mais pas de beaucoup : d'un côté, ils n’avaient ramené que l’armée de Fiore à Edoras, ce n’était qu’une région, mais de l'autre, Weisslogia et Skydrum avaient sorti pas mal de monde des rangs installés. Il y avait une certaine fatalité dans la question d’Akané, qui évaluait les chances, voire le taux de personnes en vie. Un régiment entier qui disparaissait… sans communiquer, ni rien. C’était soit une embuscade de monstres et tout le monde était morts ou presque, soit l’œuvre de mages noirs. Pour ces derniers cas, ils auraient forcément laissé les earthlandais en vie pour le bien de leurs expériences macabres. Et on retrouverait ces derniers détenus dans des laboratoires. Malgré cette connaissance des faits établis par son interrogation… elle ne pouvait s’empêcher de croire en un scénario plus optimiste. Cela semblait être tout l’inverse pour Ethan. Vu son air résolu, il devait s’attendre à ne trouver que des corps. L’Ito aurait dû s’y attendre aussi, vu qu’ils vivaient dans le même monde et qu'ils avaient vu à peu près les même horreurs. Il n’y avait rien pour justifier qu’elle soit encore un peu trop neuneu. « Pour la suite, nos drones ont révélé la présence d’un bâtiment plus haut dans cette montagne… Possiblement un laboratoire de l’alliance. »  Là, les earthlandais seraient là ! « Toujours partante ? »

« Bien sûr. Je n’en suis pas à mon coup d’essai avec ce type d’établissement. » (La face de Nahim qu’elle y avait défoncé devait encore s’en souvenir) « Pour avoir déjà vécu une situation similaire très récemment, sur le même genre d'endroit… enfin, à hum… dix lieues près… » balbutia t-elle. Inutile de lui demander plus de précisions, elle ne savait déjà pas où elle se trouvait maintenant, alors, deux semaines plus tôt... ! Bref pause pour trouver ses mots avant de reprendre avec plus d’assurance : « On ne pourra pas s’y rendre comme ça, ils vont téléporter les bâtiments dès qu’ils nous auront repéré. Vous avez des solutions de camouflages ? Le capitaine Svetlana ne serait pas de trop. »  La brunette cessa ces questions lorsqu’ils arrivèrent sur un lieu d’affrontement. Jet d’écarlate sur roche et poudre immaculée. Aucun corps pour le moment. On les avait trainé, porté ?  Akané prit la droite, retenant le lieu de séparation pour s’y téléporter plus tard si elle se perdait. Heureusement qu’elle avait cette possibilité de sauvegarde ! Après plusieurs mètres de parcours, la tigresse plissa les yeux tandis qu’elle sembla distinguer dans le brouillard deux espèces de loups, totalement désintéressés d’elle malgré le fait qu’elle continuait d’avancer. Suffisamment proche, Akané réalisa alors deux choses. Il s’agissait de baltos albinos, et ils dévoraient un corps. La brunette fonça pour les dégager à coups de pied. Aucun affrontement nécessaire. La nuque de l’un avait été brisé sur le coup, l’autre fut envoyé dans le ravin. Akané n’eut qu’un coup d’œil bref et lâche vers le corps au sol, avant de s’en détourner avec un haut-le-cœur. Elle regarda autour, marcha un peu en s’attendant à trouver d’autres personnes, seulement, rien. Elle retourna sur ses pas, croisant d’ailleurs un binôme de soldats. « Il y a quelqu’un là-bas » Le ton éteint, la gorge serrée, indiquait à lui seul de quoi il s’agissait, sans même qu’elle ne parle de cadavre. Elle poursuivit sa route en cherchant le commandant, suivant son ouïe pour se guider. L'équipe avait trouvé une femme qui n'appartenait à aucun bataillon. Akané ne la connaissait pas, elle aurait pu être simple citoyenne du village le plus proche mais le fait qu'ils soient dans une zone de rafle, près d'un laboratoire, n'appuyait pas cette théorie. La sauver était une nécessité, s'en méfier aussi. Ce n'était pas un réflexe de l'Ito, à l'origine. Mais la guerre, les trahisons sur trahisons, l'avaient rôdé. Akané laissa l'armée faire, elle était nullasse en premiers soins. « C'est un soldat qui vous a fait ça ? » La tonalité de sa voix, presque sans empathie, la surprit elle-même. Et si elle se trompait, en plus ?