Confortablement installée dans son fauteuil, jambes croisées et épais ouvrage ancien sur les genoux, le regard de Mademoiselle se relevait parfois de sa lecture pour contempler le pantouflard qui semblait considérer cette chambre comme la sienne à présent. Rancœur mise de côté, elle avait appris à apprécier sa compagnie et surtout celle de ses capacités. Echange de bon procédé sans doute, il cherchait dans sa chambre le luxe d’un calme qui n’était qu’utopie dans ses propres quartiers. Elle ne s’en agaçait pas puisque jusqu’alors sa présence ne l’avait jamais dérangée outre mesure. Les découvertes du jour, extraites de l’ouvrage ancien qu’elle referma pour le déposer sur une petite table basse, permirent que cet équilibre perdure au moins un jour de plus. Un intérêt certain suscité par ces lignes, Minerva se redresse et quitte ses quartiers en refermant la porte sur un Midnight qui sera sans doute encore endormi exactement au même endroit lorsqu’elle sera de retour.

Ses pas guidés par la recherche d’anciennes civilisations et surtout d'anciennes divinités similaires aux Yakumas la conduisent tout droit jusqu’aux monts Serchel sans qu’elle n’ait, pour sa part, entendu parler de quelconque disparition de promeneurs dans ces environs. Ainsi sans savoir que des mages pourraient s’intéresser à cette affaire, elle imaginait le lieu assez reculé pour être vide de toute vie humaine, lui laissant la tranquillité qu’elle n’avait pas eu la dernière fois qu’une telle piste s’était présentée à elle. Relativement tranquille depuis –si l’on exclut sa rencontre fortuite mais loin d’être dénuée d’intérêt avec le nouveau commandant de la première division- elle n’en restait pas moins prudente. Elle connaissait assez Sting et les tigres en règle générale pour savoir qu’il était utopique de s’imaginer qu’ils abandonneraient l’idée de la ramener, qu’importe combien elle s’était montrée claire sur le sujet.

Sens de l’orientation aiguisé, Mademoiselle trouve l’entrée de la grotte recherchée sans mal. Les quelques monstres croisés, que l’on retrouve toujours dans les lieux les plus éloignés de la population, sont balayés d’un revers de la main sans signe d’intérêt quelconque. Il n’est que lorsque ses pas pénètrent dans l’obscurité qu’elle devient véritablement attentive à ce qui l’entoure. Quelques sphères de territoire se matérialisent autour d’elle, auxquelles elle offre des propriétés de lumière pour y voir un peu plus clair. Sans rien trouver dans les premiers mètres de la grotte, elle s’engouffre toujours plus profondément lorsque ses pas s’arrêtent net, vigilance sur le qui-vive alors qu’elle ressent une présence dans son dos. Murmure inaudibles lui parviennent et elle tourne alors les talons, faisant demi-tour pour faire face à ce qui se trouve dans son dos. « Yukino. » C’est un murmure qui n’est ni une salutation, ni un réel étonnement. Une constatation, tout au plus. La tigresse qui fut jadis une de ses disciples les plus douées ne semble pourtant pas se trouver ici pour la trouver et pour la ramener, contrairement au maître de Sabertooth lors de leur dernière entrevue. Malgré la pénombre, la surprise de la trouver là se lit aisément sur ses traits. Mademoiselle croise ses bras sur sa poitrine, plus froide et distante qu’elle ne l’a jamais été avec la constellationniste. Ses sentiments à son égard restent malgré tout les mêmes que le jour de son départ. « Ne te mets pas en travers de mon chemin. » Il serait plus difficile pour elle de faire un nouvel exemple de Yukino que lorsque c’était le chasseur de dragon qu’elle avait en face d’elle. Mademoiselle tourne les talons pour continuer ses recherches. Yukino n’est pas là pour elle, elles peuvent donc toutes deux reprendre leur route comme si elle ne s’était jamais croisées. Du moins, en théorie.

« Mademoiselle … » La surprise montre que l’ancienne élève de la tigresse ne s’attendait pas davantage à la croiser qu’elle ne s’attendait à trouver un tigre sur son chemin une nouvelle fois. D’une manière somme toute relative, c’est une bonne nouvelle car cela montre que leur nouveau maitre est bien le seul inconscient à encore la chercher activement –ou bien qu’il est le seul, parmi les inconscients, à se trouver être assez doué pour la trouver et se mettre en travers de son chemin. Qu’ils restent loin d’elle était ce qu’ils pouvaient faire de plus sécurisant, tant pour eux que pour elle. Des mots imprononçables et une idée qui n’avait cependant jamais traversé l’esprit du dragon de la sainteté. Peut-être finirait-il par se faire à cette idée, à force d’accumuler les échecs et les rejets. Ou alors son côté têtu finirait par causer la perte de l’un ou de l’autre…Il était un problème pour lequel elle n’avait pas encore de solution. Ce n’était visiblement pas le cas de tous les tigres, ou du moins, ce n’était pas le cas de Yukino qui semblait avoir désiré cette rencontre hasardeuse autant que Mademoiselle. Avec autant d’estime qu’elle en montrait au nouveau maitre des tigres, la mise en garde de ne pas se mettre sur son chemin était tombée sans qu’elle ne s’interroge davantage sur les raisons de la tigresse en ces lieux -il était impossible qu’elle se trouve là pour les mêmes raisons qu’elle. Poursuivant son chemin, elle s’arrête finalement quelques pas plus loin, présentant son dos à son ancienne camarade. « Ton chemin ne m’intéresse pas. J’ai mieux à faire que de poursuivre ceux qui trahissent leurs frères. » Outre le manque de respect évident qui lui donna envie de lui filer une bonne correction -ce qu’elle aurait fait si ‘était encore son devoir- quelque part brillait tout au fond d’elle une très légère pointe de fierté. En voilà au moins une dans le lot qui semblait avoir retenu un peu de son enseignement passé.

Haussement d’épaule en guise de réponse. « Une once de lucidité au milieu de l’inconscience. » Commente-t-elle avant de tourner les talons et de disparaitre dans un couloir qui ne semble pas être la direction prise par la tigresse. On ne viendra pas l’importuner et c’est tout ce qui compte, elle se moque bien de savoir ce que la tigresse peut avoir à faire dans le coin étant donné qu’il ne se passe jamais rien d’intéressant dans cette zone reculée, de toute façon. Au mieux est-elle peut être venue pour trouver des herbes ou autre composants rares pour un remède, le genre de mission que Mademoiselle voyait souvent sur le tableau mais dont elle ne prenait jamais la peine d’offrir un intérêt quelconque, préférant laisser cela aux débutants sans confiance en eux. Sphères de territoire flottant tout autour d’elle pour éclairer son chemin, elle se remet sur ses gardes après quelques minutes écoulées à s’enfoncer plus profondément dans la grotte. Loin d’être le genre à reculer devant l’adversité ou l’inconnu, elle s’avance davantage pour voir ce qui lui fera face, s’attendant à croiser la route d’une créature vivant en ces lieux. Il n’en est rien et la surprise semble adoucir quelque peu ses traits sévères lorsqu’une enfant surgit devant elle, visiblement perdue et sous-alimentée. L’enfant hésite avant de s’approcher vers elle en s’agrippant doucement à son vêtement, levant vers elle un regard plein d’espoir et de larmes qui s’apprêtent à couler. « Vous êtes venue nous aider ? » Demande-t-elle d’une vois faible. « Alors c’était ça que tu faisais ici. » Murmure-t-elle pour elle-même, intérieurement fière de l’évolution d’une de ses disciples les plus prometteuse. « Tout ira bien. » Des années durant Minerva, comme le reste de sa guilde, s’était montrée protectrice envers le peuple Edorasien durant ses jours les plus sombres. Cette part d’elle était profondément ancrée en son âme. Elle tapote doucement le sommet de son crâne et fait disparaitre l’enfant dans un de ses portails. La seconde suivante, la gamine réapparaitra devant la constellationniste alors que Minerva continuera son chemin, persuadée qu’elle y trouvera bien plus que ce qu’elle est venue y chercher.

Les bruits de pas de Yukino s’étaient éloignés dans son dis jusqu’à se rendre complètement inaudibles. Contrairement à son maitre de guilde, elle semblait ne pas avoir l’intention de lui mettre des bâtons dans les roues et c’était tant mieux. Elle avait déjà bien assez à faire avec les tigres qui désiraient comprendre et qui voulaient encore la faire revenir parmi eux. Elle n’avait pas besoin de ça et c’était en réalité bien plus gênant qu’ils ne s’en rendaient probablement compte. La tigresse semblait effectivement avoir mieux à faire puisqu’elle était partie de son côté et c’est un sentiment qui se conforta lorsque Mademoiselle tomba sur un enfant. Dans plus de cérémonie, elle l’avait envoyé vers la blanche via un de ses portails. Elle était seule, nul besoin de prétexte tel que celui d’avoir un gamin dans les pattes est inconfortable. Mais dans le fond ce n’était pas pour sa tranquillité d’esprit qu’elle avait fait ça…Elle l’avait fait parce qu’elle avait trop protéger la population par le passé pour simplement continuer son chemin sans rien faire. Peut-être même qu’elle aurait réglé le problème toute seule si Yukino n’était pas dans les parages. Tout dépendait de ce qui se tramais au plus profond de cette grotte. Et qu’importe de quoi il s’agissait de toute façon puisque visiblement cela finirait par empiéter sur ses objectifs personnels…A croire qu’elle ne pourrait jamais être véritablement tranquille, même perdue au fond d’une grotte prétendument abandonnée.

Continuant son chemin, elle recommence à s’avancer bien plus sur ses gardes qu’elle ne pouvait déjà l’être auparavant. Puisque l’enfant venait de cette direction, elle était certaine qu’elle finirait par rencontrer d’autres victimes…Ou encore les personnes responsables de tout ceci. L’avantage était qu’elle pouvait se débarrasser d’eux si le cœur lui en disait. Elle n’avait pas connaissance de leur petit jeu ni de leurs existences, cela signifiait que les chances qu’ils puissent appartenir à Lux Requiem où à une guilde qui y étaient attachée étaient minces. Et ça, cela voulait dire qu’elle pouvait se débarrasser d’eux sans avoir à ses soucier de conséquences éventuelles. Il était de toute façon presque de notoriété publique que Weisslogia aimait la destruction…Il n’y trouverait probablement rien à redire tant que ses intérêts n’étaient pas directement impactés par la disparition de quelques personnes. A dire vrai, il n’était même pas certain que cela attise son intérêt s’il ne s’agissait que de bandits de grands chemins. L’idéal aurait encore de trouver l’endroit vide, mais ces derniers temps le terme tranquillité ne s’appliquait pour elle, étrangement, que lorsqu’elle se trouvait dans sa chambre. Le plus souvent avec son squatteur personnel.

Elle ralentit lorsque le passage commence à se faire plus large. Finalement, elle s’arrête lorsque le passage laisse finalement place à une grande pièce directement taillée dans la pierre, il y a probablement des décennies de ça. Principalement cachée par la roche elle prend le temps d’observer ce qui se présente face à elle. Sur les murs se trouvent bien le genre d’inscriptions qu’elle était venue chercher en se présentant ici en premier lieu. Mais l’endroit n’est pas aussi vide qu’elle l’espérait. Certains renfoncements de roche ont été convertis en cellule de fortune dans lesquelles des personnes visiblement maltraitées et sous alimentées se trouvent. Au centre de la pièce se trouvent diverses installations dont elle ne connait pas encore l’utilité, si ce n’est qu’elle sait déjà que cela ne va pas lui plaire. Ils n’ont en tout cas pas l’air de se trouver ici pour les mêmes raisons qu’elle, car ils ne semblent pas s’intéresser aux inscriptions en langage ancien qui se trouve tout autour d’eux. C’est une maigre compensation mais c’est déjà ça. Il lui est également confortable de constater que les éliminer pour récupérer ce qu’elle est venue chercher ne posera pas de soucis : Elle ne remarque sur eux aucun symbole de guilde, qu’elle soit connue ou moins connues. Et s’il s’agit d’un groupe indépendant, pas de conflit d’intérêt.

« T’as retrouvé la gamine ? » Son regard glisse sur le type qui vient d’être rejoins par un autre, venant d’un des nombreux tunnels qui mènent à cette pièce. « Non, c’est endroit est trop grand pour que je la retrouve tout seul ! » S’en suit une prise de bec entre les deux : celui qui lui balance qu’il doit la retrouver et l’autre qui avance que soit elle ne trouvera jamais la sortie toute seule, soit elle va y passer dans la montagne de toute façon. Les arguments s’enchaînent dans un sens puis dans l’autre sans qu’ils n’arrivent à tomber d’accord. Le ton monte, d’autres type viennent s’en mêler en soutenant l’un et l’autre. Ils finissent par hausser le ton assez pour que leurs voix commencent à résonner dans les galeries. Mademoiselle soupire…Tu parles d’un groupe. Ils seraient capables de se tabasser les uns les autres juste pour savoir qui a raison. Ceci dit, elle comprend mieux les raisons de la présence de Yukino ici. C’est une petite déception de voir que même si elle lui a envoyé la gamine, la tigresse n’a pas pointé le bout de son nez ici avant elle : elle l’avait habituée à bien mieux que cela. L’avantage, c’est qu’avec le boucan qu’ils sont en train de faire, elle ne devrait pas avoir de mal à les retrouver à présent. Mademoiselle pourrait s’en occuper ici et maintenant…Mais cela l’empêcherait de voir si son ancienne élève a continué de progresser depuis son départ.

La principale raison qui fait que Mademoiselle préfère œuvrer en solitaire se joue là, juste sous ses yeux. Le spectacle est ridicule, presque affligeant. Les hommes ne sont pas faits pour s’entendre, chacun voit toujours une manière de faire différente de celle des autres et dès lors que quelque chose se passe mal, l’occasion est trop belle pour blâmer ceux qui ont pris les devants avec des méthodes que d’autres n’auraient pas nécessairement employés. La discorde entre ces hommes est le parfait exemple de tout ce que Mademoiselle cherche à éviter en œuvrant seule -ou avec Midnight puisque le roi flemmard des Lux apprécie de ne pas prendre le commandement des opérations. La seule démonstration de tout ce qu’elle déteste qui se joue là devant elle serait une raison suffisante à tous les anéantir pour simplement mettre fin à ce spectacle grotesque. Le conflit d’intérêt ne serait pas même une barrière à cela, puisque ces hommes ne sont pas rattachés à sa faction. Un groupe solitaire qui rêve de s’élever en enlevant ces gens pour elle ne sait quelle raison, sans doute. Tout ce qui leur donne ce sursis supplémentaire qui ne la fait pas agir, c’est la curiosité. Voilà quelques temps qu’elle a laissé les tigres livrés à eux-mêmes à présent et voir ce qu’il advient d’eux est une donnée précieuse dont elle a besoin pour continuer sa route. Sting n’est pas un exemple suffisant. Cet imbécile de nouveau maitre est incapable de lui porter un véritable coup.

Le ton montait, encore et toujours et pourtant les éclats de voix ne semblaient pas avoir attiré la tigresse jusque-là. Sa déception aurait été totalement si elle n’avait pas choisi cet instant pour se montrer -mais même ainsi, la déception restait présente car avec l’enfant dans les jambes pour la motiver à déceler ce qui se tramais ici, elle avait pris son temps pour arriver alors que Mademoiselle les observait depuis un moment déjà. « Libra ! » Dans les galeries creusées dans la roche, Minerva du changer son point d’observation pour ne rien rater du spectacle. Ces deux types firent mis au tapis puis attachés avec une facilité qui montrait bien plus leur faiblesse que les progrès de Yukino : Voilà des années qu’elle était capable de s’occuper de ce genre de sous fifres. « Tout se passera bien, je vais vous sortir de là. » Peut-être aurait-il cependant été plus judicieux de s’assurer en avoir bien terminé avec les ennemis avant d’envoyer des mots rassurants. Entre les multiples éclats de voix, la taille de l’endroit et le nombre conséquent de prisonniers, il était évident qu’il n’y aurait pas que deux personnes en face. « Tu peux venir maintenant. » L’enfant qui lui avait été envoyée un peu plus tôt sortie des galeries pour le plus grand bonheur de ses parents. Pourtant, il était encore bien trop tôt pour se réjouir et pour considérer que tout était terminé. Faire sortir l’enfant alors qu’elle n’était pas certaine qu’elle ne courrait aucun danger était un risque fort mal calculé, selon elle. Ne lui avait-elle pas enseigné mieux que ça ?

L’attention portée sur les cellules et plus particulièrement leur mécanisme d’ouverture pourrait laisser penser un manque d’attention. Elle espérait que ce n’était pas le cas surtout que le grabuge allait bientôt attirer les foules. « Et si tu sortais de ta cachette ? » Son regard n’avait pas quitté le système qui gardait les cellules closes et pourtant elle s’adressait à elle avec une assurance qu’elle ne possédait pas seulement quelques mois en arrière. Le respect n’était visiblement plus de mise, même si d’autres y restaient attachés. En toute franchise, elle n’avait pas spécialement envie de se montrer. Elle l’avait déjà bien trop aidée en lui envoyant dans les pattes cette petite fille qu’elle n’aurait jamais pu retrouver dans ce dédale de galeries -elle-même avait croisé son chemin par simple caprice du hasard. Elle le fit cependant tout de même, se téléportant en passant d’un portail à un autre, lorsqu’elle vit un nouvel ennemi aux alentours des cages opposées se saisir d’une arme et s’approcher des prisonniers. Apparaissant dans son dos, elle resta droite et fière en lui envoyant une sphère de territoire dans le dos pour le plaquer au sol tout en se saisissant de son arme d’une main agile. Sa sphère, au poids décuplé par sa magie, resta plaquée contre son dos pour le retenir contre le sol sans qu’elle porte quelconque attention à ses cris de douleur. « Ma cachette ? » Elle daigna enfin lever les yeux vers la tigresse sans montrer l’intérêt qu’elle lui portait encore. « Ta mémoire est bien courte, Yukino. » Les entrainements de recherche et de pistages avaient été nombreux, lorsqu’elle portait encore fièrement le même tatouage que la blanche. Jamais les tigres n’avaient été capables de la retrouver lorsqu’elle cherchait à se dissimuler pour les entrainer à retrouver un ennemi ou un prisonnier à sauver. Jamais. Et cela incluait les chasseurs de dragons dont elle devait tromper les sens les plus aiguisés.

Ses doigts jonglent élégamment et avec précision avec la lame volée qu’elle garde en main. Elle n’est pas particulièrement menaçante envers qui que ce soit ainsi, pas même envers cet homme qu’elle décide de garder plaqué contre le sol. Elle n’avait pas l’intention d’intervenir et pensait ne pas avoir à le faire seulement la vie des prisonniers passaient avant l’observation. Finalement, la lame retombe, bien droite, et vient se planter à côté du visage de l’homme à terre. Le pauvre gigotte pour tenter de se défaire d’une emprise face à laquelle il est bien incapable de rivaliser. « Voyons ce que vaut votre intelligence. » Commente-t-elle. Elle ne s’adresse plus à la blanche mais bien à la carpette à ses pieds. « Vos effectifs ? » Hurlements sans queue ni tête. Une seconde sphère de territoire vient le frapper dans le dos pour y rester et tient compagnie à la première. Cri étouffé de douleur. Elle n’a pas de remords lorsqu’elle voit ce que le groupe a décidé de faire à tous ces gens innocents. « Inexistante, semblerait-il. Seconde chance. » Elle lui laisse quelques secondes pour changer d’avis mais sa prise de parole n’apporte pas les réponses attendues. « Vous n’êtes que deux. Vous ne partirez jamais d’ici vivantes. » Arrive-t-il à articuler malgré la douleur de la pression exercée sur son dos. Minerva hausse les épaules. « Non, nous ne sommes pas deux. » Elle lève un regard neutre vers la tigresse, similaire à ce qu’elle a pu connaitre par le passé, si tant est qu’elle est encore capable de s’en souvenir. Déterrons les bonnes vieilles habitudes. « Tu es seule Yukino. Il y a des prisonniers éparpillés un peu partout dans cette grande galerie. Et tu ignores tout des ennemis qui te font face, que ce soit leur nombre ou leurs capacités. Comment peux-tu leur faire face tout en protégeant les personnes vulnérables ? » L’enseignement selon Mademoiselle.

Mademoiselle pouvait comprendre réticence et interrogations. Elle comprenait mieux les sentiments de la tigresse qu’elle ne le laissait paraître. La traitrise n’avait pas fait naître chez elle ce comportement complexe, cette distance qu’elle mettait entre elle et les autres et les épreuves qu’elle laissait sur le chemin. Jamais cela n’avait été pour leur mettre simplement des bâtons dans les roues. Elle avait beau n’avoir jamais contredit ces théories, tout ce qu’elle avait toujours fait, elle l’avait fait dans le but de les endurcir pour les préparer aux épreuves que la vie mettrait sur leurs routes. Cette rencontre avec Yukino n’était pas si différente. Sans aucun témoin pour en attester, elle aurait pu aider la tigresse. Cette dernière ne s’en serait cependant pas retrouvée grandit comme elle le fera en réglant cette affaire toute seule. Quel que soit le contexte, quel que soit la situation elle laisserait toujours entre elles cette distance, cette barrière qui prenait la forme d’une froideur bien loin de ses véritables intentions. Cette rencontre était une épreuve, un test de plus. Yukino ne l’avait jamais déçue. Cette fois serait-elle différente ?

« La rapidité d’action et la réduction des entrées. Il y a 7 cellules regroupées ici et les possibilités qu’il y en ait plus profondément sont nulles si on souhaite garder un certain contrôle sur ce qui vient. Dans le cas contraire, ils auraient rattrapé la petite qui risquait de tomber sur des éléments encore plus gros et compromettant si elle parvenait par miracle à sortir d’ici. » La pause marquée par la tigresse ne fit ajouter aucun commentaire à Mademoiselle. Elle suivait le raisonnement. En tant qu’élève, Yukino était une de ses plus grandes fiertés. Mais ça, elle ne le dirait jamais. « La priorité est l’évacuation, et de bloquer ces galeries pour ne garder que celle-ci » La blanche pointa alors la direction dans laquelle elle venait. Bloquer les galeries permettaient d’empêcher l’arrivée de renforts (ou, au pire, de les retarder). Elle pouvait ainsi secourir les prisonniers sans avoir à gérer des affrontements en simultané. Il fallait encore la pousser vers le haut pour qu’elle trouve en elle le maximum de ses capacités. Il lui suffisait juste de se mettre davantage en avant, de prendre davantage d’initiative et de ne plus regarder les erreurs commises pour qu’elle devienne une grande mage. Elle y arriverait le jour où elle comprendrait que les remords ne réparent pas les erreurs commises. Ils sont là pour apprendre, progresser, ne plus se laisser avoir.

Elle n’avait plus rien à prouver à qui que ce soit, s’en rendait-elle seulement compte ? Minerva était là, un soutien supplémentaire silencieux qu’elle aurait pu solliciter en cas de crise. Mais Yukino avait grandi en tant que personne et en tant que mage. Ne lui manquait plus qu’assez de confiance en elle pour qu’elle n’ait plus besoin d’être encouragée de la sorte. « Polaris. Détruis-moi moi ça veux-tu ? » L’esprit usa de sa force pour créer des éboulements qui coupèrent les voies précédemment désignées et bientôt, il ne resta plus qu’un seul passage : celui qu’elle avait emprunté pour arriver ici. Libra se joignit au premier esprit pour sortir les occupants des cellules directement formées dans la roche sans risque. Certains posèrent un regard curieux sur l’Orland avant de suivre Yukino qui prenait la tête des galeries pour les mener vers la sortie. Elle n’esquissa un sourire en coin que lorsque tous s’étaient engagés assez profondément pour ne plus l’avoir en ligne de vue.  A son tour, elle prit lentement la direction de la sortie.

Elle arrive à l’extérieur quelques minutes après les derniers sortis. A la lumière du jour, tous semblaient en sous nutrition mais sans avoir subi de séquelles supplémentaires. Beaucoup s’étaient attroupés autour de la blanche pour la remercier de les avoir sauvés. « Merci, madame. » Elle baissa son regard vers l’enfant qu’elle avait envoyée vers Yukino un peu plus tôt. La petite lui offrit un léger sourire avant de retourner vers ses parents. Finalement, l’attroupement tout autour de la tigresse finit par se dissiper. Sans doute avait-elle déjà prévenu les autorités pour traquer ceux qui restaient dans les grottes et pour prendre en charge les ex prisonniers. Il était donc temps pour Mademoiselle de s’éclipser. Elle s’engouffra dans un premier portail qui la fit réapparaître dans le dos de Yukino. « N’hésite pas. Ne doute pas. Tu es à la hauteur. Réalise-le. » Le seconde suivante, un second portail l’avait fait disparaître. Yukino n’avait plus besoin d’elle pour s’élever.