Bruit de marteau piqueur sur la table nuit. Grognement sourd. Une main qui saisit le PHS furieux. La lumière aveuglante de l'écran qui surgit avec un nom qu’il ne réussit à lire que grâce à son acuité au-dessus de la moyenne. Autre grognement de bonjour quand il répondit à l'appel de William. Le gamin était persuadé de pouvoir dormir trente minutes de plus. Il avait mis son réveil. C’est une information qu’il répéta deux fois, de manière éparse, dans la conversation déconstruite qu’ils tinrent ensemble.

Evan se dit qu’il avait un peu de temps pour grignoter quelque chose. Il tenta de se faire une omelette au curry qui fut une des choses les plus immondes de sa vie.C’était soit le mélange des saveurs, soit le fait qu’il avait trop cuit les œufs. Partir le ventre vide l’aurait laissé plus en forme. La digestion pesait sur son estomac dans l’héliport. Il commençait à mieux comprendre le mal que ressentaient les dragonslayer. La douleur finit par passer.

Accoudé à la rambarde de l’héliport qui s’approchait de l’arrêt situé sur Mideel, près du désert, pensif, Evan fredonna niaisement :

— Quand te reverraiiis-je,  pays merveilleux ? 1.

La seconde d’après, l’héliport chutait les derniers mètres et Evan passait par-dessus bord. Sur la terre aride et dur, il s’écrasa.

— Nom de Zeus 2

Bredouilla t-il en se relevant et en se frottant le dos douloureux. Coup d’œil derrière. L’héliport n’avait aucun dommage mais tous les passagers avaient été secoués par l’atterrissage raté. Teru haussa les épaules et fila comme le vent à la destination précise donnée par William. Son GPS le lâcha dans le désert, faute de batterie magique. Le con avait oublié de le recharger ! Chance de pute, le brun se souvint qu’il avait la carte du baroudeur dans la poche de sa veste. Preuve que c’était bien de ne pas forcément se changer tous les jours ! Après une dernière vérification sur la carte d’où il en était, il fonça sans pause, fit le tour du périmètre afin de voir qu'il n'y avait pas d'intrus, et s’arrêta net devant Rutherford, faisant siffler le vent autour de lui.

Le visage alourdi de paresse, on n’aurait pas dit qu’il venait de courir un marathon, mais plutôt qu’il était resté planté là pendant des jours sans que personne ne l’eut vu.

— Rien que d’te voir, j’suis encore plus fatigué.

Teru secoua la tête pour s’ôter toutes les images de dur labeur hantant son esprit. Cela bougeait toujours un peu trop avec William !

— Salut chef ! dit-il en semblant se réveiller de sa torpeur, c’est quoi cette fois ?

Le garçon eut à peine terminé sa phrase qu’il se trouvât derrière William, en possession de l’affiche qu’il avait sur lui. Il se répondit donc à lui-même.

— Ah. un contrat de chasse. C’est toi qui l’a pris donc c’est toi qui récupérera la récompense… tu m’enverras la moitié huh ?

Acquiescement du menton. Il a vu un petit groupe de ces bestioles à moins d’un kilomètre. La mission parlait cependant de la périphérie de Crystal Valley, ce qui incluait un terrain bien plus vaste que cela. Ce serait un travail de longue haleine. Pour l’instant, ils se trouvaient côté nord, il serait donc plus judicieux en terme de timing que William s’occupa de cette partie. Le gamin fit un tour complet de la périphérie en question suite à sa demande. Quand il se retrouva devant William à nouveau, il tenait sa carte du baroudeur par laquelle il transmettait les coordonnées de tout ce qu’il avait trouvé. La carte lui répondit :

— Je sais très bien où on trouve les loups des sables, bouffon.

Evan n’était tout bonnement pas au courant de cette fonctionnalité, qui leur simplifierait la vie dans le cas où il aurait oublié une zone à nettoyer. Il n’y a plus qu’à, comme disait le chef.

— À tout de suite, chef !

Evan passait par l’itinéraire de l’argenté pour se rendre au sien, il lui fit une fleur en passant près des loups à la vitesse du son, envoyant des pichenettes par ci et par là, les assommant un peu avant l’arrivée du Rutherford. Celui-ci était si lent que les bêtes seraient peut-être déjà remises en attendant !

Côté Est, Evan s’arrêta sur la plaine de dunes. Il faisait encore frais à cette heure-ci, cependant, le soleil commençait déjà à menacer le désert. Dans un peu plus d’une heure, cela deviendrait insupportable pour Teru. Moins prévoyant que son homologue, il était vêtu d’un t-shirt et d’un jean gris, dont la matière était très souple, adaptée à ses mouvements et leurs vitesses. Teru devait toujours acheter des vêtements spéciaux en raison de sa magie. Les trois loups présents eurent un temps de retard avant de montrer les crocs, l’un d’eux chuta vers l’arrière suite à un bond de surprise. Agile, il avait roulé sur ses pattes à une rapidité presque respectable du point de vue de Teru. Ce dernier attendit la première attaque, qui ne se fit pas attendre. Un loup ouvrit la bouche, acte que le brun vit au ralentit. L’acide en émergea comme un film en slow motion, Teru avait déjà foncé. De sa célérité impossible à suivre par leur œil de mammifère non évolué, il attrapa par les aisselles un loup qui fléchissait très lentement les pattes arrières, et le plaça en plein sur la trajectoire de l’acide jetée par l’autre. Teru releva ses lunettes sur la tête et aurait presque tenté de regarder sa montre d'impatience, le temps que le crachat n’atterrisse sur le monstre d'en face et ne le fasse hurler de douleur. Se tenant derrière le groupe, Evan grimaça et tâcha de se dépêcher de briser les cous. Il avait beau être dans la guilde qui ne se faisait pas prier pour quelques séances de torture, Teru ne prendrait probablement jamais de plaisir dans la souffrance d’autrui. Cependant, il n’hésitait pas à la faire subir quand cela était nécessaire. En fait, disons qu’il ne faisait pas partie des chanceux qui joignaient l’utile à l’agréable. Un temps d’arrêt, où il observa étrangement le corps des bêtes gisant au sol et où il se demanda si ça faisait la même chose, de s’en prendre à un humain. Le visage indolent, il remit ses lunettes devant ses yeux pour aller nettoyer la zone suivante.

William avait bien fait ses calcul. La rapidité d'Evan jouait en la défaveur des loups, dont les attaques à distance se retournaient à chaque fois contre eux grâce à ses méthodes. Teru avait encore beaucoup de ressources après ses premières chasses. Entre le temps encore frais et aucun transport lourd à effectuer jusqu'à maintenant, contrairement à la dernière fois, il pouvait tenir encore une petite heure à ce rythme plutôt tranquille. Il avait eu environ le même nombre d'ennemis que William jusqu'à présent, mais sans faire face à la difficulté de se retrouver contre des personnes ayant plus d'aptitudes à la réflexion. Il s'autorisa à déballer une Chupa chups après une autre petite victoire, lunettes scotchées au front. Distrait, il ne pensa pas à vérifier sa carte mais William le rappela à l'ordre. Son PHS vibra dans sa poche, lui évoquant le marteau piqueur du matin. Un frisson de paresse dégringola le long de son dos avant qu'il ne saisisse l'appareil et ne décroche.

—Teru ?
—Oè ?
— Je t’ai envoyé ma position. Je vais avoir besoin de toi. Et reste discret, j'ai croisé des patrouilles à l'instant.

Le gamin garda le PHS dans une main, sortit sa carte de l'autre et la déplia en agitant le bras. Il repéra le nouveau point envoyé par son camarade. Rutherford en était plus proche. Evan arriverait avant.

— Roger.

Le gamin replia soigneusement la carte, puis, il croqua sa sucette, ce qui fit un bruit aussi agréable qu'un crissement de craie sur un tableau. Ses lunettes furent rajustées sur ses yeux et son batonnet vola derrière la position qu'il quitta à l'instant, au ralenti, tandis que lui avait disparu. Il fonça vers le point de rendez-vous. En approchant des dix monstres réunis en meutes, il dépassa la vitesse du son et tacla les pattes des dix monstres sur son passage. Sans mettre de force, la vitesse fit que des os se brisèrent tout de même. Le gamin aperçut William au loin et vint le moment le plus embêtant pour lui. Ils ne devaient pas être vus ensemble, or Teru n'avait pas pensé à vérifier le périmètre. C'est ce qu'il fit en disparaissant des lieux, laissant à son aîné le soin de commencer le travail. Après deux tours complets, quand il revint, deux loups blessés envoyaient des rideaux d'acide vers son camarade. Teru entra dans sa meilleure vitesse. Il déplaça William d'un mètre sur le côté et mit le loup le plus en forme à sa place. Quand le gamin réapparut à plusieurs kilomètres, afin d'observer la scène de loin, il put voir sa cible se faire cramer, tandis que l'argenté avait poursuivit le combat presque comme si de rien n'était, intact.