Si l’idée de partir à la traque du prisonnier évadé n’enchante pas Mademoiselle, elle a néanmoins assez de bon sens pour être consciente qu’en effet, les meilleures chances qu’ils peuvent avoir de récupérer le captif disparut -un misérable insecte qui se pense plus malin qu’eux- c’est d’envoyer le duo qu’elle forme avec Midnight…Les illusions du mage peuvent leur garantir une discrétion sans faille sans avoir à faire de détour et ainsi perdre du temps, tandis que la magie de l’ex-tigresse est parfait pour la capture et la détention du mage le temps de le ramener au laboratoire, qui est déjà en train de faire quelques aménagement supplémentaires pour que son prochain séjour se passe pour le mieux…Peu de mage valent la peine que l’on se donne ce mal pour eux, mais sa quantité de magie est colossale alors ils font un effort pour lui. Ne devrait-il pas s’en sortir honoré ? Quelle ingratitude.

Le duo de Lux Requiem se rend à l’hélistation la plus proche dénuée de dispositif de détecteur de magie, aux abords du désert. Epaule contre épaule pour être tous deux englobés dans l’illusion ils attendent patiemment que les personnes qui attendaient l’engin montent. Lorsqu’il y a moins de passage ils s’y engouffrent en prenant soin de ne toucher personne alors que le personnel, en train de vérifier les billets des passagers. Personne ne se doute une seule seconde de rien. Il faut reconnaitre que pour cet aspect ce n’est pas désagréable de travailler avec l’illusionniste. Une fois les contrôles passés, ils se dirigent vers l’arrière du véhicule, où il ne se trouve presque personne. « J’espère que tu es de meilleur poil que la dernière fois, c’est bientôt l’heure de la sieste » Marmonne le mage. Le regard froid et haineux qu’elle lui adresse vaut sans doute toutes les réponses du monde. L’héliport décolle, avec ce moyen de transport ils seront bien vite aux Monts Cordés. Eux deux faisant une équipe remarquable malgré le manque évident d’affinité entre eux, le fugitif sera appréhendé rapidement, ce qui signifie qu’ils rentreront bien vite. Midnight n’aura qu’à dormir à ce moment-là.

Il trouve un recoin sous des escaliers dans lequel s’installer, croise les jambes et les bras, et lève la tête vers Minerva. Son air est toujours aussi froid et sévère lorsque leurs regards se croisent. « Il est temps d’enterrer la hache de guerre, tu ne crois pas ? Je te promets une revanche, quand je serai… » Pantouflard qu’il est, la fin de sa phrase se perd lorsqu’il met une main devant sa bouche pour bailler, et il s’en moque bien. « Quand tu seras quoi ? » Demande-t-elle dans un soupire. Elle n’aime pas les choses faites à moitié, l’Orland. Si le duo s’accorde effectivement à merveille en termes d’efficacité, l’entente n’est pas au rendez-vous mais son nouveau maitre semble déjà avoir fait d’eux une équipe à part entière. Minerva n’avait jamais connu jusque là pareille défaite et son égo ne l’a toujours pas accepté. Apprécierait-elle de faire équipe avec lui sans ce passif entre eux ? Elle reconnait que ses capacités sont dignes d’intérêts. Un compliment venant de la grande Mademoiselle n’en doutons pas, mais qui ne franchis pas ses lèvres à cet instant. La défaite lui brûle encore la gorge, elle ne l’accepte toujours pas.

Ses yeux se ferme et sa tête se baisse, comme s’il somnolait déjà. « Si tu t’éloignes, tu sors du champ » Elle n’est pas encore officiellement recherchée mais les soupçons pèsent depuis sa disparition, et elle sait être recherchée par une partie des membres de son ancienne guilde. Autant que possible elle préfère ne pas être vue. Surtout qu’elle ne connait que trop bien la détermination des tigres, puisque c’est elle qui l’a forgée. « Je sais. » Répond simplement Mademoiselle, qui semble peser le pour et le contre à l’idée de le laisser dormir. Il ne faudrait pas qu’il prenne de mauvaises habitudes. Cela dit, si cela peut l’empêcher de faire quelques remarques durant le voyage…Acheter sa tranquillité à du bon parfois. Elle s’installe non loin de lui. « Juste pour cette fois. » Concède-t-elle. Cela lui permet de profiter du trajet pour observer la carte de la zone et de déterminer le meilleur itinéraire une fois qu’ils auront atterrit, mais aussi les voies de fuites possibles pour à être préparée au mieux. C’est en ne rien laissant au hasard que les plus grandes batailles deviennent d’écrasantes victoires.

Lorsque l’héliport se pose, elle laisse passer quelques minutes, le temps que les passagers commencent à descendre doucement. Elle secoue son partenaire avant de se redresser. « La sieste est terminée. » Ils descendent ensemble avant que l’engin fasse monter un nouveau lot de voyageurs qui se rendent à l’une des prochaines destinations. « Dépêchons-nous. Je voudrais en terminer au plus vite. » Murmure Mademoiselle, non pas parce qu’être sur le terrain la dérange, mais bien davantage parce qu’elle sait que Midnight n’a qu’une envie : retourner dormir. Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas de l’altruisme. Ce n’est simplement pas agréable pour elle de travailler avec l’ultime rang S des flemmards.

Prendre la voie des airs pour arriver jusqu’ici leur a fait gagner un temps précieux, mais ils ne peuvent plus prendre aucuns raccourcis désormais et ils se lancent donc sur les chemins pour rendre le village dans lequel le fugitif est supposé avoir trouvé refuse, se basant sur son itinéraire et sa vitesse de déplacement. Elle espère que les données sont fiables. Dans le cas contraire, les recherches devront s’allonger et elle n’aime pas perdre son temps, encore moins lorsqu’elle a étudié un problème afin de pouvoir le résoudre de la manière la plus efficace et la plus rapide possible. L’Orland n’est pas très bavarde, mais elle réfléchit déjà aux alternatives lorsqu’ils approchent du fameux village. 

Mademoiselle ouvre la marche sur les chemins de montagne lorsque son partenaire reçoit un appel sur sa lacryma de communication.  « Les autorités se sont rendus à l’ancien emplacement du laboratoire » Elle tourne son regard dans la direction de Midnight. « Cela veut dire que notre proie a eu le temps de les prévenir. » Le misérable insecte… Songe-t-elle, sans prendre la peine d’exprimer le fond de sa pensée à voix haute. Elle ne doute pas que son mépris à son égard est partagé par le flemmard qui lui tient compagnie. Malheureusement pour leur cible, il est trop important pour qu’on le laisse filer sous prétexte qu’ils ont eu le temps de déménager leurs installations. Qu’il ne se fasse pas de soucis, une toute nouvelle cellule spécialement aménagée pour lui l’attend…Qu’il continu de se croire bien en sécurité dans cette ville. La désillusion n’en sera que plus grande, que plus réjouissante. Il lui tarde de voir le désespoir le gagner peu à peu alors qu’il commencera lentement à comprendre que sa liberté n’était qu’éphémère, de voir ses rêves de liberté et d’une vie normale s’éteindre. C’est bien la seule perspective qui rend cette mission quelque peu digne d’intérêt.

« Si ton pouvoir permet vraiment d’enfermer cet homme, la facilité de cette mission est déconcertante… j’ai bien envie de détruire cet endroit en partant » Soupire son coéquipier alors qu’ils ralentissent tous les deux, arrivant proche du village. Elle pose sur lui un regard entièrement dénué d’intérêt. « Il n’était pas nécessaire de nous y envoyer tous les deux. » Mais ce sont les ordres de Weisslogia. Le maitre veut sans doute que les deux mages qu’il a décidé de mettre en équipe malgré une mésentente cordiale évidente apprennent à travailler ensemble. Qu’importe que Minerva l’ait prévenu qu’il n’était pas stratégique d’envoyer deux de ses meilleurs éléments en duo sur une mission que même un simple d’esprit serait capable d’accomplir avec un plan convenable. « Notre objectif est de ramener notre cible…Je ne tiens pas à ce qu’on se fasse remarquer. » Souffle-t-elle en réponse à son idée de détruire entièrement l’endroit. Ils sont ici pour récupérer le sujet d’expériences d’un de leurs laboratoires illégaux…Moins ils se font remarquer et mieux cela sera pour la suite des activités de leur guilde. Et, en outre, elle aime l’idée que le doute plane quant à son affectation. Elle ne veut pas laisser de preuves derrière elle et n’a l’intention, à cet effet, d’ôter aucune vie, aussi pathétique puisse-t-elle être.

Ils poursuivent leur avancée jusqu’au passage d’un véhicule sur le chemin, à une cinquantaine de mètre d’eux. Le bras de Midnight barre la route de Minerva tandis qu’il lui désigne le véhicule du doigt, véhicule avec l’insigne de la guilde de leur cher évadé. Sont-ils véritablement bêtes au point de se vendre ainsi ? Les imbéciles… Ce manque de réflexion et de sens logique est une aubaine pour eux. « Ils sont venus le chercher. » Minerva hoche la tête. Les alliés de la cible sont si bêtes que le duo n’a plus qu’à attendre qu’ils repassent en leur apportant leur proie sur un plateau d’argent. C’en serait presque risible. Ils échangent tout deux un regard et conviennent de s’éloigner un peu pour attendre le retour du véhicule qui viendra leur apporter leur proie sans qu’ils aient besoin de le chercher dans le village. Lorsque le véhicule se présente de nouveau devant eux, il ne fait pas long feu, les tranchants d’air de son compagnon crèvent les pneus et scindent le véhicule, qui termine sa route dans le décor. L’un des passagers est blessé par le sort, et ils n’ont d’autres choix que de sortir de leur véhicule dorénavant inutilisable. Minerva était déjà prête à devoir utiliser un de ses sorts pour ramener les fuyards près d’eux…Mais ils ont, semblerait-il, la prétention de croire qu’à six contre deux ils ont toutes leurs chances. Ridicule.

Mademoiselle est déjà prête à leur envoyer quelques sorts à la figure afin qu’ils réalisent chacun la bêtise dont ils font preuve en leur faisant face de la sorte. C’était sans compter sur son cher coéquipier qui vient se saisir avec délicatesse de ses poignets avant de poser son menton sur son épaule. Une majeure partie de la population de se monde ne serait plus en vie à l’instant même où il aurait posé ses mains sur mademoiselle. Mais elle est surprise par cette délicatesse qu’elle ne lui connaissait pas, et doit bien reconnaitre que l’odeur de vanille qui flotte dans les airs lorsqu’il est proche d’elle n’est pas désagréable. Ajoutant à cela les petits mots qu’il lui adresse Minerva est sous le charme hautement intriguée. « Pourquoi te presser ? Tu es invincible » Il lâche finalement ses poignets et recule. En face, les mages perdent clairement patience et envoient, dans le même temps, plusieurs sorts sur Mademoiselle, qui ne bouge pas d’un pouce. Elle connait l’effet de la magie de Midnight pour s’être battue contre lui à la Cité Royale. La sensation n’en reste pas pour le moins beaucoup plus agréable que prévu. Un fin sourire satisfait se dessine sur son visage alors que tous les sorts sont renvoyés sans jamais l’atteindre. Elle les toise, de toute sa grandeur, avec ce sourire qui ne la quitte pas. Étrangement, elle a en effet envie de prendre son temps et de pleinement profiter des effets de la magie de son compagnon.

Leur fierté semble leur faire croire qu’ils peuvent avoir le dessus, croisant les bras elle contemple ce spectacle durant lequel ils s’épuisent en multipliant sur elle des sorts qui ne l’atteignent jamais. C’est pathétique. Lorsqu’elle juge qu’ils se sont assez inutilement acharnés sur elle, elle cible l’un des hommes venus chercher leur proie et lui envoie une vague de territoire en pleine face. L’homme traverse quelques arbres avant de s’écrouler au sol. Elle ne le quitte pas des yeux. Il lui faut plusieurs secondes pour se relever, mais elle voit à son état qu’il est déjà hors combat. « Quoi, c’est tout ? » Son regard glisse sur les autres hommes, qui semblent tétanisés. « Je m’attendais à mieux… » Soupire-t-elle, presque déçue. Elle n’a que faire des insectes insignifiants, ce qu’elle recherche ce sont de grandes batailles qui amènent à de grandes victoires. Elle cible un deuxième homme, totalement au hasard. Il subit exactement le même sort que son compagnon. Serait-ce si facile, sans l’invincibilité offerte par Midnight ? Peut-être que ces mages, outre leur résistance exécrable, ont une force de frappe impressionnante ? C’est dommage…Elle ne le saura jamais.

La cible semble comprendre qu’ils sont là pour lui. Lâche comme il est, il est prêt à abandonner là ses coéquipiers pour sauver sa peau. Tournant les talons, il semble mettre toute son énergie dans la fuite. « Toi, tu ne vas nulle part. I Raagd. » Elle tend le bras dans sa direction et le voilà privé de toute liberté de mouvement. Elle pourrait tout aussi bien l’enfermer dès à présent dans sa dimension magique, mais pour l’heure elle le laisse simplement profiter encore un peu de leur compagnie, du spectacle qui va s’offrir à lui. Il doit apprendre à qui il a à faire, il doit comprendre que se rebeller est une très mauvaise idée. « Admire donc les résultats de ton égoïsme. » Sur les trois mages encore debout, l’un d’eux s’approche de son allié pour tenter de le libérer du sort de Mademoiselle, tandis que les deux autres semblent penser que, maintenant qu’elle est occupée ailleurs, elle sera vulnérable. Elle ignore les sorts qui sont lancés sur elle, puis sur Midnight en désespoir de cause.  La magie de son coéquipier est telle que rien ne les atteint de toute façon. Alors elle se concentre sur celui qui tente d’aider son ami. Quelques sphères de modification de territoire suffisent à le mettre à terre en le faisant pousser des hurlements qui réveilleraient les morts. La proie hurle, encore et encore. Ils l’ont eu, ils peuvent bien laisser ses amis à présent. Mais Mademoiselle n’est pas de cet avis. Il doit souffrir, il doit vivre avec cette culpabilité qui lui passera l’envie de recommencer à faire n’importe quoi. « Toutes leurs souffrances sont uniquement de ta faute. » Lui souffle-t-elle. La seconde suivantes, d’autres sphères de modification du territoire sont invoquées. Les hurlements de ses deux derniers alliés debout viennent rejoindre les autres. Et lorsqu’elle en a terminé avec eux, leur cible est enfin enfermée dans sa dimension pour qu’elle n’ait plu à supporter ses sanglots dégoutants. Les cinq mages sont en vie. Dans un assez sale état pour ne plus avoir envie de se mesurer à eux de nouveau, mais en vie. Elle se tourne vers Midnight et les laisse à leur lente agonie. « La cible est capturée. Rentrons. »

Leur cible étant enfermée dans sa dimension et les autres insectes n’étaient plus en état de les poursuivre, elle se tourne vers son coéquipier, prête à rentrer. Est-ce qu’elle estime que ces insectes ne valent même pas la peine qu’on leur ôte la vie, ou s’en persuade juste-t-elle ? Quelle que soit la réponse, Midnight la toise avec une pointe d’amusement dans le regard. Ses lames d’air surgissent pour faucher les vies qu’elle laissait simplement à l’agonie. « Il ne faudrait pas mettre en péril les incertitudes à ton égard. Une vie de fugitif est très fatigante. » Impassible, elle pose son regard sur lui sans répondre ou ajouter quoi que ce soit. Elle n’a jamais caché que ce qu’elle recherchait à Lux Requiem était la puissance. Les idéaux de la guilde ne seraient, à ses yeux, jamais mis avec ses objectifs personnels. Weisslogia n’était certainement pas dupe à ce sujet. Elle croise ses bras sur sa poitrine lorsqu’il contacte la guilde pour qu’elle les informe du nouvel emplacement de la guilde. Sans un mot elle le regarder passer quelques appels avec sa lacryma de communication. « Les monts Serchel. » Elle hoche simplement la tête. Ils n’ont plus qu’à s’y rendre pour y livrer le prisonnier et ils pourront alors rentrer à la guilde et se remettre à leurs occupations. Midnight baille, il n’est pas difficile de deviner ce qu’il fera une fois rentrés -ou même ce qu’il fera avant de rentrer s’il en a l’occasion. Tant qu’il peut maintenir son illusion pour qu’ils voyagent tranquillement, elle se fiche bien de ce qu’il fait ou non, de toute façon.

« Tu pourras me prendre un tapis volant la prochaine fois que tu passes en ville ? Ça me permettrait de dormir pendant les trajets à pied… Ou alors… dans quel genre de prison as-tu mis notre proie ? Est-ce que c’est confortable ? » Elle tourne le regard vers lui, un regard bien moins empli de mépris, et un peu plus curieux, qu’elle ne l’aurait cru. Elle l’estime un peu plus, malgré la défaite qui lui reste au travers de la gorge, depuis qu’elle a été englobée dans sa magie, ce qui l’a rendue littéralement invincible. Confortable n’est pas le mot qu’elle emploierait mais force est de constater que Midnight est bien capable de dormir partout. Il ne fait aucun doute que cet espace, vide sombre et silencieux, pourrait bien convenir à cette étrange marmotte de compétition. « C’est calme. » Finit-elle par répondre avant de reporter son regard sur le chemin. N’est-ce pas tout ce dont il a besoin, de calme ? Elle n’a jamais vu cette utilité à sa magie, mais le roi des flemmards qu’il est semble être particulièrement ingénieux lorsqu’il s’agit de trouver des solutions pour en faire le moins possible et pour sortir paisiblement. « Mais c’est exclu. Nous avons besoin de ton sort d’illusion pour voyager sereinement. » Elle ne dit pas qu’elle ne veut pas essayer. Cela dit, elle ne dit pas le contraire non plus. Seulement que le contexte ne lui permet pas d’entrevoir l’éventualité pour le moment. « Je tâcherai de penser à toi si je croise un marchand qui vend des tapis volants. » Dans ce genre de situations, c’est mieux que de l’entendre se plaindre. Même si aujourd’hui il semble être de merveilleuse humeur : les kilomètres s’allongent face aux contrôles renforcés et il se contente d’une moue boudeuse adorable sans se faire compagnie désagréable. Minerva est assez reconnaissante du fait qu’il ne lui casse pas les pieds pour envisager de lui acheter, son tapis. C’est aussi un investissement pour une tranquillité future, puisque le maitre des Lux semble vouloir faire d’eux une équipe régulière.

Lorsqu’ils trouvent enfin une station qui ne dispose pas de dispositif complexe de sécurité, Midnight soupire de soulagement à côté de Mademoiselle. Elle ne s’e formalise pas et, cachée dans l’illusion, se contente de monter sur le vaisseau aux côtés de son camarade. Comme pour l’allée ils se trouvent un coin au calme, qui n’est pas fréquentés, et s’y installent pour le trajet. Elle lit sa demande dans ses yeux avant même qu’il ne la formule. Cette fois-ci, c’est elle qui ose un léger soupire. « Oui, je te réveille en arrivant. » Concède-t-elle. La rancune étant à présent bien moindre, il ne lui est plus profitable de l’empêcher de dormir un peu. Au contraire même, le mage noir est un allié dont la compagnie est bien plus agréable lorsqu’il a dormi…Ou tout simplement lorsqu’il dort. Elle ne le repousse même pas lorsque sa tête retombe su l’épaule de Mademoiselle, qui se contente de regarder de haut cette bouille endormie, qu’on peinerait à imaginer criminel de masse en le voyant ainsi. Tournant la tête sur le côté, elle contemple les paysages jusqu’à ce qu’ils arrivent. Minerva n’a qu’une parole et il ne lui viendrait pas à l’idée de laisser son camarade pioncer là pour voir à quel moment il finirait par se réveiller de lui-même. Elle le secoue doucement lorsque le transport se pose aux Monts. « Nous y sommes. » Il n’est pas au bout de ses peines, puisqu’il faut encore marcher un long moment pour atteindre le laboratoire, perdu au fin fond de chemins qui ne sont plus fréquentés depuis un moment. Lorsqu’elle tape le code d’entrée, elle sait qu’un garde à l’intérieur aura tout de même vérifié de qui il s’agit avant d’enclencher le mécanisme qui ouvre la porte. Avec les récents évènements, eux aussi ont décidés d’augmenter la sécurité des lieux. A peine ont-ils mis les pieds dans la bâtisse que la porte se referme derrière eux et que plusieurs gardes viennent à leur rencontre. « Où est le prisonnier ? » Demande l’un d’entre eux, qui n’a visiblement aucune patience. Mademoiselle, qui n’aime pas qu’on s’adresse à elle de la sorte, le regarde de haut un moment, avant d’ouvrir le passage vers sa dimension, qui balance le mage capturé aux pieds du garde aux manières douteuses. « Tachez donc de ne plus égarer qui que ce soit. » Lâche-t-elle sèchement. Le boulot est fait, ils n’ont plus qu’à rentrer à présent.

Elle toise sévèrement ce mage aux manières discutables alors que le duo tourne les talons pour rentrer à Lux Requiem. Cette alliance d’apparence fait qu’elle ne peut lui faire comprendre un peu plus clairement à respecter ses pairs, d’autant plus ceux qui seraient capables de les exterminer sans grand effort. Le jour où l’alliance se brisera -car personne d’est dupe, elle n’a jamais été construite dans l’espoir de durer- cet homme a tout intérêt à ne pas se trouver dans les parages. Ceci dit, si l’alliance venait à tomber les cartes se verraient redistribuées, les rapports de force auront tout le temps d’évoluer d’ici là et qui sait où se trouvera alors l’Orland ? Son allégeance n’a pas été offerte à son nouveau maître de guilde, seulement à cette promesse de ne plus connaitre la défaite -promesse qui semble s’être tenue lorsqu’il a insisté pour qu’elle fasse équipe avec Midnight. Si l’alliance tombe, la position de Lux sera probablement redéfinie. Impossible de savoir alors dans quelle direction son chemin pourra la mener, même si Minerva est prévoyante. Elle a déjà quelques idées bien définies de la façon dont les choses pourraient se dérouler et de ce qu’elle ferait en conséquence. Tout cela n’est rien de plus qu’un peu d’anticipation.

Le retour se fait dans les mêmes tons qu’à l’allée : Midnight dort sur l’épaule de Minerva lorsqu’ils sont dans un transport qui le lui permet et marche avec une étincelle de désespoir dans les yeux lorsqu’il faut marcher sur de longs trajets. Le silence les berce. Midnight parce qu’il est sans doute trop flemmard pour avoir envie de discuter avec l’Orland. Et Minerva parce qu’elle médite sur les mots qu’il a prononcé un peu plus tôt. Les choses seraient plus simples si tu jouais double jeu en restant chez les tigres. Plus le temps passe, plus les soupçons sur toi s’accumulent et réduisent à néant tes années de loyaux services. Mais rester chez les tigres ne lui permettrait pas d’avoir une vision assez vaste des plans de Lux. Elle passe bien trop de temps à étudier les plans de son maître de guilde pour y suggérer des améliorations. Cette idée est hautement incompatible avec ses projets. Qu’importe que les soupçons soient sur elle et qu’elle ne puisse plus circuler librement. Dans le fond il n’y a que son camarade, qui ne peut de fait pas évaluer les conditions de sommeil dans sa dimension magique, que cette idée dérange.

***

Elle est élégamment installée dans un fauteuil confortable faisant parti du mobilier de sa chambre, jambes croisées et un livre entre les mains lorsque de petits coups contre la porte résonnent dans la pièce. Personne n’est alors jamais venue la déranger dans sa chambre le soir venu, pas même le Maître. Elle présume, de fait, que l’on vient l’entretenir d’un sujet important lorsqu’elle invite la personne postée dans le couloir à entrer. C’est un flemmard en tenue sombre qui pénètre chez elle en se frottant un œil fatigué du poing. Ce choupinou est donc un tueur de masse. « Il y a du bruit chez moi. Je peux passer la nuit ici ? » lui demande le sans gêne. Elle soupçonne le Maître de la guilde de l’avoir volontairement installé dans un endroit bruyant pour qu’il ne passe pas son temps à dormir et qu’il ait ainsi plus de motivation à partir en mission. Une stratégie soldée en échec, selon Mademoiselle. Rien ne semble être capable d’empêcher le flemmard de dormir. Bien dormir, par contre, c’est une toute autre histoire et c’est sans doute là la raison de sa présence ici. Elle le contemple un instant de son regard perçant, qu’il est peut-être trop endormi pour remarquer. Le gout de la défaite ne l’a jamais réellement quittée mais celui de l’invincibilité qu’il lui offre semble surplomber tout le reste. « Ne me dérange pas. » Finit-elle par répondre en baissant ses yeux sur son livre. Il n’est pas si évident de comprendre que c’est une façon pour Mademoiselle de lui faire comprendre qu’il peut s’installer chez elle tant qu’elle peut continuer de lire tranquillement. Midnight est de toute façon bien trop pantouflard pour tenter une conversation ou quoi que ce soit d’autre, elle sait que son calme n’est pas menacé avec lui car il cherche exactement la même chose. Elle se perd dans son livre alors qu’une douce odeur de vanille se mêle à celle du jasmin dans sa chambre.