Je souris, trépignant d'impatience. Assise à la terrasse d'un café, j'ai un mal fou à rester à ma place. Mes yeux pétillants de bonheur, il y a bien longtemps que j'ai été aussi enthousiaste. Je scrute la foule, espérant voir l'objet de toutes mes attentes. J'ai rendez-vous avec Rui. Une jeune soldate à la manie d'attirer tous les malheurs sur elle. Je rougis quand j'y repense, c'est assurément la fille qui me comprend le mieux. Il m'est si difficile de me sentir à l'aise en société, malgré les nombreux conseils de Jenny, qui soit dit en passant, ne sont pas forcément les plus diplomatiques non plus. Je me cale au fond de ma chaise. Il n'y a pas que ça. Je baisse les yeux de timidité tout en serrant ma tasse. Je veux le voir. Notre rencontre ne s'est pas passée sous le meilleur des auspices, c'est vrai. J'aurais dû ne pas vouloir le revoir mais il m'obsède. Est-ce le fait qu'il soit un Edorasien ?

Le Commandant de la 1ère. Un homme qui est devenu commandant en bossant comme un dingue. Il est impressionnant. Pourtant, l'envie de le frapper me prend à chaque fois. Il est mesquin et arrogant, je déteste ce genre d'homme pourtant. Il est agaçant à me prendre de haut. Pourtant ... Cela ne semble pas le gêner que je le reprenne sur sa façon de parler, de penser. Une guerre de soumission a commencé entre nous. Je devrais pourtant pouvoir l'oublier facilement, mais cet idiot reste coincé dans ma tête, me provoquant un agacement certain.

Elle arrive enfin, je lui adresse un timide sourire, espérant qu'elle ne se prenne pas le pied dans un pavé et qu'elle s'étale sur tout son long. Chose extraordinaire pour moi, quelque chose que je ne savais pas faire. Je me suis entraînée des heures dans la glace, à enlever cet air carnassier. On aurait dit un vampire en manque de sang depuis des jours et qui réclame sa dose. C'est en comprenant que montrer toutes ses dents n'était pas forcément une super bonne idée. Juste montrer ses lèvres. J'ai juste l'air débile, on va dire que c'est toujours mieux que de passer pour un cannibale. Je l'invite à s'asseoir, me rappelant chacune des leçons de Maître Bob. Louée sa patience ! Maintenant, je peux sortir en public sans alerter la garde la plus proche. Je suis tellement terrifiée de me faire passer un savon par lui que j'en ai des gouttes de sueur qui perlent le long de mon dos. Je me débarrasse de cette sensation en commençant la conversation :

"Salut Rui, ça faisait longtemps."

Je repose ma tasse et je lui lance un regard plein de défi avant de reprendre :

"Tu sais quoi ? J'ai bien envie d'aller faire trempette chez notre hôte favori. Je suis pratiquement sûre qu'il nous en veut plus pour la dernière fois ... Tu en dis quoi ?"

Un sourire de sa part me suffit à comprendre qu'aller embêter le maître de Saber est toujours une expérience délicieuse. Monsieur Sting est un être intéressant lui aussi, lui rendre visite est toujours une expérience plaisante. Il n'y a rien à dire, depuis notre arrivée sur Edolas, les choses sont follement plus excitantes. Nous marchons toutes les deux dans la rue quand j'entends un bruit étrange.

"Tu as entendu ?"

Le bruit s'éloigne, ça provient du sol ... Les égouts ? Je hais les égouts, c'est humide et sale. J'entends faiblement un "Au secours !". Je ne peux pas rester sourde à un appel à l'aide. Aider les gens, c'est mon métier en tant que mage. Je me tourne vers Rui, les mains sur les hanches :

"Tu as entendu comme moi ? Je suppose qu'on a pas le choix ..."

Je ferme les yeux, retenant un écœurement, je HAIS les gens qui tombent dans les bouches d'égouts, l'idée de rentrer dedans me donne la nausée ... J'ai l'impression de rentrer dans la maison de mon enfance. J'ouvre les yeux et saute dans la bouche d'égout. Espérons que ça ne soit pas long ... J'atterris sur un petit trottoir, l'eau croupie passant à côté de moi, elle doit m'arriver à la taille mais l'idée d'y faire une trempette m'inspire pas des masses.

"Bon, par où qu'on va ?"

Rui trottine devant moi. Elle me fait rire avec sa démarche. Je passe la main sur le mur, essayant de trouver une prise sur la surface pourrie d'humidité. Je réprime un frisson de dégoût. Je hais l'humidité plus que tout. Je préfère de loin le désert aux forêts tropicales. Autant dire que je patauge dans un avant-goût de l'enfer. Je me retiens de hurler et de foutre le camp. Mon amour-propre m'étreignant bien solidement. Laisser Kagura toute seule n'est pas non plus quelque chose de très correct. L'odeur est de plus en plus insupportable. J'ai l'impression qu'elle pénètre les pores de ma peau. J'ai la nausée qui monte, je vais rendre le contenu de mon estomac, ce qui ne se verrait même pas, je ne sais pas ce qui est le pire, en fait.

“On aura bien mérité de s’baigner après !”

"Un bain. Je veux aller me laver là. Je suis sûre qu'on va puer pendant des jours ! Remarque, ça va rajouter un peu de fun chez Chaton !"

Je nous imagine, débarquer chez Saber, sortant des égouts. Je n'imagine même pas la dégaine et l'odeur. Mais le plus drôle, ça serait la tête de Chaton. La mâchoire complètement décrochée, les yeux sortis de leurs orbites, son âme s'envolant au gré du vent : la PLS ultime. Je ne peux pas m'empêcher de rigoler. Il n'y a pas plus amusant que de rendre fou Eucliffe fou. Un jour, je devrais peut-être changer de victime mais comment peut-on se lasser de faire tourner en bourrique ce dragon slayer ?


“Par là !”

Elle se met à courir, je lui emboîte le pas. J'ai aussi entendu le bruit, je me demande s'il s'agit bien d'une personne qui est tombée. Peut-être une bête comme un chien ou un chat ? Toujours est-il que je n'aime pas laisser quelqu'un se noyer, surtout dans ici. Plus nous avançons, plus l'eau se fait moins chargée en immondice. L'air devient un peu moins lourd. Comment ça se fait que l'eau semble plus claire ? On est toujours dans les égouts ... Une ombre se faufile, j'ai un mouvement de recul.


“T’as vu quelque chose toi ?”

"Oui, j'ai aperçu un truc ..."

Ce sont des rats. Plein de rats. Je ne porte pas les rongeurs dans mon cœur, ils se nourrissent des déchets des égouts, c'est pour ça que ça paraît plus propre ici ... Si on peut vraiment utiliser ce mot. Je plisse les yeux pour essayer d'apercevoir de nouveau l'ombre. J'ai comme la sensation que nous sommes tombées dans un traquenard.

“Euh… Sélé… Tu sais où on est ?”

"Bonne question Rui ... C'est un véritable labyrinthe là-dedans, on s'est précipitée en pensant en ressortir rapidement. Quoique, il suffit tout simplement de trouver une nouvelle bouche d'égout ..."

Je tourne sur moi-même, je pousse un glapissement de surprise. Mon pied vient de déraper. Je retrouve mon équilibre et je respire un grand coup. Je m'approche de Rui qui s'est éloignée un peu de moi.

"Fais attention, ça gli..."

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase. Je tends ma main vers Rui, sa malchance nous a frappé. J'ai l'impression que la scène se passe au ralenti. Mes yeux s'écarquillent de terreur. Je sens presque les doigts de ma partenaire effleurer les miens. Je viens de glisser de nouveau et ma seconde jambe tape dans la première, je ne vais pas pouvoir me rattraper. Je le sais, j'ai juste envie de hurler mais je ne peux pas, je n'en ai pas le temps. Mes sens sont décuplés pendant une fraction de seconde, j'ai l'impression de voir la scène avec un regard extérieur. Rui qui est aussi figée que moi, moi qui tombe inexorablement dans l'eau, n'ayant aucune prise à laquelle me rattraper. Je vois tout, je perçois tout, je sens tout pour mon plus grand malheur. Je ne peux faire qu'une chose, fermer les yeux en espérant que le scénario de la vie vienne me sauver.

Je coule, je bats des bras et des jambes pour remonter à la surface. Le problème, c'est que je panique tellement que mon cerveau fait n'importe quoi, je ferme désespérément la bouche pour ne pas avoir d'eau qui me rentre dans la bouche. Le second problème, c'est que je ne sais pas nager. Au lieu de me rapprocher de Rui, je m'en éloigne. Je rejoins enfin la surface, je hurle de toutes mes forces, la terreur qui émane de moi se réverbèrent dans tous les égouts. Impossible d'avoir une action correcte, il n'y a plus personne aux commandes. Je tends désespérément ma main vers Rui qui hurle aussi, je crois. J'ai les sens complétement brouillés, une seule pensée m'envahit :"Je vais mourir, je vais mourir !". Je touche la main de Rui après quelques secondes, je la sens me hisser pour que je puisse retrouver la terre ferme et que je puisse pleurer de tout mon soûl. Je sens quelque chose s'enrouler autour de ma jambe, elle tire si fort que je lâche Rui, je pousse un hurlement de douleur, j'ai l'impression qu'on m'a arraché la jambe. Je sens qu'on a planté quelque chose dans ma chair, je n'ai jamais eu aussi mal. La douleur et la peur font définitivement vriller mon cerveau, j'arrête de bouger. Je suis complétement tétanisée.

Je suis emmenée dans le fond de l'eau en ayant un dernier regard pour Rui.

À l'aide.

La douleur m'emporte. J'ai envie de hurler. J'ouvre la bouche, l'eau s'y infiltre, noyant mes poumons. Je panique, je suffoque. Je vais mourir, on est en train de me boulotter la jambe et je ne peux rien faire. Personne ne peut venir m'aider, je suis condamnée à mourir ici. Dans les égouts. Dans une eau remplie d'immondices. J'ai envie de pleurer. Je me sens tellement seule ... Si on oublie la bestiole qui a décidé qu'on ne devait former plus qu'une seule entité. Dommage que ce soit pour finir dans son estomac. Je ferme les yeux de dépit, je cesse de me débattre, essayant de préserver le peu d'air qui reste dans mes poumons. Ils me brûlent tellement ! J'ai si mal. Mon cœur s'accélère, pour maintenir mon cerveau qui se meurt à petit feu. C'est horrible la mort. C'est tellement long, j'ai l'impression que chaque seconde dure une existence entière. Si seulement je pouvais mettre mon cerveau en veille pour ne plus à avoir à paniquer, pour pouvoir partir sans douleur. J'ai si mal, tellement mal !

Je vois toute ma vie défiler sous mes yeux. Pas très palpitant pour le coup. Une vie d'une gamine des rues qui a connu bien trop tôt les vices de ce monde. Une gamine qui a oublié d'être enfant, pour devenir une adulte. Se cachant sous une bonne dose de mépris et d'orgueil. Refusant de demander de l'aider parce que personne ne lui donnerait de toute façon. Une gamine crasseuse qui a vécu dans les égouts quand elle n'avait pas le choix. Endroit qui malgré la puanteur l'a protégé. Mourir ici, c'est comme se manger un retour à la réalité. Ne pas oublier d'où tu viens. Toi qui as crevé de faim des années durant, ne bouffant que des restes. Quand tu as réussi à arriver à Blue Pegasus sans vraiment comprendre.

Je me souviens de ce premier repas chaud, je me suis brûlée en l'avalant, de peur qu'on me le retire. J'avais jamais mangé autant. Je me souviens de ce premier bain chaud qui m'a permis de découvrir que j'avais de jolis cheveux blonds. Je me souviens de tout l'amour que j'ai reçu, moi qui ai toujours manqué d'affection. Au seuil de la mort, je me rends compte que je ne serais pas allée bien loin sans mes camarades. Leur sourire s'affiche les uns après les autres. Comme pour me rassurer, pour ne pas m'inquiéter de cette fin imminente qui me terrorise. Comme une berceuse pour m'endormir dans un réveil éternel. Je me sens tellement stupide de les quitter comme ça, j'imagine même pas mon épitaphe : ci-gît Séléna, Apéro des monstres d'Égout.

C'est à ce moment-là que là-haut, sûrement les dieux, dans leur immense bonté, ou plutôt dans leur envie de ne pas se passer de cette chère Isayeva, troll ambulant, leur causant des barres de rire ont décidé de me sauver. J'ai l'impression d'être le personnage d'une série qui devait mourir mais que les fans aiment tellement que les scénaristes soient obligés de secourir. On me tire sur le bras, me l'arrachant presque. La douleur à ma jambe disparaît, causant un soulagement sans nom. On me ramène à la surface, sans que je comprenne rien. Je vois flou, je n'entends plus. Je suis occupée à cracher l'eau dans mes poumons, de l'air ! Je veux respirer ! Je m'étouffe presque.

Sans m'en rendre compte, les larmes coulent sur mon visage trempé. J'ai tellement eu peur, j'ai tellement mal ! Je retiens de hurler. De pleurer de tout mon soûl. Cachant mon visage avec peine pour que personne ne remarque ma honte de paraître aussi faible. Une fois un peu calmée, je regarde ma jambe. Je tourne presque de l'œil en voyant tout le sang qui s'échappe de la multitude de trous. Une jolie morsure, large, profonde. Je me laisse tomber par terre. Y a même une dent qui est restée bloquée dans un des trous, c'est génial, ça me laissera un souvenir.

A moitié dans le coltard, je vois qu'un homme me bande la jambe, hurlant je ne sais quoi. J'ai l'impression de sombrer. Est-ce le manque de sang qui commence à tapisser tous les égouts avec une couleur vermeil ma foi, un poil too much ou parce qu'il y a quelques secondes encore, j'étais en train de me noyer ? Je remarque pas loin de nous, plusieurs formes qui émergent de l'eau, écailleuses. Des crocodiles ? Dans les égouts ? Mais de ce que je peux voir, ça a l'air gros. Très gros.


"Là ... Bestiole."

J'ai pas le temps de dire autre chose, je vomis une nouvelle rasade d'eau. Je suis bonne pour finir à l'hosto, moralité, plus jamais, je vais dans les égouts sauver des gens ...

J'ai une drôle de sensation. Oui, cette sensation de déjà-vu. Je grimace de douleur, sérieux, j'ai mérité quoi pour me faire mâchouiller par une bestiole inconnue au bataillon ? J'ai juste voulu venir en aide à cette foutue voix dans les égouts ! J'ai juste voulu aider une personne en détresse ! Juste faire mon boulot de mage et d'aider la communauté. Moi qui voulais paraître moins peste, moins chiante, me voilà punie. À croire que vouloir jouer les filles sympas, c'est pas fait pour moi. J'ai presque envie de pleurer. Je suis donc bonne à rester la sale peste de service ? J'aime ça, on ne va pas se mentir, c'est drôle de troller les gens. J'aime les faire descendre de leur piédestal de gens hautains et hypocrites, qu'ils se montrent sous leur vrai jour. Et des fois, je suis altruiste. Pas pour obtenir un truc en échange, parce que j'ai bon fond. Je ne pense pas toujours à mal quand même ! Sinon, je suis juste bonne à aller postuler dans l'une des guildes de l'Alliance ... Je me demande si on me prendrait avec un CV comme le mien : "Aime causer l'anarchie autour d'elle" ou bien "Aime bien rappeler aux gens à quel point ce sont de vulgaires mortels avec des pulsions idiotes". Je suis quasiment sûre que si je savais me battre, je serais dangereuse. Je me demande quel genre d'arme je pourrais apprendre à manier ... Des couteaux ? Je suis rapide et agile. Je suis trop frêle pour manier une épée, ce serait des armes parfaites. En plus, je suis ambidextre. Ce serait le moyen de mettre ce talent à l'honneur ... Me manque plus que de trouver un maître d'arme ...

La pensée qui dure une seconde. Parce que celle d'après, je sens une odeur de cochon grillé. Qui diable irait se manger une part de jambon dans un tel lieu avec un monstre qui rôde ? Les gens sont d'une connerie sans nom ... Sérieux, des fois, faudrait leur faire effectuer des tests d'aptitudes ! Non mais comment l'humanité a survécu avec des tanches pareils ? L'odeur persiste, je me risque à ouvrir un œil, pour rappeler à l'inconscient que ce n'est pas le moment de faire un barbecue !

C'est ma jambe.

C'est littéralement ma jambe qu'on est en train de flamber avec amour pour la bouffer ! Quoi ?! Ils ont pactisé avec le monstre pour m'offrir en sacrifice ? Genre, on donne la blonde à bouffer et tu nous laisses tranquille ? Mais quel bande de salauds ! Je me mets à hurler, pas de douleur, je ne sens plus rien, la zone est totalement anesthésiée, mais bien d'effroi. Quand je lève les yeux, bien ouverts, vers le maître cuisinier, je reconnais mon bourreau de la dernière fois, le commandant de la 1re Division : Igneel. Ca va devenir une blague ou quoi ? À chaque fois que je le vois (à savoir deux fois en tout), je finis par me faire maltraiter comme jaja par les éléments !

Je ne remarque même pas l'agitation autour de moi, totalement choquée. Je savais que moi et cet incompétent de soldat, on n'était pas en bons termes mais de là à en finir comme ça, je suis choquée. Je suis trop jeune pour finir en jambon braisé ! J'ai pas envie de mourir parce que j'ai voulu aider une saloperie de gus qui s'est perdu dans les égouts, la vie est trop injuste ! La colère monte en moi, non, je veux vivre ! Non je ne veux pas être une victime, moi je suis celle qui pourrit les autres ! Je vais me venger, je vais brûler cette saloperie qui a voulu me bouffer ! D'où j'ai une tête de rillettes en pot ? Il est où le respect ? Tu demandes simplement à faire ton job correctement et l'univers t'envoie un "TA GUEULE" monumental. Je hurle de rage, ma magie se met à pulser au rythme de mon rythme cardiaque. Elle se répercute sur tous les êtres vivants se trouvant à côté, l'adrénaline pulse dans mes veines, ultime instant de survie.

"Je sais pas comment, mais je vais buter cette saloperie de croco."

Le monstre a voulu que je devienne son quatre heure ? Très bien, je vais me faire un sac à main avec sa peau. Et s'il est trop petit (le sac), je vais zigouiller sa famille, ça lui apprendra à vouloir à jouer les prédateurs et a essayé de gagner sa pitance en attirant les jeunes demoiselles dans son repère ! Je regarde autour de moi, à la recherche d'une arme, j'arrache presque une lacryma des mains d'un soldat.

"Pardon, mais c'est une affaire personnelle là, je vous le rends après."

Je me relève, ignorant la douleur à ma jambe, un coup d'œil et une activation de la boule en cristal me permet de savoir qu'elle envoie des gerbes de glace, parfait ! On va congeler le croco ! Sans plus attendre, j'attaque en essayant de geler l'eau, ignorant au passage tous les principes de sécurité, la colère m'aveuglant ainsi que cette indignation d'être prise pour un pâté pour croco.

Il n'y a qu'une phrase pour résumer ce qu'il se passe : ça part en couille. Mais pas la petite couille qui te fait sourire, non, ça part dans un micmac d'incompréhension. Une blonde à moitié noyée, à moitié en sang, à moitié enragée, à moitié assommée. Ce qui fait beaucoup de moitié, nous sommes d'accord. On a une fille aux cheveux roses qui a décidé de faire de la glu partout et un militaire qui essaie de contrôler la situation qui est déjà dans un foutoir monstre. Je suis folle de rage, j'ose à peine regarder dans quel état est ma jambe, vu la taille du monstre, je suis étonnée de ne pas l'avoir perdue. Je me demande si je ne risque pas de la perdre de manière définitive. L'odeur de chair grillée qui m'accompagne ne met pas forcément dans une situation favorable. Je refuse de regarder cet idiot de Commandant, à chaque fois que je le vois, je finis immanquablement par subir une tentative de meurtre sur ma personne. C'est quand même sacrément chiant.

Rui se jette sur le crocodile, aussi folle que moi suivie de flammes qui essaient désespérément de la protéger ... Et c'est à partir de ce moment qu'on nous a totalement perdu. Je pousse un cri de guerre, nimbée d'une aura de guerrière en carton qui n'a jamais tenu une seule foutue arme dans ses mains parfaitement manucurées. Se lancer pleine balle sur un crocodile qui fait trois à quatre fois ma taille et qui a une jolie gueule avec pleins de jolies petites dents pointues, on a connu mieux comme stratégie. Quel dommage que je n'ai jamais été quelqu'un de sensé ! Je prends ma lacryma et me jette sur le saurien aux côtés de Rui, des flammes de vengeance brillent dans mon regard. Je suis dans un sale état, je risque de m'évanouir pour de bon dans quelques secondes, j'ai besoin de soins urgents, mais pour la première fois de ma vie, j'en ai marre d'être à l'arrière du front, attendant tranquillement que ça se passe. Je veux pouvoir me défendre par moi-même. Je ne veux pas être une princesse en danger. D'ailleurs, je ne dois plus du tout ressembler à quelque chose d'humain actuellement. À croire qu'il a fallu que je traîne une nouvelle fois dans la boue pour me rappeler que je viens d'un endroit aussi sordide que celui-ci. Un monde où il fallait se battre pour survivre. Je tape le reptile sans aucune pitié, je veux lui faire du mal, lui qui est coincé dans la glu. Je plante ma lacryma dans son œil et je l'active. Un cristal qui se teinte bientôt de rouge sort de l'orbite. Je veux le transformer en sac à main, en botte, en portefeuille. Je veux le découper. Je veux le massacrer.

J'active à plusieurs reprises ma lacryma, lui infligeant à chaque fois plus de dégâts. Je ne fais plus attention à ce qu'il se passe, seule ma vengeance compte. Quand au bout de plusieurs minutes à se prendre l'enfer sur la tête, la créature rend enfin l'âme, je me dégage de la carcasse et respire un grand coup, ma colère redescendant peu à peu, je dois ressembler à une psychopathe. Avec ma lacryma ensanglantée. Je suis à bout, exténuée. Je tombe par terre, je me remercie d'avoir gelé l'eau pour ne pas faire un nouveau saut dans l'eau croupie. Je tourne la tête vers Rui.

"Tu crois que la personne qui nous a appelé à l'aide s'est fait manger par cette bestiole ?"

On s'en est sorti parce que l'armée est venue nous aider. Je suppose que j'aurais fini moi aussi dans l'estomac du crocodile. Il ne fait aucun doute qu'il y a d'autres congénères se trouvent aussi ici, comme quoi, les égouts, c'est ultra dangereux ! Mais j'aimerais quand même avoir le fin mot de cette histoire et savoir ce qui est arrivé à cette personne. Je ne me fais guère d'espoirs et je m'attends à trouver un morceau d'humain dans l'estomac du croco qui se trouve en face de moi. Igneel va s'amuser s'il doit fouiller les égouts à la recherche des sauriens. Je tombe totalement à la renverse, je lutte pour ne pas fermer les yeux.

"Sérieux, comment ça se fait qu'il y ait des crocos dans les égouts de la capitale ?!"