Le visage fermé, une moue désagréable sur les lèvres, la commandante de la deuxième division jaugeait les ténèbres qui se profilaient au loin, d’entre les arbres de la forêt. Le laboratoire était à plusieurs kilomètres, au point exact qu’elle transperçait du regard sans ne rien voir. Avant d’aller plus loin, il leur fallait attendre le reste de l’équipe. Fenrir, à ses côtés, pouvait bien faire la conversation tout seul ; la pète-sec avait dû lâcher une dizaine de mots à tout casser sur le trajet. Depuis la bataille, depuis les pertes humaines et militaires provoquées par l’alliance Baram, le besoin de vengeance la faisait presque suffoquer.

On l’avait informée (depuis une tour de contrôle...) que Lizbeth se joindrait à la partie avec une mage de renom. Elle détestait les impositions de dernières minutes mais, vu ce qu’ils avaient avalé lors de leur dernière confrontation face à l’alliance, il serait plutôt malvenu de refuser des personnes à l’opération.

Quand elles se présentèrent, Erza se détacha enfin de sa contemplation. La mage de renom était... Linoa. Certes elle était redoutable, Knightwalker l’avait déjà vu à l’œuvre un (trop) court moment. Mais en dehors de ça, c’était une branleuse. Une branleuse encore pire qu’Edenjail. Si cette fille avait été soldate, elle aurait certainement gardé à vie la trace de la semelle de la Commandante sur la face.

La brune avait tout d'une fille gâtée, d'une petite princesse, ce qui était hélas le genre de profil que, tout comme Lizbeth, Knightwalker tendait inconsciemment à protéger (n’était-ce pas ironique ?). Néanmoins, cette fois, elle ne se ferait pas avoir.

« C’est une opération des forces spéciales, Linoa. Ne compte pas sur les autres » prévint la pète-sec.

Son regard noir se reporta ensuite sur Lizbeth.

« Et toi ne t’avise pas de la dorloter. »

Elle s’avança la première dans la forêt et son air renfrogné, qui aurait presque pu paraître attendrissant d’un point de vue Edenjailien jusqu’à maintenant, se dénua complètement d’humanité. Dents serrés, visage hermétique, seul son regard trahissait une rage sanglante.

« Les personnes qui occupent ce laboratoire sont nos ennemis. Ceux qui ont attaqué la Cité, qui exploitent la vie des mages d’Earthland et les traitent comme des animaux. Je vous interdis de faire des prisonniers » dit-elle d’une voix calme qui détachait chaque mot, à la colère contenue.

Opération éradication pure et simple, à la Weisslogia. Ce ne serait que justice. De toute façon, l’endroit grouillait de bien trop de soldats et de scientifiques cinglés. Il faudrait faire un génocide en prison pour faire de la place à tous ces enfoirés.

Après une heure de marche, à emprunter les chemins casse-tête et isolés, et à contourner ou détourner les pièges, les bâtiments du laboratoire se dessinèrent enfin au devant. Ces terre-pleins ne s’étendaient pas vraiment en longueur, n’étaient pas imposants, mais laissaient deviner, au regard expert, de nombreuses galeries souterraines. De sa lacryma de communication, Erza prévint les autres unités, probablement déjà proches, de leur entrée imminente.

La commandante passa par la voie royale : le plus grand sas, du plus grand bâtiment. Et si on eut jusque là le moindre doute de se tromper d’endroit, ce ne fut rapidement plus le cas car, dans le hall, les gardes voulurent leur rentrer dedans. Un petit sourire mauvais s’installa sur les lèvres du Commandant, qui ne leur fit même pas l’honneur de changer d’arme. Sa lance Eisenmeteor en main, elle fonça dans le tas et empala le premier sur sa route dans le sol, avant de laminer le reste avec l’équipe.

Lizbeth était peut-être nulle en interrogatoire mais, en ce qui concernait Knightwalker, celle-ci presque oublié comment mettre une personne en état d’arrestation ! Le dernier ennemi qu’elle avait épargné datait d’avant la destruction de Midgar ; assez loin !

« Boucle-la, Fenrir » rétorqua t-elle sèchement au récalcitrant.

Erza le tutoyait depuis sa promotion, ce qui rendait les moments où elle lui ordonnait de la fermer bien plus instinctifs pour elle.

Dans le hall, Erza Knightwalker tint ses promesses et annihila tous ceux qui croisèrent sa route avec Lizbeth et Edenjail. En arrière plan du massacre, des voix alarmées réclamèrent à ce que l’on fasse venir Skyadrum. Si ça ce n’était pas une poisse d’enfer ! On ne pouvait pas s’occuper de lui et sauver les prisonniers à la fois. Sans cesser le combat, la commandante activa sa lacryma de communication pour appeler des chasseurs forestiers en renfort.

En un rien de temps, gisaient au sol les corps de tous les ennemis qui s’étaient trouvés sur place, et de ceux qui avaient débarqué à l'alerte.

« Garde ça sous le coude ! Que Lizbeth communique les noms à nos unités ! » ordonna t-elle en pointant sa lance vers Linoa, qui venait au moins de prouver à la commandante qu’elle savait se sortir les doigts du nez. Dans sa main, Eisenmeteor disparut sous un halo de lumière, laissant place à sa lance Silfarion.

«Vous deux, de ce côté ! » ordonna Erza en désignant les deux filles, suivi des portes closes. « Fenrir ! » fut la simple indication que ce dernier devait la suivre.

Son arme lui conférant une célérité nouvelle. Elle partit comme une balle de revolver vers l’autre salle, barrant le passage aux fuyards les plus avancés qu’elle découpa sans vergogne. Le calme revint aussi rapidement dans cette salle des machines, Erza était prête à nettoyer le suivant. Cependant, son regard s’arrêta sur une cuve métallique au hublot de verre. Il y avait comme une ombre dans le liquide bleuté qu’il contenait. Erza s’approcha. C’était un mage.

La commandante défonça le système de verrouillage d’un violent coup de pied et ouvrit vivement la porte. Le liquide se jeta sur elle tandis que sa main libre s’avança, arrachant son masque respiratoire et les fils accrochés au corps. La brutalité de ses gestes fit choir la victime à demi-nu vers elle. Erza le rattrapa et le traina vers Fenrir pour le lui laisser. Des bruits de pas précipités et des exclamations indiquaient qu’ils allaient bientôt avoir de la visite.

« J’avance. Débrouille-toi pour qu’il atterrisse dans les mains des renforts et sécurise la zone. »

Elle lui proposerait bien de lâcher le corps si ce fut nécessaire pour se défendre mais, il y avait des chances que le puppy soit trop bon con pour le faire ! Erza s'élança vers le fond de salle pour nettoyer le périmètre suivant.

Les portes en sas s’ouvrirent automatiquement sur une nouvelle scène macabre. Des mages allongés sur des supports rudimentaires, branchés de toute part à diverses machines, alimentaient des réservoirs à aethernanos. Erza fut accueillie par une attaque magique qu’elle esquiva d’un bond. Elle s’élança ensuite pour éliminer toutes les menaces présentes dans la pièce. Les scientifiques avaient déjà lâchement déserté les lieux mais, elle comptait sur les chasseurs forestiers pour les arrêter durant leur fuite dans les bois.

Une fois le calme revenu dans l’endroit, si l’on ne comptait pas l’alarme, Erza passa dans les rangs des alités et arracha les branchements de chacun d’entre eux, afin de cesser le processus d’absorption qui les vidait de leur énergie. Elle signala d’ailleurs leur position aux renforts, en réclamant des mages de soin pour les cas les plus critiques.

Les chariots médicaux comportaient, entre divers ustensiles, des notes qu’Erza parcourut rapidement d’un regard glacial. Il s’agissait des dossiers des « sujets »  ci-présents. Âge, condition physique, magie, seuil de résistance … elle jeta le tout au sol au fur et à mesure qu’elle faisait chou blanc.

La commandante se dirigea ensuite vers les étagères et les dévalisa de leurs lourds classeurs. Après brefs coups d’œil, elle les jetait au sol quand les informations étaient familières, ou les lançait sur des tables en centre de pièce pour les mettre en évidence auprès des renforts qui embarqueraient ça avec eux. Durant ses recherches, un bruit de porte que l’on défonce lui fit vivement tourner la tête vers la passerelle en hauteur, qui se situait de l’autre côté de la salle. Il s'agissait des alliés ! Ils dévalèrent les escaliers pour rejoindre les victimes. Erza leur brailla deux ordres et profita de leur présence pour poursuivre sa route. En quittant la salle, elle manqua de percuter un corps qui sprintait dans le sens inverse, fuyant pour sa vie. Linoa ?

Erza n’eut pas le temps de demander ce qu’il se passait. Elle se tourna et frappa violemment un projectile lancé vers elle, le rabattant vers le sol. Lizbeth était là aussi, grièvement blessée. La commandante lui attrapa le bras et la tira comme une sale gosse qu’on vire au coin de la classe. Ce fut toutefois pour la bonne cause. Knighwalker la lâcha presque aussitôt pour avoir ses deux mains disponibles au plus vite.

« Mage de soin juste derrière ! » lui indiqua t-elle.

C'était lui, l'ex-capitaine de la troisième, un soldat qu'elle avait côtoyé, autrefois discret, sans histoire, devenu aujourd'hui un criminel dont la puissance et la cruauté avaient fait la renommée. Quelle poisse !

« Erza. Ça faisait longtemps.
— Qui sait. Je ne compte pas le temps qui passe loin des traitres. »

L’imprévisibilité de Skyadrum lui donna un temps d’avance, et Erza s’élança la seconde après vers lui. Il ne fit pas de coup bas, faisant gronder sa force de front, si intense que lorsque la lance et l'épée se frappèrent, Erza fut projetée vers l’arrière, exactement où il l’escomptait selon son geste.

L’ennemi profita de ce bref moment pour s'en prendre à Linoa, qui repoussa l’attaque avec Lizbeth. Il fut immédiatement après assailli par l’écarlate. Elle l’enchaina, profitant de l’appui de Linoa pour tenter de le déstabiliser. Après un grand bond arrière, Silfarion en main, l’écarlate se projeta vers Skyadrum, le frappant de sa lance. Elle ne le perfora pas, mais utilisa le recul donné par l'impact pour invoquer Mel Force et lui envoyer une puissante impulsion à courte portée.

Le capitaine des chasseurs alpins surgit ensuite pour mettre son grain de sel devant l’ennemi.

« Merci Svetlana » déclara fermement Erza.

Malgré un grand manque d’empathie, l’écarlate se rendait bien compte que ce ne devait pas être évident pour elle d’affronter un ancien ami.

Un courant d’adrénaline traversa ses muscles et la commandante se sentit soudainement encore plus en forme qu’elle ne l’était déjà. C’était du fait de leur alliée et, il ne fallait pas perdre de temps pour profiter des effets !

Silfarion en main, Erza partit comme une flèche, presque surprise de sa propre vitesse. Elle dépassa son ennemi suite à sa frappe, son bond fut si gigantesque qu’elle dut s’arrêter du pied droit sur le mur, pour repartir dans le sens inverse. Elle calquait un rythme alterné avec Svetlana, pour que les coups pleuvent sur l’ennemi.

« Explosion » invoqua t-elle, indiquant à ses alliées de se reculer quand elle repartit à l’assaut. Qu’elle touche Skyadrum ou son arme, une imposante déflagration surgirait de l’impact de sa lance.

Malgré la forme et la rapidité accrues offertes par Svetlana, combiné à Silfarion, Erza ne parvenait pas à former une brèche contre l’ennemi. Mel Force ne lui avait fait que l’effet d’une massue sur la tête, tout au plus ! Le bougre avait une résistance titanesque, même Scarlet en rougirait.

Skyadrum ne laissait rien passer, fidèle à sa réputation aussi grandiose que funeste. La lance Explosion de Knightwalker se déclencha à l’impact d’une lame d’ombre, tandis que le mage noir échappait à nouveau à son assaut. Linoa crut voir une brèche dans son échange avec l’argenté, Erza fonça à son tour. Certes, une n’aurait aucune chance. Mais à deux ? Trois, avec Svetlana qui bloquait son arme. Échec cuisant ma fille, Knightwalker tomba sur des lames d’ombre qu’elle écarta de justesse avec Silfarion. Skyadrum se matérialisa plus loin et, à sa garde levée de cette façon qui lui était propre, elle sut aussitôt qu’il était juste en train de déconner jusqu’à maintenant. Les lames d’ombre partirent en même temps que lui. Sa stratégie avait changé, plutôt que d’attendre la pluie de coups, il la porta lui-même sur les filles alternativement pour leur empêcher de réagir. Erza peinait déjà à le suivre de l’œil et, quand elle réussissait à se défendre d’une attaque assez puissante pour la déstabiliser, elle savait à peine où repartir ! Ce qui ne l’empêcha en rien de faire ses tentatives, de le poursuivre après chaque coup infligé.

Entre Svetlana qui était favorite incontestée de l’ancien militaire, Linoa qui était moins submergée grâce à sa copine qui l’aidait un peu trop, Erza et Lizbeth furent les deux grandes vainqueurs du clan des estropiées. Skyadrum venait très vraisemblablement d’éventrer la commandante. Il restait néanmoins du bagage à celle-ci avant de tomber.

Après un bond vers l’arrière pour échapper à un assaut, Erza hocha la tête, acceptant la retraite de Linoa et Liz. Tout allait se casser la figure, il leur fallait gagner du temps pour les renforts. Les deux gradées restantes le savaient. C’était leur devoir. Erza échangea un regard entendu avec Svetlana. Elle décida d’user des effets restants de la magie du capitaine à très bon escient.

« Svetlana. Tu connais les risques de la lance que je vais invoquer. Pars dès que la situation devient trop risquée… Sacrifar. »

Silfarion disparut, engloutie par les ténèbres, et fut remplacée par une lance noire qui semblait être forgée par la mort elle-même.

Sacrifar était la lance de l’ombre, celle qui décuplait ses capacités et lui offrait une force encore plus bestiale. Sa puissance était telle que les ténèbres s’emparaient progressivement de son cœur, au point de l’empêcher de faire la distinction entre ses alliés et ses ennemis. Erza devait toujours révoquer cette lance car le risque, qu’elle devinait, c’était qu’elle se perde dans ces ténèbres et n’en revienne jamais. Comme Skyadrum.

Ses yeux déjà enragés s’écarquillèrent d’un éclat de folie quand elle fonça avec une puissance nouvelle vers le brun. Avec l’aide du sort de Svetlana, elle tenait la distance en rapidité et put trouver les brèches dans ses attaques sans relâche. Elle repartait vers lui à chaque rebond et l’assaillait comme des tirs d'arme à feu de toute part. Bientôt, sa vue et son esprit se brouillèrent. Le temps, elle l’avait amplement gagné, mais il avait joué sur sa psyché.

Quand un des derniers alliés passa près d’eux, pour partir avec une victime sous le bras, Erza fonça vers le binôme. C’est Svetlana qui la dévia et se blessa dans la manœuvre. L’écarlate voulu l’attaquer, elle, à son tour, mais après un deuxième coup, son cri lointain parvint enfin jusqu’à son cerveau. « Il faut partir ! » Un élan de lucidité traversa enfin le visage de Knightwalker et elle appela immédiatement Silfarion avant de perdre pied à nouveau. Les deux femmes ne pouvaient pas gagner contre lui, mais elles avaient permis aux renforts de sauver les mages, c’était ce qui comptait ! Malgré sa fierté très mal placée et, son expression de rage qui lui donnait envie de rester pour un combat à mort, elle fuit en traçant un sillon de feu de Blue Crimson derrière elle, pour que l’ennemi n’attaque pas directement derrière.