Valen avançait d’un pas assuré à travers les dunes et les formations rocheuses éparses qui parsemaient le paysage entre Crystal Valley et Louen. Le crépuscule approchait, mais la chaleur sèche du désert persistait, élevant des ondes de chaleur dans l'air, un rappel constant de l'environnement aride. Ses bottes laissaient des traces profondes dans le sable, mais il se déplaçait avec la fluidité d'un prédateur. Son regard, perçant et implacable, scrutait l'horizon. Il était en chasse, et la créature qu’il traquait n’allait pas tarder à faire son apparition.

Le Bulldrome, une bête massive à la peau rugueuse et aux défenses imposantes, était connu pour son tempérament imprévisible et sa tendance à charger sans réfléchir. Le moindre mouvement dans son champ de vision pouvait déclencher sa rage. Valen savait que ce type de créature, bien que féroce, n'était pas une menace insurmontable pour quelqu'un comme lui. Tremora, l’épée noire accrochée à son dos, vibrait légèrement, comme en écho à l’instinct de chasse qui animait son porteur.

La trace du Bulldrome était fraîche. Ses sabots avaient creusé des sillons profonds dans la terre, menant Valen à une petite clairière entourée d’arbustes clairsemés. Le soleil, en baisse, projetait des ombres longues et sinistres sur le sol. Valen se positionna silencieusement derrière un rocher, sa silhouette disparaissant presque entièrement dans la pénombre naissante.

Un grondement sourd emplit l’air, suivi du bruit distinctif de la créature reniflant, cherchant probablement à détecter une nouvelle menace. Valen s’accroupit légèrement, ses muscles tendus, prêts à agir au moindre signal.

Le Bulldrome fit finalement son apparition, émergeant de l’épaisse végétation avec une lourdeur qui faisait trembler le sol sous ses pieds. C'était une créature imposante, mesurant plus de deux mètres de haut au garrot, avec des défenses tordues qui semblaient capables de percer la roche. Ses yeux perçants étaient animés d'une fureur naturelle, instinctive.

Le regard de Valen ne vacilla pas. Il avait déjà observé le comportement de ces créatures par le passé. Le Bulldrome, bien que puissant et brutal, était prévisible. Il chargeait droit devant, sans se soucier des obstacles. Une faiblesse que Valen savait exploiter.

Le moment fatidique arriva. D’un seul mouvement calculé, Valen se leva, exposant sa silhouette au Bulldrome. La bête, comme prévu, grogna furieusement et gratta le sol de ses sabots avant de foncer tête baissée dans la direction du chasseur. Valen ne bougea pas, restant immobile comme une ombre figée, son regard acéré calculant la distance exacte qui les séparait.

Tremora vibra faiblement, presque imperceptiblement, lorsque Valen posa sa main sur sa garde. Puis, au dernier moment, juste avant que les défenses du Bulldrome ne l'atteignent, Valen pivota sur le côté avec une agilité surnaturelle. L’énorme créature passa en trombe à côté de lui, manquant sa cible de justesse.

D’un geste fluide, Valen dégaina Tremora dans un éclair noir. L'épée vibra d’une puissance silencieuse, prolongeant son tranchant de plusieurs mètres avec l’Onde de Coupure. Le coup fut aussi rapide que précis, traversant la chair épaisse du Bulldrome sans effort apparent. L’animal tituba, sa course déviée par la douleur soudaine.

Valen resta impassible, ses mouvements empreints d’une grâce innée. Il n’avait même pas besoin de regarder le Bulldrome pour savoir qu’il avait déjà remporté ce combat. La créature s’effondra lourdement, son corps vibrant encore sous l’effet des ondes de la lame. Un dernier grognement émana de ses lèvres avant qu’elle ne cesse de bouger.

Sans un mot, Valen rengaina Tremora, le silence revenu aussi vite qu’il avait été troublé. Le chasseur avait triomphé, comme toujours.

Après avoir récupéré quelques morceaux de viande du Bulldrome, qu'il comptait cuisiner plus tard, Valen se remit en marche, parcourant les abords des falaises proches de Louen. Le terrain devenait progressivement plus rocailleux à mesure qu’il s’éloignait du désert pur pour rejoindre une petite étendue boisée parsemée d’arbres secs et tordus par le vent.

Le Gourmet Hunter qu’il était n’avait pas seulement chassé le Bulldrome pour sa viande, il savait que l’endroit regorgeait d’ingrédients rares qu’il pourrait utiliser pour parfaire son repas. Il trouva bientôt des champignons des dunes, connus pour leur goût terreux et leur texture légèrement croquante. Non loin de là, Valen ramassa quelques baies d’épine dorée, petits fruits jaunes acidulés, parfaits pour équilibrer le goût riche de la viande.

Continuant son exploration, il découvrit également une racine amère, cachée sous une mince couche de terre. Il savait par expérience que, bien préparée, cette racine pouvait être utilisée pour assaisonner la viande et lui donner une profondeur de saveurs unique. Chaque ingrédient trouvait sa place dans son sac, soigneusement enveloppé dans des feuilles pour en préserver la fraîcheur.

Alors que le soleil disparaissait à l’horizon, Valen trouva un endroit propice pour établir son campement. Une petite clairière, entourée de quelques arbres suffisamment espacés pour laisser la lumière du feu de camp briller. Le chasseur s'agenouilla et alluma un feu avec des branches sèches qu'il avait ramassées plus tôt.

Assis devant son feu, Tremora plantée dans le sol à ses côtés, une bouteille de vin à sa gauche, Valen sortit les ingrédients qu’il avait collectés. La viande du Bulldrome, préparée avec soin, reposait sur une pierre plate chauffée par le feu. Il utilisa les champignons pour créer une sauce légère, mêlée aux baies d’épine dorée qui, une fois cuites, dégageaient une odeur sucrée et piquante. La racine amère, râpée en fine poudre, fut saupoudrée avec parcimonie sur le tout.

Les crépitements du feu et le silence du désert étaient les seuls témoins de son art culinaire. Chaque geste était calculé, chaque saveur étudiée. Pour Valen, la cuisine était une forme de perfection, tout comme l'escrime.

Le soleil avait presque complètement disparu maintenant, laissant derrière lui une lueur orangée dans le ciel. Valen, assis tranquillement devant son festin, prit une profonde inspiration. Dans ce moment de calme, sous les étoiles naissantes, il savourait non seulement la nourriture, mais aussi la tranquillité, loin des conflits d'Edoras, proche d'une mélancolie familière, portes ouvertes aux événements passés.

Avec une dernière pensée pour les jours à venir, il mordit dans un morceau de viande parfaitement cuit, les saveurs explosant dans sa bouche. La nuit s’annonçait paisible, du moins pour le moment.

Valen sentait les vibrations dans le sol bien avant de percevoir la silhouette qui s'approchait. Tremora, plantée à côté de lui, vibrait faiblement, capteur silencieux des secousses qui parcouraient la terre. Ce n’était pas une créature ou un prédateur qu’il avait l’habitude de chasser. Non, c’était autre chose, quelque chose de plus désordonné, presque maladroit. Il se redressa légèrement, continuant de surveiller la viande qui cuisait au-dessus du feu, mais sans pour autant quitter l’idée de cette nouvelle présence qui se rapprochait.

L’odeur du repas, riche et tentante, flottait autour de lui, mêlée à la douce chaleur du feu. L’atmosphère du crépuscule rendait tout plus paisible, presque irréel. Mais cette tranquillité fut bientôt perturbée. Il ne fallut que quelques instants avant qu'une silhouette se détache des ombres des arbres. Une jeune femme, traînant presque des pieds, comme un être revenu d'entre les morts, se rapprochait avec un air hagard.


Valen resta impassible, son visage à peine éclairé par la lueur vacillante des flammes. Ses yeux d’un jaune perçant observaient la scène sans bouger. La jeune femme s'avançait, ses murmures – "Manger... Manger..." – se répétant inlassablement comme une litanie désespérée. C'était une scène presque comique, si ce n’était la véritable faim qui semblait la consumer. Son visage approchait dangereusement de la viande que Valen tenait à la main, son regard fixé, dévorant des yeux le repas comme si elle n’avait pas mangé depuis des jours.

D’un geste fluide et mesuré, Valen recula légèrement la main, évitant que la bave de la jeune femme ne tombe sur la viande qu'il avait préparée avec soin. Ses mouvements étaient aussi maîtrisés que ceux d'un épéiste sur le champ de bataille. Il n’y avait aucune panique dans ses gestes, seulement une précision naturelle. La scène était étrange, presque surréaliste, mais Valen l’accueillait avec le même calme qu’il appliquait à toute situation.

« Si tu veux un morceau, il suffit de demander, » dit-il enfin, sa voix grave perçant l'air calme du crépuscule. Il tendit doucement un morceau de viande vers elle, le posant sur une petite assiette de métal qu’il avait disposée près du feu. Il n’y avait aucun reproche dans son ton, juste une invitation à calmer cette faim dévorante avec un peu de dignité.

Valen, toujours aussi stoïque, la jaugea d'un regard perçant. Il ne se permettait pas de juger, mais il ne pouvait s'empêcher de noter la détresse apparente de cette personne qui semblait avoir été poussée à ses limites.

« Mange doucement, » ajouta-t-il, d’une voix ferme mais non autoritaire, juste un rappel de garder un minimum de contrôle. Valen n’avait jamais été du genre à imposer, mais il respectait la maîtrise de soi plus que tout. « Ce serait dommage de te jeter dessus et de t’étouffer après tout ça. »

Tremora vibrait doucement à côté de lui, captant toujours les mouvements légers de la terre sous leurs pieds, à la recherche d'un piège potentiel. Valen détourna brièvement les yeux pour ajuster le feu, toujours en parfaite maîtrise de son environnement, malgré la scène absurde qui venait de se jouer. Ses gestes étaient fluides, méthodiques, comme s’il dansait avec les flammes et les ingrédients. Pour lui, la cuisine n’était pas si différente de l’escrime : chaque mouvement comptait, chaque erreur pouvait être coûteuse.

Le silence revint doucement, bercé par le crépitement des flammes et l’odeur alléchante de la viande. Valen, dans sa nature taciturne, laissait l’instant s’installer, mais il restait attentif à chaque détail, à chaque respiration irrégulière de la jeune femme qui, visiblement, venait de vivre une journée bien plus longue qu’elle ne l’avait prévu.

Après un long moment, il brisa le silence. « Je m'appelle Valen. » Sa présentation était concise, presque brute, mais c'était tout ce dont elle avait besoin pour l’instant. Il attendit une réponse, mais ne sembla pas pressé de l’obtenir. Il continuait de travailler, ses mains agiles manipulant les ingrédients restants avec soin, coupant les champignons des dunes et préparant la sauce qu'il avait commencée plus tôt, le tout avec une précision chirurgicale.

La chaleur du feu apportait une douce lueur autour d'eux, transformant cette rencontre étrange en une scène presque intime, partagée sous les étoiles naissantes. Valen, toujours aussi stoïque, fit un geste vers la viande, comme pour l'inviter à s'installer près du feu. « Installe toi, » dit-il, sa voix à la fois calme et autoritaire. Ce n'était pas une question, mais une directive simple et directe.

« Et toi, qui es tu et d'où viens-tu, toute baveuse que tu es ? » demanda-t-il finalement, sans lever les yeux de sa préparation, mais offrant ainsi une ouverture pour que la conversation prenne un ton plus humain.

Valen observait la jeune femme du coin de l’œil, sans interrompre ses gestes précis alors qu’il retournait la viande sur le feu, laissant la chaleur finir de la rendre tendre et juteuse. Son attitude désordonnée, presque enfantine, contrastait avec la maîtrise silencieuse et calculée de chacun de ses mouvements. Mais malgré l’étrangeté de la situation, il ne s’en troubla pas. Valen avait appris à jauger les gens au-delà de leurs apparences et de leurs comportements immédiats. La faim, il le savait, avait un effet déstabilisant sur n’importe qui.

Quand Bellatrix, à genoux devant lui, s'exclama de gratitude avant de se jeter sur la nourriture avec une frénésie mal contenue, Valen resta impassible. Il ne répondit que par un regard légèrement appuyé, une invitation silencieuse à se calmer, à retrouver un peu de contrôle. Et quand elle se rattrapa avec un timide "Pardon", il acquiesça d’un simple signe de tête.

« La faim peut rendre n'importe qui imprévisible, » dit-il d’un ton bas mais assuré, tout en continuant de préparer la sauce qu’il comptait ajouter à la viande. Ses mains étaient aussi précises que celles d’un chirurgien. Même dans un environnement aussi rudimentaire, au milieu de nulle part, il maintenait un niveau d'exigence qu'il appliquait à chaque aspect de sa vie, que ce soit au combat ou en cuisine.

La flatterie de Bellatrix, bien que sincère, n’éveilla aucune réaction visible chez Valen. Il avait appris depuis longtemps à ne pas laisser les compliments influer sur lui. Cela faisait partie de cette discipline qu’il avait cultivée tout au long de ses années de service, puis d’exil. Seuls les résultats importaient, et le véritable mérite venait du silence qui suivait une action bien exécutée. Cependant, il ne pouvait nier que le sourire satisfait et la manière dont elle savourait chaque bouchée étaient, en soi, une forme de reconnaissance.

Il prit un moment pour l'observer, maintenant installée à ses côtés, envahissante mais sans aucune menace. Bellatrix avait cette candeur étrange, presque désarmante, comme une enfant perdue dans un monde trop grand pour elle. Mais ses yeux, eux, révélaient autre chose, une profondeur que son attitude frivole ne parvenait pas à masquer totalement. Valen n’était pas dupe : derrière cette apparente légèreté, il percevait une complexité plus grande.

Quand elle s'excusa de nouveau, cette fois pour son comportement en général, Valen se contenta de hocher la tête. « Ce n’est rien. Le plus important, c’est que tu sois nourrie maintenant. » Sa voix était toujours calme, un mélange de distance et de bienveillance mesurée. Valen n’avait jamais été du genre à s’attarder sur les faux pas des autres, surtout lorsque ceux-ci étaient dus à des besoins aussi fondamentaux que la faim.

Il refusa poliment sa gourde d’un léger mouvement de main. « Je suis bien équipé, mais merci. » Sa propre cantine, pleine d’eau fraîche, et surtout de sa bouteille de vin, reposait non loin du feu. Il savait qu’il était toujours mieux de compter sur ses propres ressources, surtout en terrain inconnu.

Puis, à la mention de la "marraine la bonne fée", Valen ne put réprimer un réel et léger sourire. Le premier depuis qu’ils s’étaient croisés. Cette comparaison, bien que totalement inattendue, avait quelque chose d’amusant. Lui, un homme d’arme et de silence, comparé à une créature magique tirée d’un conte pour enfants… C’était presque ironique, mais dans cet instant partagé sous les étoiles, et vis à vis de sa nouvelle maison, cela semblait curieusement approprié.

« Marraine la bonne fée, hein ? » murmura-t-il en réprimant une légère pointe d’amusement. « Je doute que ce rôle m'aille vraiment. »

Quand elle lui demanda d’où il venait, sa question le tira un peu plus de son silence habituel. Valen posa une main sur Tremora, la sentant vibrer doucement sous ses doigts comme un rappel constant de son passé. Il ne mentait jamais sur ses origines, mais il n’était pas non plus du genre à se livrer sans raison.

« Je viens d’Edoras. » Sa réponse était vague, presque évasive, mais il ne sentait pas encore le besoin d’en dire plus. « J’ai parcouru ce monde seul pendant un moment. »

Puis, en haussant légèrement les épaules, il ajouta : « La cuisine est une façon de rester ancré. Comme l’escrime, elle demande précision, patience, et respect des ingrédients. Chaque geste compte. » Il se tourna vers elle, ses yeux jaunes perçants l'observant avec une intensité qui contrastait avec la douceur de son ton. « C’est pour ça que j'aime cuisiner, je suppose. »

Il se leva doucement, prenant une nouvelle assiette dans laquelle il disposa un autre morceau de viande accompagné de la sauce qu'il venait de finir. La sauce était onctueuse, son parfum enivrant flottait dans l'air, ajoutant une profondeur de saveurs à la viande déjà grillée à la perfection.

« Tiens, » dit-il en lui tendant l’assiette. « Je ne suis pas certain d’être une marraine, mais je peux au moins m’assurer que tu manges à ta faim. »

Il retourna ensuite s’asseoir, laissant Bellatrix savourer son repas en paix. Valen n'était pas bavard de nature, mais cette rencontre imprévue avait un certain charme, une légèreté inattendue au milieu du désert. Mais, même en cet instant, il restait sur ses gardes, attentif à tout mouvement, à toute vibration dans l'air ou sur le sol. Il était rare qu'une soirée demeure aussi paisible qu'elle semblait l’être.

Après un long moment de silence, il tourna la tête vers elle. « Tu es sur le chemin du retour, après ta mission ? » demanda-t-il, son ton laissant supposer qu'il n’attendait pas nécessairement une réponse détaillée, mais qu'il n’était pas contre un peu de compagnie, pour cette nuit où les étoiles s’étaient alignées de manière aussi curieuse.

Valen restait silencieux, laissant les paroles de Bellatrix glisser sur lui comme la brise nocturne caressait les dunes. L'ombre du feu dansait sur son visage, accentuant ses traits marqués, tandis que son regard doré restait rivé sur les flammes, une étincelle de réflexion profonde au fond des yeux. Chaque mot, chaque question de la jeune femme lui parvenait clairement, mais il pesait sa réponse avec la précision d'un maître épéiste avant une attaque décisive.

Il ne répondit pas immédiatement à la remarque sur son équipement. La curiosité vive de Bellatrix était palpable, mais Valen n'était pas du genre à se laisser déstabiliser par les questions innocentes, même lorsqu'elles étaient aussi directes. Après un bref silence, il glissa un regard amusé vers elle, ses lèvres s'étirant en un sourire à peine perceptible, comme un secret partagé entre eux seuls.

« Du vin, pour changer un peu de l’eau que l’on trouve sur ce genre de route. Mais rien de plus. On apprend à voyager léger quand le terrain hostile, dont le désert ici, est notre compagnon de route. »

Son ton était mesuré, mais il laissait transparaître une pointe de nostalgie sous la façade stoïque. Il omettait délibérément d'en dire davantage sur ses réserves, préférant garder pour lui les détails de sa préparation minutieuse. Ses années passées à arpenter les terres hostiles d'Edoras, où chaque pas pouvait être le dernier, avaient ancré en lui cette méfiance instinctive. La prudence restait une vieille habitude, une armure invisible.

Quand elle fit allusion à sa comparaison avec la marraine la bonne fée, Valen se contenta d’un sourire discret, un éclat fugace qui éclaira son visage avant de disparaître aussi vite qu’il était venu. « Si tu savais, » murmura-t-il, mi-amusé, mi-réfléchi, sans développer davantage. L’idée de se voir affublé d’ailes et d’une baguette magique était si éloignée de sa réalité qu’elle en devenait presque ironique. Mais il préférait laisser planer le mystère, offrant à Bellatrix seulement le reflet de ses pensées, sans en révéler la source.

La conversation dévia alors sur ses origines, et à ce moment, son regard se durcit légèrement, imperceptiblement, comme une barrière se dressant entre eux. Bellatrix était volubile, spontanée, et il ne pouvait pas lui reprocher de vouloir en savoir plus. Mais il n'était pas prêt à tout lui livrer. Seule la surface de son histoire méritait d'être exposée pour l'instant.

« Edoras, oui. Un monde de contrastes, et parfois de contradictions, comme celui-ci. » Ses paroles étaient vagues, teintées d'une froide distance, et il laissa une pause s'installer avant de continuer, ses yeux dorés fixés sur l’horizon lointain. « Voyager seul n’a rien de facile, mais on apprend à apprécier le silence, à se fier à ses propres sens. Parfois, cela vaut mieux que de faire confiance aux autres. »

Il ne précisa pas que c’était cette même méfiance qui l’avait poussé à dissimuler son appartenance à Fairy Tail, et qu’il n’avait jamais perdu l’habitude de garder ses affiliations sous silence. Parler de la guilde, ici, en pleine nature, loin des regards de ceux qu’il connaissait, aurait été une erreur. Bellatrix ne semblait pas être une menace immédiate, mais il savait mieux que quiconque que les apparences pouvaient être trompeuses. Et il avait appris à ne pas prendre de risques inutiles.

Quand Bellatrix évoqua sa mésaventure avec les Bulldromes, Valen laissa échapper un léger ricanement, presque inaudible. Il imagina sans mal la scène chaotique, la jeune femme courant dans tous les sens sous la charge des créatures massives. Sa voix, lorsqu'il lui répondit, était empreinte d'une touche d'ironie bienveillante, un mélange rare venant de lui.

« Les Bulldromes ont le flair pour tomber sur les voyageurs distraits. Mais ils finissent souvent par comprendre que certaines proies sont plus coriaces qu'elles n'en ont l'air. » Il se tut un instant, ajustant une dernière fois la viande sur le feu avant de la retirer, satisfaite de sa cuisson parfaite. « En tout cas, ils t’ont menée à ce feu de camp, et on dirait que tu n’as pas trop souffert de leur rencontre. »

La conversation dériva de nouveau, plus légère, plus fluide, mais Valen restait sur ses gardes, conscient de chaque parcelle d'ombre, de chaque frémissement des buissons alentour. Le silence de la nuit était trompeur, et la brise qui agitait les herbes hautes pouvait tout aussi bien dissimuler un prédateur rôdant dans l’obscurité.

Quand Bellatrix se risqua à une question plus personnelle, s’interrogeant sur les raisons de son propre voyage, Valen se redressa légèrement, comme pour souligner la distance qu’il maintenait volontairement entre lui et les réponses trop directes. Son regard glissa vers elle, mesurant le poids de ses mots avant de répondre.

« Disons que je suis un voyageur qui préfère garder ses raisons pour lui, pour l’instant. Mais qui sait, peut-être qu’un jour, tu connaîtras mes motivations, si le temps et la confiance le permettent. » Il laissa sa voix s’éteindre dans la nuit, comme un murmure emporté par le vent. Une promesse sans être une promesse, une manière de lui faire comprendre que certaines réponses se méritaient, et qu’il ne les distribuait pas à la légère.


Valen resta silencieux un instant, ses yeux dorés fixés sur Bellatrix alors qu'elle continuait à s’extasier devant le repas qu'il lui avait préparé. Une lueur d’amusement dansait au fond de son regard, un éclat rare qu’il réservait d’ordinaire à ses moments de solitude. Il ne put réprimer un franc rire, un son presque surprenant venant de lui, lorsqu'elle évoqua ses propres tentatives maladroites en cuisine.

« La cuisine n’est pas différente du maniement de la lame, » murmura-t-il finalement, sa voix se faisant presque contemplative, son regard fixé sur les flammes dansantes du feu de camp. « Ce n’est pas une question de talent inné, mais de répétition, de maîtrise des gestes. On apprend à ressentir les choses, à comprendre ce que chaque ingrédient a à offrir. Si tu le veux vraiment, tu peux apprendre. »

Puis, une idée sembla traverser son esprit, et il tourna lentement la tête vers Bellatrix, une étincelle de défi illuminant ses prunelles. « Si tu es prête à supporter les critiques aussi tranchantes qu’un coup de lame, peut-être que je pourrai t’enseigner quelques bases. » Un sourire en coin effleura ses lèvres, une invitation silencieuse à jouer le jeu qu’il lui proposait.

Sans attendre sa réponse, il se leva, son mouvement aussi fluide et maîtrisé que toujours. De son sac de voyage, il sortit un assortiment de légumes et d’herbes, fruits de ses récentes cueillettes dans la région. Des racines, des feuilles, des champignons aux formes étranges, un bon reste de viandre fraîchement chassée et préparée et quelques baies, toutes issues de la nature sauvage qui les entourait.

Il disposa le tout avec méthode sur un morceau de toile étendue sur le sol, un cadre de travail improvisé mais efficace. Des pierres plates formaient un espace pour découper, et un petit foyer secondaire, plus modeste que celui où cuisait encore la viande, servait à chauffer une petite marmite en fer.

Valen se redressa, croisant les bras sur sa poitrine, son regard perçant rivé sur Bellatrix. « Montre-moi ce que tu sais faire, » dit-il, la voix teintée de ce même ton calme mais inflexible qu’il avait autrefois utilisé pour commander ses hommes. « Je t’offre les outils, les ingrédients... mais c’est à toi de décider ce que tu en feras. »

Il se recula légèrement, prenant place sur une pierre pour mieux la regarder à l’œuvre. Tout dans son attitude montrait qu'il n’attendait pas de prouesses de sa part, mais plutôt une volonté, une détermination à s’essayer à quelque chose de nouveau. Ce n’était pas qu’un simple test de cuisine, c’était une épreuve de patience et de résilience, un avant-goût de ce que pourrait être un véritable entraînement sous sa tutelle.

« Ne t’inquiète pas pour le résultat, » ajouta-t-il en inclinant légèrement la tête, son regard désormais plus doux, presque encourageant. « La vraie valeur d’un cuisinier, tout comme celle d’un guerrier, se mesure dans sa capacité à affronter l’échec et à apprendre de ses erreurs. »

Il laissa ces mots planer un instant dans l’air nocturne, avant de s’appuyer contre un tronc d’arbre, l’observant avec une curiosité contenue. Pour lui, ce n’était pas seulement une façon de jauger les talents culinaires de Bellatrix, mais une manière de mieux comprendre la personne qui se tenait face à lui. Derrière ses airs légers, elle dissimulait une complexité qu’il ne pouvait s’empêcher de vouloir démêler.

Loin de lui l’idée de lui rendre la tâche facile. Les herbes qu'il avait cueillies avaient des saveurs fortes, parfois amères, et les légumes aux textures rugueuses demandaient de la finesse pour révéler leur goût. Valen savait qu’il y avait peu de chances que Bellatrix parvienne à en tirer un plat digne des standards qu'il s’imposait lui-même, mais l’important n’était pas là. C’était sa manière à lui de tester sa volonté, de voir si elle pouvait, face à une situation inconfortable, faire preuve de persévérance et d’ingéniosité.

Tout en surveillant le feu principal, il resta attentif aux moindres gestes de Bellatrix, prêt à intervenir si nécessaire, mais préférant la laisser se débrouiller seule. Son regard se faisait plus intense, concentré, et ses pensées se perdaient dans l’observation de cette scène improbable, où le désert, la forêt et deux inconnus partageaient une étrange leçon de vie.

Au fond, c’était aussi un moyen pour lui de se rappeler qu’il y avait plus que la guerre et la violence dans ce monde. Une façon de réapprendre, à travers le regard émerveillé de Bellatrix, que même dans les endroits les plus sombres, on pouvait encore trouver un peu de chaleur, un peu d’humanité.

Valen, fidèle à son caractère stoïque et impassible, observa la jeune femme s’agiter autour de son plan de travail improvisé. Ses gestes étaient maladroits, lents et hésitants, mais sous ses yeux dorés perçants, ils avaient quelque chose de familier. Il y avait dans cette scène un écho lointain de sa propre enfance, lorsqu’il maniait maladroitement une épée pour la première fois, sous le regard strict de son père. Ce dernier, méticuleux, exigeant, n’avait pas toléré la moindre imprécision. Pourtant, il avait été un enseignant hors pair, d’une patience froide mais inébranlable. Valen, à cet instant, se revoyait dans la maladresse de Bellatrix, mais cette fois, c’était lui qui endossait le rôle de maître.

Sans un mot, il saisit la bouteille de vin qui reposait à ses côtés, en servit une coupe, et porta le verre à ses lèvres, dégustant tranquillement le breuvage tout en continuant d’observer la scène. Le liquide sombre caressa doucement son palais alors qu’il suivait les efforts infructueux de la magicienne. Chaque geste maladroit, chaque tranche irrégulière, chaque herbe écrasée étaient pour Valen un rappel de cette époque révolue, où l’imperfection faisait partie intégrante de l’apprentissage.

Son visage, comme à son habitude, ne trahissait aucune émotion particulière. Son calme était imperturbable, même lorsque Bellatrix laissa échapper un petit cri après s’être entaillé le pouce. Il ne la quitta pas des yeux, posa lentement sa coupe de vin, et se leva d’un mouvement fluide. La blessure n’était pas grave, il l’avait tout de suite compris. Elle s’était coupée, rien de plus, et dans ce genre de situation, Valen savait exactement comment réagir.

Sans un mot, il se saisit de deux tranches de pain qui reposaient sur la table de fortune. Approchant Bellatrix sans faire de geste brusque, il posa les tranches de chaque côté de son visage, couvrant délicatement ses joues avant de murmurer, d’une voix basse et implacable : « Idiot sandwich. »

La scène se déroula avec une étrange tranquillité, presque absurde dans son exécution. Valen, toujours aussi impassible, retira le pain et retourna vers le plan de travail sans prêter plus d’attention à la petite coupure. Il n’était ni moqueur ni cruel, mais il savait que l’humour, aussi discret soit-il, pouvait désamorcer une situation sans blesser. Il était conscient qu’elle ne s’était pas gravement blessée, et, à sa manière, il lui montrait qu’il n’y avait pas lieu de paniquer. D’un geste habile, il sortit un petit bandage de son propre sac, enroulant rapidement et efficacement le pouce de Bellatrix.

« La blessure est légère. Ce n’est rien, » dit-il simplement, ses yeux d’or fixés sur Bellatrix avec la même intensité qu’un maître surveillant son élève.

Puis, dans un geste inattendu mais d’une fluidité parfaite, Valen se glissa derrière Bellatrix. Il ne prêta aucune attention à la proximité soudaine qui s’établissait entre eux, son corps presque collé au sien, car pour lui, cela n’était qu’une formalité technique. Ses grandes mains, froides mais fermes, se superposèrent délicatement sur celles de Bellatrix, enveloppant les siennes avec une maîtrise absolue. Ses doigts, comme un écho des jours passés où son propre père corrigeait sa posture à l’épée, guidèrent doucement les mouvements de la jeune femme.

La sensation était étrangement intime, mais pour Valen, il ne s’agissait que d’une leçon de plus. Le poids de son corps, à peine perceptible contre celui de Bellatrix, n’avait aucune connotation autre que celle de la correction. Pourtant, la scène, à ses yeux, aurait pu paraître sensuelle, une proximité inattendue mais naturelle dans le cadre de leur échange. Délicatement penché pour compenser la différence de taille entre eux, la chaleur de son souffle effleurait presque la nuque de Bellatrix tandis qu’il ajustait de ses mains la position de ses mains, puis de ses bras, de ses épaules, avec une précision chirurgicale.

« Respire doucement. Ressens le poids du couteau dans ta main. » murmura-t-il à son oreille, sa voix grave, calme et mesurée.

Sous sa direction, Valen guida lentement la main de Bellatrix, l’aidant à entamer une nouvelle découpe. Cette fois, chaque mouvement était contrôlé, mesuré, parfaitement calibré. La lame glissa avec douceur à travers le légume, produisant des tranches d’une finesse régulière. Le geste, reproduit avec soin, commençait à prendre forme.

« Ce n’est pas la force qui fait la différence, » ajouta-t-il en relâchant doucement ses mains pour la laisser poursuivre seule. « Mais le contrôle. Chaque mouvement doit être ressenti, non forcé. »

Valen se recula, silencieux, mais toujours vigilant, reprenant en main sa coupe de vin. Il n’avait jamais été un homme de longues explications, mais il savait que l’essentiel résidait dans la pratique, dans l’acte de répéter encore et encore jusqu’à atteindre la maîtrise. En cet instant, il offrait à Bellatrix une part de son propre apprentissage, mais sans chercher à imposer. Elle aurait le choix, maintenant, de continuer, d’affronter cette tâche avec détermination ou de se laisser submerger par la frustration.

Le silence s’installa à nouveau, seulement rompu par le bruit des découpes régulières.