C’était une journée comme les autres. Le même climat, le même brouhaha que d’habitude. Pour qui n'aime pas la routine et les jours qui se ressemblent, il y avait de quoi devenir fou. Pourtant, aujourd’hui était un jour différent de tous les autres et pour cause, c’était les soldes. C’était bien la seule raison qui avait une certaine rouquine à sortir de chez elle aujourd’hui. D’ordinaire, Alice évitait autant que faire se peut de se mêler aux autres, mais les soldes changeaient considérablement la donne. Aujourd’hui, pas de misanthrope méfiante à l’excès vis-à-vis du genre humain, mais seulement une mage matérialiste qui avait bien l'intention de regagner son domicile en ayant fait les meilleures trouvailles.

Une fois arrivée dans les quartiers les plus commerçants de Crystal Valley, la densité de population se fit soudain plus dense. Il faut dire que c’était les soldes sur pas mal de choses aujourd'hui, beaucoup de gens s’étaient naturellement agglutinés pour optimiser leurs dépenses. Ce qui intéressait Alice c’était les vêtements, le reste n’était que du bonus pour la rousse.

Longeant les vitrines afin d’avoir la meilleure vue possible sur ce qui se trouvait à l’intérieur, l’une d’entre elle attira finalement l’attention d’Alice. Attirée par ce qu’elle voyait en présentation et par les jolies étiquettes de réduction, Alice entra dans le magasin qui paraissait assez chic vu de l’extérieur. Une fois à l’intérieur, laissa ses yeux vagabonder à la recherche du rayon pour femmes. Bien que n’étant pas fermée à l’idée d’avoir un style vestimentaire varié, la rousse avait tout de même un penchant plus prononcé pour les jolies robes à la manière de celle qu’elle portait actuellement.

Une fois arrivée dans le rayon dédié, la mage fut presque choquée tant il était peu chargé en vêtements. Elle ne s’était pas levée aux aurores mais commença à penser qu’elle aurait dû tant le stock de vêtements semblait avoir été dévalisé. Jetant une série de regards désespérés, Alice s'arrêta brusquement. Elle vit, telle une apparition divine, l’objet de sa convoitise. Une magnifique robe violette parcourut de fins motifs noirs. C’était totalement son style et, par chance, aucune autre harpie qui avait pu entrer dans ce rayon n’avait eu assez de goût pour s’emparer de ce bijou.

« Quelle chance j’ai, à moi le jackpot ! » S'exclama Alice en tendant une main vers la robe. Ses yeux brillaient d’envie comme si elle s'apprêtait à poser la main sur le graal lui même. Elle était si focalisée dessus qu’elle ne prêta pas attention à ce qui se trouvait autour d’elle où à une éventuelle autre personne qui aurait pu entrer dans le rayon après elle.

L’objet de sa convoitise était là, à seulement quelques centimètres d’elle. La demoiselle avait beau particulièrement affectionner le rouge, elle n’était pas contre un peu de variété et cette robe aux tons violets lui irait parfaitement, elle se voyait même déjà dedans. Cependant, un élément perturbateur vint se mettre entre la rousse et sa trouvaille, littéralement. D’abord elle entendit un léger sifflement, puis soudain, un étrange projectile rouge apparut dans son champ de vision et passa prestement entre sa main et la robe. Par réflexe, Alice retira sa main et fit un pas en arrière, ne comprenant pas ce qui venait de se passer. Tournant la tête pour voir de quoi il retournait, la rousse croisa soudain le regard d’une dame qui passa rapidement à côté d’elle…en volant ?!

Quelque peu décontenancée par cette étrange scène, Alice le fut davantage quand l’étrange demoiselle volante profita de l’effet de surprise pour subtiliser la robe avant de s’enfuir aussi rapidement qu’elle était venue. C’était un mauvais rêve c’est ça ? Elle allait se réveiller ? Une espèce de pimbêche qui vole venait de lui dérober la robe qu’elle devait acheter, SA robe de son point de vue.

Entre les remarques désobligeantes et son espèce de rire niais, la surprise d’Alice laissa rapidement place à la colère et la frustration.

« Bordel de merde, mais c’est qui cette espèce de greluche ? »

Alice pestait en voyant la voleuse s’enfuir à toutes ailes, il fallait qu’elle trouve un moyen de la rattraper avant qu’elle passe en caisse, sinon adieu la magnifique robe. Heureusement pour la rousse, le destin sembla, pour une fois, être de son côté. Tel un pigeon un peu idiot finissant sa course sur une vitre, l’espèce de demoiselle-fée se mangea un pilier en pleine face. Ne pouvant se retenir de rire aux éclats face à cette scène aussi drôle qu’inattendue, la rousse se mit à courir comme rarement auparavant et rattrapa la voleuse qui semblait sonnée.

« Oh c’est bête, la petite mouche s’est mangée un poteau. A défaut d’une jolie robe, tu auras au moins un bel œuf de poule sur la tête. »

Alice se moqua sans ménagement de la pauvre fille tout en récupérant la robe qu’elle considérait comme légitimement sienne. Elle serait bien restée s’amuser plus longtemps aux dépens de l’autre, mais pour l’heure il lui fallait réfréner sa méchanceté naturelle et s’en aller au plus vite avant que madame la fée ne revienne à elle. Se mettant à courir sans demander son reste, la rousse n’avait qu’un seul objectif en tête : les caisses. Le magasin étant grand et comptait plusieurs étages, il ne fallait donc pas qu’elle se relâche.

La mage noire finit par enfin apercevoir l’escalier permettant d’accéder à l’étage inférieur. Cette vision ne fit que la motiver davantage, lui offrant un boost d’adrénaline bienvenu qui lui permit d’accélérer son rythme. Bien mal lui en prit car, trop focalisée sur son objectif, elle ne remarqua pas le tapis au sol. Naturellement, elle se prit les pieds dedans.

« Oh sa mère la… » Fut tout ce que la jeune femme eu le temps de dire avant de s’étaler de tout son long à quelques mètres de l’escalier. À son tour, sûrement à cause de son mauvais karma, la robe lui échappa des mains et se retrouva sur le sol à côté d’elle.

Bien que la chute ne fut pas excessivement brutale, elle désorienta néanmoins Alice pendant un certain temps. Lorsqu’elle releva la tête, ce fut pour voir sa concurrente lui subtiliser la robe une nouvelle fois. D’ailleurs, sa tenue semblait avoir légèrement changée depuis qu’Alice lui avait tourné le dos pour détaler. Mais ce changement d’esthétique importait peu, il était hors de question de laisser l’autre s’en tirer.

« Morue ? Mais pour qui elle se prend la bourgeoise ? »

Alice pestait en voyant l’objet de sa convoitise s’envoler à nouveau, littéralement. Lorsqu’elle se releva, c’était pour voir l’autre enquiquineuse commencer à prendre de la distance et avec célérité en plus de ça. Il était clair que la simple course à pied ne suffirait pas cette fois. Elle voulait user de la magie ? Et bien soit, elle allait en avoir pour son argent. Après quelques secondes de réflexion, Alice fit apparaître dans son dos deux bras composés de matière obscure qui se mirent à filer en direction de l’enquiquineuse ailée. Tels des serpents, ils slalomaient avec souplesse entre les clients et autres obstacles indésirables.

Comme Alice n’avait matérialisé que deux bras, elle pouvait les manier avec rapidité et dextérité. Elle semblait en cela plus avantagée que sa cible qui, dans son cas, devait se frayer un passage entre les clients avec tout son corps. Cela permet à Alice de réduire progressivement l’écart avec la fée. Dans un premier temps, elle envisagea de saisir directement la robe pour la ramener à vitesse grand V et aviser ensuite. Elle se doutait cependant que la l’autre ne lacherait pas la robe aussi facilement que la première fois. La seconde option était de saisir directement l’ennemi. Elle pourrait la ralentir, la stopper nette dans sa course, voire carrément la forcer à faire machine arrière en la ramenant à elle.

Quand elle fut littéralement à portée de main, les membres spectraux saisirent finalement la fée aux chevilles.

« Viens voir maman, vilain petit moucheron. »

Le regard d’Alice brillait d’une lueur mauvaise et son sourire était carnassier. Elle voulait cette robe et elle l’aurait. Maintenant que la mouche était prise dans sa toile, hors de question de la laisser s’échapper.

Alice avait ferré son poisson, elle pouvait le sentir. Elle n’était pas aussi bonne pêcheuse qu’une certaine blonde agaçante, mais elle avait visiblement un minimum d’avenir dans le domaine. Sans plus attendre, elle commença à rétracter les bras noirs pour les faire revenir vers elle. Elle s’attendait à de la résistance, mais c’est sans grande difficulté qu’elle parvenait à rétracter sa matière noire. A priori les ailes de la concurrente lui procuraient surtout agilité et vitesse, elles ne semblaient toutefois pas d’un grand secours si celle-ci se faisait capturer fermement comme c’était le cas actuellement.

La rousse jubilait, elle ne pouvait que s’imaginer la surprise et l’incompréhension qui devaient se lire sur le visage de l’autre enquiquineuse. Mais plus que tout, elle pensait à la robe se rapprochant d’elle à vive allure.

« Enfin te voil…mais putain c’est quoi ça ? » s'exclama Alice dont le visage joyeux laissa place à de l'incompréhension. Les membres obscures n’avaient ramené ni robe, ni pimbêche…seulement une paire de bottes dans un triste état.

Avant même de réfléchir au pourquoi du comment, un grand bruit parvient aux oreilles de la rousse. Tournant la tête, elle remarqua bien vite une jolie demoiselle ensevelie sous des petites culottes.

« Je savais qu’on pouvait avoir la tête dans le cul, mais la tête dans la culotte, j’avoue c’est une première. » s’amusa Alice en voyant la situation absurde dans laquelle se trouvait son ennemie. Son regard fut cependant vite attiré par une pièce de tissu posée un peu plus loin, à même le sol. C’était la robe !

Sans perdre une seconde, la mage fit apparaître un nouveau bras obscur qu’elle envoya à toute vitesse s’emparer de l’objet source de tant de conflits. Elle le ramena à elle aussi vite que possible, voulant rentabiliser chaque seconde pendant lesquelles pendant lesquelles sa rivale était sonnées sous des petites culottes. Dès qu’elle fut à nouveau en possession de la robe, Alice la serra fermement contre elle et se mit à courir vers les caisses, faisant cette fois attention à où elle mettait les pieds. Cette fois plus question d'éventail, de pimbêche qui vole ou de tapis mal placés. Alice ne lâcherai la robe sous aucun prétexte, il faudrait lui passer sur le corps pour s’en emparer.

Malgré qu’elle fut arrivée aux caisses, le calvaire de la rousse n’était pas terminé. Devant elle, la caissière était en train d’encaisser les articles d’une vieille grand-mère. Que faire ? Pousser mémé dans le caddie et ordonner à la caissière de s’occuper d’elle en premier ? Mauvaise idée, elle risquait surtout de se faire virer du magasin si elle faisait ça. S’enfuir sans payer alors ? Impossible avec cette foutue barrière magique qui rendait tout délit impossible dans cette ville.

Alice ne pouvait qu’attendre, regardant derrière elle avec anxiété. Entre une grand-mère avec deux de tension et une demoiselle a priori aussi matérialiste et caractérielle qu’elle, la rousse savait laquelle serait la plus rapide. Elle serrait la robe contre elle telle une enfant gardant jalousement son doudou, sachant la confrontation inévitable. L’enquiquineuse ailée n’aurait pas cette robe, jamais, à aucun prix.

Alice tapotait nerveusement du pied en voyant la caissière passer les articles un à un, chaque seconde était précieuse. De temps à autre, elle regardait derrière elle, sachant que l’autre cliente pouvait débarquer à tout moment pour essayer de reprendre la robe objet de tant de convoitises.

« Allez mémé, passe la deuxième… » Gromela Alice tant les secondes lui paraissaient interminables. Malheur à la rousse qui, focalisée quelques secondes de trop sur ce qui se passait devant ne vit pas ce qui arrivait derrière. D’abord une voix puis, immédiatement après, ses pieds qui décollèrent du sol.

« Oh merde ! » s’exclama Alice qui réalisa soudainement qu’elle venait de se faire capturer par la fée. Tenant fermement la robe contre elle, la demoiselle regardait avec horreur les caisses devenir de plus en plus lointaine dans son champ de vision. Le temps qu’Alice parvienne à retrouve un semblant de repère, ce fut pour mieux le perdre en se mettant à tomber.

La rousse finit sa course, heureusement pour elle, dans un rayon où étaient exposés des manteaux qui contribuèrent à amortir quelque peu sa chute. Un peu sonnée, il fallut plusieurs secondes à Alice pour retrouver pour de bon ses repères et parvenir à se relever. Heureusement, elle était parvenue à conserver son emprise sur la robe qui, malgré toutes ces pérégrinations, était encore entière.

L’enquiquineuse féérique était dans les airs à quelques mètres d’Alice, c’était la première fois que les deux se faisaient véritablement face. Alice en profita pour analyser plus en détail la principale source de ses problèmes de la journée. Une blonde vénitienne, à l’air hautain mais plutôt jolie. Elle était très joliment vêtue, ce qu’Alice, en tant que fan de mode, considérait comme une qualité. Et puis, il fallait aussi admettre que la fée, aussi chiante soit elle, avait de sacrés arguments. A peine cette dernière pensée se fraya t-elle un chemin dans son esprit que cela la fit frissonner.

« Bordel, j’ai l’impression d’être Elain. » marmonna la rousse pour elle-même, évacuant les pensées impures lui ayant brièvement traversé l’esprit.

Sa concurrente se présenta finalement comme une mage de la guilde Sabertooth, cela mit naturellement l’ancienne mage noire sur ses gardes. Elle n’avait jamais fait partie d’une guilde à proprement parlé et les quelques mages qui avaient croisé sa route n’étaient que des indépendants, mais une vraie mage de guilde, c’était une première. La fée sembla prête à en découdre, en témoignent les deux étranges sphères qui apparurent dans ses mains.

Se battre ? Ici ? Parmi des civils ? Pour une simple robe ? Même pour Alice, qui était loin d’avoir tous les codes sociaux, cela semblait clairement disproportionnée. Pour un simple bout de tissu, une mage légale était prête à ouvrir le feu en plein milieu d’un magasin ? C’était une réaction assez inattendue, mais qui stimula cependant Alice. Étonnamment, cette soudaine escalade dans ce qui était à la base une simple querelle de femmes un peu trop investies dans les soldes, procurait de l’adrénaline à la rousse.  Alice avait l’impression de voir certains de ses travers dans son opposante et cela rendait la fée étrangement plus sympathique à ses yeux. Elle voulait jouer, et bien qu’il en soit ainsi.

Analysant son environnement, Alice remarqua que pas mal de gens s'agglutinaient, attirés par le drôle d’affrontement entre les deux femmes. Sournoisement, Alice se déplaça de sorte à s’approcher un peu d’une autre cliente qui se trouvait dans le rayon ou elle avait atterri. Elle garda la robe bien serrée en évidence contre elle pour dissuader la fée d’attaquer, sous peine de dire adieu à l’objet tant convoité.

Lorsqu’elle fut à proximité de l’autre cliente, Alice cessa de bouger et jeta à la fée un regard provocateur accompagnée d’un sourire sournois. La robe toujours dans ses mains, elle se dandinait légèrement dans un but purement provocateur. De son point de vue, le curieux duel avait évolué. Il n’y avait plus de stress, seulement de l’adrénaline et un plaisir naissant. La mage noire était curieuse de voir jusqu'où sa concurrente était prête à aller pour l’objet de sa convoitise. Allait-elle franchir la ligne rouge ? Renoncer ? En venir aux mains ? La rousse jubilait, elle était impatiente de savoir comment allait réagir la fée.

« Allez viens jolie fée, je t'attends. »

Alice attendait avec impatience de voir comment son adversaire allait réagir à sa petite provocation. La mage noire agissait avec fourberie c’est vrai, mais elle en avait le droit. Contrairement à celle qui lui faisait face, la bonne image, la légalité et autres considérations morales étaient des plus dispensables. Bien sûr, elle essayait de ne pas faire de vagues dans cette ville…même si la situation actuelle tendait à relativiser considérablement ce dernier point.

La fée se décida finalement à agir, elle opte pour le combat ? Et bien soit, Alice se doutait que sa concurrente n’était pas du genre à se défiler de toute façon, l'orgueil pousse à faire bien des folies. Contre toute attente cependant, ce n’est pas vers Alice que la fée se dirigea, mais vers la cliente qui se trouvait à proximité. Elle la prit et s’envola avec elle comme elle l’avait fait avec Alice un peu plus tôt, la rousse aurait cependant appréciée qu’elle fasse preuve de la même douceur plus tôt que de l’envoyer dans le décor sans ménagement.

La suite, Alice ne s’y attendait pas du tout. Une voleuse ? Une prise d’otage ? La rousse était loin d’être blanche comme neige certes, mais aujourd’hui, elle n’était qu’une simple cliente venue faire les soldes et rien de plus. Le mensonge éhonté de sa concurrente sembla fonctionner puisque la plupart des clients prirent la fuite, faisant tomber la stratégie d’Alice à l’eau.

« Quel mensonge odieux, c’est fourbe et indigne d’une mage digne de ce nom. » lança Alice à la mage de Sabertooth en se voulant moralisatrice. C’est un peu l'hôpital qui se moque de la charité puisque de son coté, la mage noir a plus ou moins toujours été odieuse et fourbe. Tout ce qu’elle désirait, c’était piqué un peu plus l'orgueil de son adversaire.

« Un tel stratagème pour une simple robe, c’est franchement mesquin. La jolie fée semble bien perfide et venimeuse…et ça me plait. » Pousuivit Alice, un sourire malsain sur les lèvres. Définitivement, l’affrontement avait changé de ton. Du point de vue d’Alice, la dispute entre cliente n’en était plus une. Tout du moins, cet aspect était passé au second plan. Pour la première fois, Alice avait l’impression d’avoir trouvé quelqu’un qui partageait ses traits de caractère…pas sûr que ce furent les meilleurs cependant.

Cette étrange situation lui procurait un mélange d’adrénaline et de satisfaction. Un duel mesquin sur fond de matérialisme, c’était…amusant. Jusque là, Alice avait toujours vécu une vie plutôt maussade, mais la vie à Edoras semblait pleine de surprises. Elle avait trouvé une excellente compagne de jeu et elle ne voulait pas que cela s’arrête.

« Tu là veux vraiment cette robe pas vrai, alors viens donc la chercher chère cliente. Mais je te préviens, le présentoir est du genre coriace. » poursuivit la rousse avec un sourire mesquin, serrant toujours plus fermement la robe contre elle. Dans cette situation, elle doutait que son adversaire ose faire usage de la magie. Alice avait littéralement la raison de leur affrontement qui lui faisait office de bouclier. Si jamais elle attaquait malgré tout, Alice n’aurait qu’à déployer un dôme d’aura noir pour se protéger.

Alice était dans une drôle de situation, à la fois amusée et tendue. Amusée car elle avait presque l’impression de faire face à son reflet. Tendue car elle n’en oubliait pas pour autant que le destin avait fait se rencontrer les deux demoiselles par l’intermédiaire d’un conflit. Conflit qui avait justement pour objet la robe qu’Alice tenait contre elle.

A nouveau, la fée choisit l’option de l’agression en faisant encore une fois apparaître des étranges sphères. Qu’est ce que c’était, des boules de feu ? des mini bombes ? Dans tous les cas, ça ne sentait pas bon. La mage noire espérait que son adversaire bluff, mais elle se rendit bien compte que cette fois elle comptait y aller sérieusement.

En la voyant balancer les sphères dans sa direction, Alice forma immédiatement un dôme de protection autour d’elle à l’aide de sa matière obscure. Elle entendait des bruits d’explosions qui s’enchainaient les unes après les autres mais, curieusement, elle ne sentit rien venir endommager son bouclier.

Au bout d’un moment, déduisant qu’elle ne semblait pas être visée directement, Alice prit finalement la décision de sortir de sa carapace improvisée pour voir de quoi il en retournait. Bien mal lui en prit car, à peine son bouclier dissipé, la demoiselle fut surprise par une attaque. Une des sphère de l’autre folle venait d’exploser à proximité, le souffle de l’explosion déstabilisa la rousse qui perdit l’équilibre. Dans sa chute Alice lâcha la robe qui, à cause du souffle de l’explosion, s’envola un peu plus loin.

« Non, pas question, elle est à moi et à personne d'autre ! » s'énerva la rousse en voyant lui échapper la robe qu’elle tenait pourtant fermement dans les mains quelques instants auparavant.

Très vite, presque par instinct, la mage noire fit apparaître un unique bras d’aura noire qui émergea du milieu de son dos. Ayant pu jauger la vitesse de la fée auparavant, elle savait qu’elle perdrait la robe si elle comptait sur ses seules capacités physiques. Mû par la volonté de sa maîtresse, le bras s'élança en direction de la robe dans l’objectif de la récupérer. Seulement, il y avait un petit problème…voir même un gros.

Le bras généré par Alice l’avait été dans un état de confusion alors que la rousse était légèrement déboussolée et son esprit soumis à l’adrénaline et au désir ardent de s’emparer de cette maudite robe. En conséquence, le bras était différent des précédents en un point bien précis, il était griffu aux extrémités. Alice n’avait pas remarqué ce détail, notamment en raison du fait qu’elle était encore un peu sonnée. Une chose était presque sûre, si la main griffue parvenait à saisir la robe, la pièce de mode tant convoitée risquait d’avoir besoin d’une bonne couturière.

Lorsqu’Alice vit la fée s'interposer entre la robe et la main magique, elle enragea. La robe venait de lui échapper alors qu’elle était, littéralement, à portée de main. Malgré cela, la rage laissa bien vite place à l’incrédulité. En envoyant valser la fée, la rousse remarqua des lambeaux de sa robe flotter quelques secondes dans l’air avant d'atterrir au sol. En rétractant l'appendice sombre, elle réalisa le pourquoi du comment. Des griffes ?! Dans la rage et l’empressement, Alice avait généré une main griffue sans s’en rendre compte. Heureusement pour elle, la fée avait servi de bouclier humain. Si elle n’avait pas été son ennemi en l'instinct, elle l’aurait volontiers remercier pour son sacrifice.

La mouche écrasée au sol venait de se relever, Alice était sur ses gardes. Maintenant que l’ennemi avait la robe, elle utiliserait probablement encore sa super vitesse pour filer prestement en direction des caisses. Alice se préparait à dégainer des bras en conséquence, mais l’absence d’autres clients en guise d’obstacles naturels risquait de rendre la partie de pêche plus ardue que la première fois.

Ce qui se passa ensuite prit Alice de court. Loin de se prendre ses jambes à son coup pour filer à l’anglaise, la fée choisit de revenir à l’offensive. La rousse se retrouva très vite face à une salve de petites aiguilles. Par réflexe, elle leva ses avants bras pour se protéger le visage. Très vite, elle se retrouva avec de multiples coupures aux bras et aux jambes, la robe qu’elle portait ne fut pas épargnée non plus.

« Bordel mais t’as un grain toi ! » cracha la jeune fille devant l’assaut furieux de la fée. C’était une remarque osée venant d’Alice qui, disons le, était loin d’être un modèle de calme. Mais, d’un certain point de vue, on pouvait considérer que son tempérament sanguin était justifié par son ancien statut de mage noire. Là, elle faisait face à une mage de Sabertooth, des gens réputés agir pour le bien. Si elle n’avait pas décliné en partie son identité, Alice aurait pu croire qu’elle était elle aussi une mage noire tant les défauts des deux semblaient correspondre.

Il fallait réfléchir à un plan et vite, sinon Alice devrait bientôt investir dans l’industrie du pansement. Elle voulait la robe, donc il était hors de question de fuir. D’un autre côté, elle était dans une situation critique. Il fallait une solution pour sortir de l’impasse et vite.

« Oh et puis merde, fait chié ! » S’exclama la jeune femme toute en poésie, faisant émerger une nouvelle salves de mains dans son dos…beaucoup de mains. Les appendices sombres, n’ayant que faire de la douleur et des coupures, filèrent en direction de la fée hystérique dans l'objectif de la saisir. Alice comptait l'attirer au corps à corps pour s’emparer de la robe par la force. L’autre enquiquineuse allait avoir le droit au câlin de sa vie.

Alice comptait une nouvelle fois sur ses membres obscurs pour attraper cet énervant petit moucheron au vol. Alice y avait mis les moyens cette fois, il y avait tant de mains que la fée aurait sûrement bien du mal à toutes les esquiver, bien qu'elle s'y essaya dans un premier temps. Très vite cependant, elle sembla changer de tactique et, comme Alice un peu plus tôt, utiliser un dôme composé de magie pour se protéger elle ainsi que la robe objet de toutes les convoitises. Ce 'plagiat" amusa grandement la rousse plus qu'il ne l'énerva. Cette similitude dans l'utilisation de la magie ne fit qu'agrandir le sourire d'Alice qui avait l'impression de faire face à son propre reflet.

« J'apprécie être ta source d'inspiration très chère, mais je compte quand même m'emparer de ce pour quoi je suis venue. » Sur ces mots, Alice continuait à envoyer ses mains obscures attaquer la sphère en continu. Si elle ne la brisait pas, elle espérait que la fée finisse par manquer de magie et se retrouve littéralement à découvert en conséquence.

Tandis qu'elle attaquait sans répit, des gardes de Crystal valley s'annoncèrent à l'entrée du magasin. Il fallait s'y attendre, avec tout ce grabuge les deux furies avaient fini par attirer ceux chargés d'assurer la sécurité de la cité. Sur ce point, Alice partait avec un désavantage puisque son adversaire l'avait faite passer pour une criminelle. Ce n'était certes pas faux, la rousse étant une ancienne mage noire, mais dans la situation présente c'était une simple citoyenne. M'enfin ça c'était parole contre parole, ça risquait d'être compliqué de défendre son point de vue avec une mage de la guilde Sabertooth en face.

Tandis qu'elle commençait à envisager de renoncer et de prendre la fuite, le destin sembla enfin lui sourire puisque le bouclier de la fée se dissipa. Il semblerait qu'elle arrivait finalement à court d'énergie magique. Cet avantage allait être de courte durée puisque Alice sentait elle aussi que l'utilisation prolongée de sa magie commençait à avoir des effets négatifs. Si elle ne s'emparait pas de cette robe immédiatement, elle risquait de perdre le contrôle et de se transformer en sorcière de la damnation, elle se refusait à cette éventualité.

Tentant le tout pour le tout, Alice parvint à saisir la fée en plusieurs endroits, l'empêchant de s'échapper. Un des membre sombre parvint également à saisir la robe et commença à tirer.

« Arrête de résister et résigne toi, cette robe est à moi ! » hurla Alice dont le visage affichait un sourire carnassier conséquence de sa sensation de victoire imminente mais aussi de sa magie qui commençait à sérieusement lui polluer l'esprit.

Les deux femmes tiraient fortement sur la robe comme s'il s'agissait d'une épreuve olympique, aucune ne semblait décider à céder à ce moment décisif. En revanche, c'est autre chose qui risquait de céder incessamment sous peu…

A force d'être malmenée et tirée avec autant de force, la robe subit plus de pression que le tissu ne pouvait en supporter. Avec un bruit de déchirure, cette dernière se retrouva purement et simplement scindée en deux. Désormais, chacune des demoiselles avait la robe entre les mains…ou la moitié tout du moins. Tandis que l'appendice sombre se rétractait et rapportait le bout de tissu à Alice, celle-ci perdit son sourire et regarda la moitié de robe désormais dans ses mains avec un air choqué.

« Putain…j'y crois pas…c'est une blague… » dit-elle, ayant toujours du mal à réaliser ce qui venait de se passer.

Elle détacha son regard du lambeau de tissu et le porta sur la fée qui tenait l'autre dans ses mains, elle cherchait dans les yeux de celle-ci à des réponses à une myriade de questions qui commençaient à se bousculer dans sa tête, notamment sur ce qui allait se passer maintenant que l'objet de tant de convoitise n'était plus.

Dans le même temps, les gardes de Crystal valley ainsi que la gérante du magasin s'approchaient, n'étant désormais plus qu'à quelques mètres des deux demoiselles.